Un gros marché des Dombes

par C’est Nabum
mardi 6 août 2013

Le Bonimenteur fait ses courses ...

Le joli capharnaüm que voilà !

Chatillon sur Chalaronnes, son musée du train miniature, sa halle magnifique et son marché chamarré. C'est avec la curiosité de celui qui aime à traîner ses guêtres là où se trouvent les vrais gens, que j'ai donc décidé d'arpenter les allées de ce bel espace forain. J'avoue mon peu de goût pour les marchés interlopes, ceux qui mélangent l'alimentaire et le bazar de pacotille. Pourtant, ils ont le charme désuet d'une France bigarrée, de celle que l'on ne rencontre plus vraiment dans nos centres villes aseptisés et embourgeoisés.

La surprise est de taille quand je découvre pour commencer trois artistes faisant la manche. Ils ont bien choisi leur coin, c'est le passage obligé pour aller du parking aux festivités marchandes. Ils y ajoutent une petite note musicale qui n'est nullement déplaisante. C'est l'âme en joie que je vais pouvoir affronter la foire à l'improbable.

N'y voyez pas une marque de mépris mais l'interrogation profonde est sans cesse renouvelée : « Mais qui peut acheter ça ? ». Je commence par un stand de vêtements avec, en tête de gondole, la fameuse blouse en tergal aux couleurs si saillantes. Je pensais que la clientèle avait disparu avec le décès de mes dernières tantes mais que nenni. Depuis les Vampes ont dû créer de nouvelles vocations et partout sur nos marchés, nous pouvons encore admirer ces merveilles …

Puis ce sont les stands spécifiques. Des marchands suicidaires font le choix d'un produit unique, une merveille qui doit leur assurer succès et clientèle. Ici, c'était la cocotte en terre cuite qu'il faut mouiller avant de la glisser au four. Elle assure ainsi une merveilleuse cuisson à la vapeur foi de vendeuse aussi convaincue qu'insistante. Plus loin, c'est le roi de l'épluche légumes qui se fend de quelques carottes et de belles rondelles de concombres. Là encore, la marge doit être bien maigre et le bénéfice aussi mince que les épluchures !

Les devantures bigarrées proposent ce qu'il y a de plus toc, de plus laid, de plus fragile à la seule condition que les couleurs soient éclatantes. C'est une curiosité de ces marchés au tout venant que de proposer de tels articles de solderies. Le chaland passe sans un regard, seuls quelques enfants tirent parfois la manche de parents peu désireux de s'y arrêter. Ce n'est pas un commerce qui doit nourrir son marchand !

Le tout venant fait place au bizarre. L'inévitable marchand de matelas et de sommiers s'étale sur la place. C'est qu'il prend de la place le bougre. Je me suis toujours interrogé : « Mais à qui viendrait la folie d'acheter un lit sur un marché ? » jusqu'à ce qu'un ami me raconte avoir franchi ce pas. C'était donc lui le responsable qui fait croire à des vendeurs naïfs que d'autres auront la même fantaisie !

Puis c'est la niche commerciale par exemple, le commerce véritable spécifique. Sur ce marché, il y a un vendeur en gros de produits alimentaires pour chiens et chats. Un vaste choix en paquet de 10 kilogrammes pour satisfaire les toutous qui ne semblent pas attirés tout particulièrement par ce stand. À heure de la diversification dans le monde du commerce, voilà un contre-exemple étonnant.

Le bazar ne cesse pas. Chaque commerçant propose son produit excentrique. Certains s'en font même une spécialité et ne vendent que des objets dont je n'aurai jamais l'usage. Ils ont pourtant un courage incroyable. Deux fois par jour, ils doivent déplacer toutes ces miroiteries. C'est un travail de patience. Je me demande si le bénéfice en vaut les efforts consentis. C'est l'une des noblesses de la vente foraine de ne pas compter ses pas.

J'en arrive enfin au cœur du marché. C'est là que la foule converge. Les autres activités étaient périphériques, rejetées loin du sein des saints. C'est une magnifique halle de bois du XV° siècle qui accueille les métiers de bouche. Là, pour avancer dans les allées, il faut jouer des coudes et pour acheter, il faut accepter de faire la queue. Si le Français se prive en cette période de crise qui n'en finira jamais, il n'a pas encore décidé de se priver de manger.

Nous sommes plus serrés que des volailles dans un élevage en batterie. C'est assez curieux car ici, c'est la Bresse et la dite volaille a davantage ses aises que son client potentiel. N'ergotons pas sur ce détail qui ne semble pas venir à l'esprit de ces acheteurs compulsifs, gourmets sans doute et que certains vendeurs vont certainement leurrer. Ce n'est pas simple de démêler le vrai du faux, l'authentique producteur du revendeur habile, du produit artisanal à sa redoutable imitation indigeste. Seuls les gens du cru savent à qui il est bon de faire confiance.

Les odeurs et les couleurs se mélangent. Il est bien difficile de se fier à son nez pour effectuer le bon choix d'autant que ma voisine, qui cherche naturellement à gagner quelques places, dégage des parfums qui n'ont rien d'appétissant. Plus loin, les volailles vivantes apportent elles aussi leur lot de désagréments olfactifs. Ils ne sont pas les seuls, ce ne seraient pas les vacances si ne flottait pas dans l'air l'incontournable bouquet rance de la friture qui a trop vécu.

Malgré la cohue et l'étroitesse des allées, ici comme partout ailleurs, de braves gens entament une conversation en plein milieu du passage. Le plus souvent, un causeur a son caddie en travers du chemin. Bison futé l'avait bien dit, la journée sera noire et nombreux les bouchons. Sous les halles de Chatillon, on ne les compte plus. 

C'est grâce à un itinéraire de délestage, celui de ma bourse en l'occurrence, que je finis par quitter les lieux. Vive les marchés en plein air. Que ce billet d'une parfaite mauvaise foi ne vous empêche nullement de vous y rendre. Ils sont l'âme de notre nation, il serait dommage de passer à côté.

Forainement vôtre.

 


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