Guépin

par C’est Nabum
jeudi 1er septembre 2022

Ça pique…

L'histoire se plie à bien des fantaisies et ce n'est pas un bonimenteur qui en fera grief. Il est ainsi possible de trouver des origines fort diverses à un terme qui fit jadis florès même si depuis, le conformisme a largement inversé la tendance dans une cité où l'humour et l'ironie n'ont plus guère leur place. Il est vrai que se confire sans cesse dans l'adoration johannique n'ouvre pas la voie à la franche galéjade.

Mais revenons à ses moutons avant que de nous piquer de refaire l'histoire bien avant la dame. Il est même possible d'aller si loin en arrière que non seulement monsieur l'Évêque y perdrait son latin tandis que Cenabum en perdrait son appellation romaine. Il nous faudrait alors nous coltiner le Grec ce qui n'est pas sans risque pour la réputation des bourgeois. C'est ainsi que l'on peut lire une référence savante que je vous donne in-extenso.

« Orléans est une des plus anciennes villes des Gaules, fondée par une colonie grecque sortie des environs de l’Épire, 250 ans après la destruction de Troie. Orléans fut la plus savante ville des Gaules. On remarquait dans ses habitants un certain génie brillant qu’on ne remarquait pas dans les autres Gaulois ; aussi leur donna-t-on un nom grec signifiant pierre brillante (goespos). C’était une espèce de caillou transparent qui se trouvait aux environs de l’Épire, et qui a longtemps décoré les temples des Grecs. Le nom leur est resté depuis, et, par corruption de langage, a été changé en celui de guespin ou guêpin. »

Attila ne l'entend pas de cette oreille lui pour qui Orléans fut un caillou dans son périple massacreur. Un siège qui tourna court selon la version officielle à cause d'une méchante série d'orages, d'un évêque prévoyant et de l'arrivée opportune par voie d'eau de l'armée impériale. Nous étions en 451 et pour entrer dans la légende, le brave Aignan jeta du sable à la tête des assaillants pour que chaque grain devînt une guêpe dont l'une d'elle alla se poser sur le blason. Un versificateur local en fit d'ailleurs une faribole.

Autre temps, autre explication après que la bergère à la taille de guêpe eut bouté le vieux prélat et ses guêpes du roman local. Là encore, faisons confiance à ce qui peut se lire sur la toile : « Bonaventure des Périers, dans son conte d’une dame d’Orléans qui aimait un écolier, oppose le terme de guépin à civil et poli. C’était, dit-il, une dame gentille et honnête, encore qu’elle fût guespine. Dans la Relation de l’entrée de l’empereur Charles-Quint à Orléans, en 1539, guespin est employé pour étudiant de la ville d’Orléans. »

Les étudiants d'Orléans eurent du reste une relation assez épique avec les bourgeois de la ville. La quatrième plus ancienne université de France a reçu nombre d'élèves allemands qui firent maintes fois grand tapage dans la cité. Les plaintes et les heurts ne manquèrent pas durant cette longue histoire. L'esprit guépin n'étant pas l'apanage des bonnes gens du bourg.

Les mémoires d'un guépin relatent les faits et gestes durant la révolution. L'ouvrage est piquant, le style alerte tandis que l'esprit vif et incisif de son auteur atteste que le terme n'est en rien le contraire de civil et poli. Sa lecture est réconfortante car elle démontre que cette manière de percevoir la vie de la cité n'était pas morte.

Le XIXème siècle allait voir fleurir des cabarets dans lesquels chansonniers et poètes s'en donnèrent à dard joie pour distiller tout le venin dont ils étaient capables. Ils furent les Guêpins d'une époque durant laquelle, la ville sombra petit à petit dans un marasme économique qui lui donna le bourdon. Les humoristes se firent un honneur de secouer le cocotier d'une élite confite dans la conformité et les bondieuseries. Les opposants à la séparation de l'église et de l'État ayant trouvé là leur essaim favori.

Petit à petit, les humoristes durent rentrer dans le rang, s'éloigner de la ville ou passer sous le boisseau. La subversion, l'ironie, la perfidie n'ayant plus guère leur place dans un environnement où la culture se confondit avec la distraction et la vénération de ce qui venait d'ailleurs. C'est à croire que pour s’y faire une place au soleil il est préférable d'être un bourdon asiatique évoquant le seul dragon chinois. Les guêpes de chez nous n'ont jamais fait de miel, il n'y a pas de raison de donner dans la douceur et l’obséquiosité.

À bon entendeur ...


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