Un dimanche au bord de l’eau

par C’est Nabum
mercredi 29 mai 2013

Le Bonimenteur harangue le chaland !

Que tout est beau !

 

Quelques rayons de soleil, la fin des pluies incessantes de cet étrange mois de mai et les berges de nos quais de Loire se couvrent de promeneurs et de flâneurs allant enfin du pas bienheureux de ceux qui ont tout leur temps. On sent un appétit d'extérieur, une envie folle de mordre à pleines dents dans cette fenêtre miraculeuse, ce répit devenu tellement inespéré …

Pensez : non seulement il ne pleut pas mais sous ce rayon de soleil, la température est enfin fréquentable. C'est du bonheur en cascade, le retour des sourires et de la joie de vivre. Sur le quai, nous mesurons immédiatement l'humeur de la vie, nous prenons le pouls d'une cité où chacun prend le temps désormais de se tourner vers la rivière.

Le restaurant le Girouet est ouvert spécialement pour la fête des mères. J'ai reçu un message de mon capitaine, une mamie est célébrée, elle fête son anniversaire. Elle aimerait entendre une histoire à ma façon. Je me précipite pour satisfaire à la demande, quand j'ai oreilles disponibles, je ne me fais jamais prier.

Une heure durant, je raconte notre Loire. Je suis parti d'une fable que je pensais adaptée à la circonstance : « Saül et le fleuve ! ». Les convives sont attentifs, les fourchettes ont cessé de s'agiter. J'ai pris mon élan, j'ai attrapé des grandes personnes dans mes filets, elles sont retournées en enfance. Il n'est pas question de les lâcher …

Je dérive, je me laisse aller. La source d'inspiration est intarissable, je fais un grand crochet entre légende et histoire, passé et mythologie. Ils écoutent, ils en redemandent. Quel bonheur. Pour le conteur d'abord, de trouver ainsi des auditeurs qui acceptent de suivre mes pas ; pour eux aussi j'espère, de voir le temps s'abolir et de se laisser mener par le bout du cœur.

Je suis moi aussi pris par cette belle euphorie. Mon capitaine me fait un signe, un petit clin d'œil qui désormais pour moi est bien clair. Nous allons prendre le bateau et nous laisser aller aux fantaisies de la belle dame Liger. Elle a encore fait des joues, elle est grosse, elle est belle, elle nous permet d'aller partout sans nous soucier des écueils.

Pourtant, ce plaisir, je ne veux pas le vivre de manière égoïste. J'ai envie que ceux qui ne voient la rivière que du pierret profitent à leur tour de ce bonheur incomparable. Nous allons créer l'évènement. Le soleil fera les larrons. Nous accostons sur le quai et j'interpelle les gens qui passent au loin.

Je fais véritablement le Bonimenteur de foire, harangue les passants. « Venez admirer notre Loire ! Prenez la peine de vous avancer et monter sur notre bateau pour profiter de la rivière et de ses histoires ! ». Les uns détournent le regard, d'autres pressent le pas. La peur qu'on leur demande quelque chose sans doute. Certains pourtant s'avancent, timidement. C'est si rare l'imprévu désormais !

Bien sûr, il est vite question d'argent. La réponse est simple, elle en désarçonne quelques-uns. « Vous venez et à la fin de la sortie, vous donnerez ce que vous pourrez pour participer aux frais. Si vous n'avez rien, faites un baiser au capitaine ! ». Le bateau se remplit. Le premier groupe est parti. Les autres suivront, certains attendront notre retour, puisque le nombre était atteint.

Je ne suis pas certain que tout le monde ait mis la main à la poche. Ça n'a aucune importance. Ce que je sais, c'est qu'ils sont tous redescendus avec un sourire grand comme ça et des lumières dans les yeux. Nous avons prolongé le plaisir de cette belle journée, nous avons apporté le rêve et l'émerveillement. Les hérons nous ont bien aidés, le soleil a fait le reste.

Au sixième, septième ou bien huitième voyage (je ne sais, nous ne comptions plus), nous étions fourbus. J'avais la voix fatiguée de n'avoir cessé de raconter la Loire, de faire le pitre et le conteur. Nous avions une fois encore renforcé la cohorte immense des gens qui désormais aimeront la Loire. C'est ainsi qu'une passion se partage !

Nous avons une fois encore joué les transmetteurs de Loire. Pour notre plaisir, pour partager, pour que d'autres que les mariniers bénéficient de ce formidable spectacle. Point besoin de manifestation patentée ni de mission officielle. Ce fut improvisé, spontané, sans calcul ni desseins scabreux. « Parce que la Loire ! », nous dirait Bibi d'un clin d'œil malicieux. « Parce qu'il faut la Loire pour me croire », rajouterait le bonimenteur qui ne peut se prendre au sérieux. Si ça vous dit, laissez vous tenter à votre tour …

Spontanément vôtre.

 

Photographies Bertrand Deshayes

 


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