Une des quatre situations possibles, uniques, qui terminerait la guerre en Ukraine. Les grandes puissances face à leur destin

par Hamed
jeudi 16 mai 2024

 Tout humain que nous sommes doit tenter, doit s’efforcer de comprendre comment l’Occident et la Russie en sont arrivés à la guerre via l’Ukraine ? Qui pouvait s’imaginer que la Russie qui avait amassé 150 000 hommes allait envahir, le 24 février 2022, l’Ukraine ? Malgré l’annonce répétée du président américaine d’une invasion imminente de l’Ukraine par la Russie, il faut le dire, personne n’y croyait réellement. La pensée allait plus à une tactique de pression, à une invasion partielle limitée à la région du Donbass puisque les deux républiques séparatistes de Donetsk et Lougansk ont été reconnus officiellement des « républiques indépendantes » par la Russie qu’à une invasion de grande envergure qui risquait de changer l’équilibre géostratégique en Europe, affectant inévitablement l’équilibre de puissance mondiale.

Aujourd’hui, la guerre se poursuit à l’Est et au Sud de l’Ukraine ; malgré les bombardements, la forte défense de l’armée ukrainienne tient, malgré de part et d’autre offensive et contre-offensive. La situation de guerre est très mal vécue en Ukraine, l’ONU fait état de 13 millions d’Ukrainiens déplacés par la guerre, dont une grande partie a trouvé refuge auprès des pays européens frontaliers de l’Ukraine ; une autre partie s’est dirigée en Europe de l’Ouest jusqu’aux États-Unis. Une guerre inexorable en Ukraine ; des pertes qui se comptent par milliers de vies humaines et qui concernent enfants, femmes, vieillards et pas seulement des soldats.

Des destructions en vies humaines et en villes qui rappellent l’invasion de l’Union soviétique, en 1941, par l’Allemagne nazie, bien sûr sans aucune équivalence, à l’époque 3 millions de soldats allemands étaient alignés contre l’URSS, de plus soutenus par 650 000 hommes issus des pays alliés de l’Allemagne nazie dont l’Italie, la Finlande… Aujourd’hui, c’est complètement différent avec les armes nucléaires où le facteur humain joue beaucoup moins. Une autre guerre beaucoup plus proche, la guerre civile qui s’est internationalisée et a détruit une grande partie des villes syriennes, plus de 6 millions de Syriens déplacés en Syrie ou ont fui à l’étranger.

Étrangeté de la marche du monde, ce qui était inimaginable en Europe, avec le déploiement de l’OTAN en Europe, et même si l’Ukraine n’en faisait pas partie, la promesse de son intégration aurait dû faire reculer tout adversaire, y compris la Russie. Or, ce qui est incroyable, la Russie ne l’entendait pas de cette oreille et, faute que des exigences stratégiques adressées à l’OTAN, et donc à l’Europe et aux États-Unis, n’ont pas été satisfaites, la Russie n’a pas hésité, elle a envahi l’Ukraine.

Depuis une guerre atroce se déroule en Ukraine ; malgré l’avalanche de sanctions occidentales, la Russie poursuit son « opération spéciale ». On doit comprendre que ces sanctions occidentales s’apparentant à une déclaration de guerre, la guerre pourrait s’étendre aux autres pays d’Europe. Force de dire que la Russie, en procédant à l’invasion de l’Ukraine, a certainement, dans son plan de guerre, a intégré tous les cas de figure de guerre qui pouvaient survenir. L’objectif de l’armée russe comme d’ailleurs est l’objectif de toute armée qui entre en guerre est de s’assurer que ses objectifs soient atteints. Et le problème avec la Russie est qu’elle est la deuxième puissance nucléaire du monde ; elle est pratiquement à parité sur le nombre d’ogives nucléaires avec les États-Unis.

Dès lors, il est clair que toutes les options de guerre contre l’Ukraine et ses alliés ont été étudiées conjointement entre l’état-major russe, les politiques et ceux qui ont la charge de l’économie russe, et le dernier mot revient évidemment à la défense et au Conseil de sécurité de la Fédération de Russie. Pourquoi le Conseil de Sécurité et la Défense russe ? Parce que ce sont eux à qui reviennent la décision et la charge des opérations de guerre, et le suivi des événements face à l’OTAN et la puissance américaine.

L’OTAN regroupe 32 pays aujourd’hui avec la Finlande et la Suède. Au sein de l’OTAN, ce sont les États-Unis qui sont le vrai pilier de la force otanienne, ce qui signifie que la Russie vise avant tout ce que sera la réponse des États-Unis sur la guerre en Ukraine, bien entendu aussi la réponse des principaux pays de l’Otan, au niveau européen, essentiellement la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Mais, globalement, sur l’issue de la guerre, la guerre se joue essentiellement entre les États-Unis et la Russie. Si, par exemple, les États-Unis décidaient de mettre fin à la guerre, en décidant, par exemple, de diminuer d’armer l’armée ukrainienne, ou en intimant à Kiev d’entamer des pourparlers avec la Russie, pour mettre fin à la guerre, l’Ukraine ne peut refuser, elle se conformera à son principal soutien. Cependant, dans l’atteinte de leurs objectifs, en Ukraine, les États-Unis ne reculeront parce qu’une défaite leur est inacceptable ; la Russie aussi ne reculera pas surtout avec la présence d’une majorité de population d’origine russe à l’est et au sud de l’Ukraine.

Pour avoir une idée sur la trame de l’histoire en Ukraine, il faut se rappeler ce qui s’est passé en Syrie, avec l’intervention de l’armée russe, à partir de fin septembre 2015 ; elle a remis en cause toute la stratégie de l’Europe et des États-Unis pour renverser le président Bachar el-Assad.

De même, après la Syrie, vingt années de guerre en Afghanistan se sont terminées en désastre pour les États-Unis et l’OTAN. Une déroute pour les forces occidentales à l’été 2021. Et de ces échecs, l’Occident n’a pas tiré des leçons. On lit dans le journal Le Monde, du 4 septembre 2021, « Après la débâcle en Afghanistan, l’OTAN à l’heure des doutes » :

« Le retrait des troupes américaines n’a jamais été vraiment débattu entre alliés, alors que 1 100 soldats allemands, 800 britanniques et 750 italiens étaient encore présents.

Certaines relectures sont cruelles, comme celle de la longue déclaration commune des ministres des affaires étrangères de l’OTAN réunis le 14 avril, consacrée à l’Afghanistan, ce pays où l’Organisation transatlantique était présente depuis les attentats anti-américains de 2001. Il s’agissait, cette fois, d’acter le retrait des forces internationales à la suite de l’accord de Doha, signé, en février 2020, par les Etats-Unis et les talibans. […]

Vingt années de présence continue dans le pays n’auraient donc pas permis de jauger l’état exact des forces en présence, de mesurer l’échec patent du nation building, la reconstruction d’un Etat défaillant. Ni même d’estimer la faiblesse d’une armée et d’un appareil sécuritaire formés, à coups de milliards de dollars, depuis 2015, dans le cadre de la mission Resolute Support de l’Alliance atlantique.

En juin, une semaine avant un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui devait, à Bruxelles, confirmer la décision du retrait des troupes, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’organisation, était à Washington pour rencontrer le président Joe Biden. A cette occasion, il ne formulait, semble-t-il, aucune objection au retrait envisagé, qui n’avait pourtant jamais été vraiment débattu entre alliés.

Impréparation générale

Lors d’une réunion des ministres de la défense, en février, la délégation américaine avait en effet soutenu qu’elle n’était « pas prête » pour cette discussion, qui, finalement, n’aura jamais lieu, laissant les Européens à leurs questions, alors que 1 100 soldats allemands, 800 britanniques et 750 italiens, notamment, étaient encore présents en Afghanistan. Le mantra otanien « in together, out together » – « tous ensemble au début, tous ensemble à la fin » – avait, apparemment, vécu. » (1)

Déjà, en 2019, le président français Emmanuel Macron, dans une déclaration publique, jugeait l'OTAN « obsolète ». Et cette déclaration, comme l’écrit France 24, la chaîne de télévision française d’information internationale en continu, le 8 novembre 2019, soit une année et huit mois avant la débâcle américaine et de l’OTAN, en Afghanistan :

« Le président français Emmanuel Macron a dressé, jeudi, un tableau sombre de l'OTAN, déplorant notamment le comportement de la Turquie en Syrie. Au passage, il a également plaidé pour une « Europe de la défense ».

Déplorant le manque de coordination entre les États-Unis et l'Europe mais aussi le comportement unilatéral de la Turquie en Syrie, le président français Emmanuel Macron a jugé l'alliance en état de « mort cérébrale » dans un entretien publié jeudi 7 novembre dans l'hebdomadaire britannique The Economist. 

Un jugement qui s'explique d'abord par la méfiance croissante de la France envers les États-Unis, comme le souligne notre journaliste, Baptiste Fallevoz. Si la relation transatlantique était autrefois la force de l'OTAN, les paroles et les actes de Donald Trump n'ont fait que détériorer l'alliance. Le retrait d’une grande partie des forces américaines en Syrie ont laissé le champ libre à une offensive turque contre les forces kurdes. Une décision américaine qui a été prise sans aucune coordination, souligne Emmanuel Macron. » (2)

Précisément, à la lecture des événements récents qui se sont opérés au Moyen-Orient et en Asie centrale, en 2021, on comprend pourquoi la Russie a imposé ses exigences à l’Occident, concernant son proche-immédiat de ses frontières. Une prise de conscience du pouvoir russe dans leur nouvelle position géostratégique qui est à lier à la sécurité de leur aire d’influence frontalière immédiate et au recul de l’OTAN et de la puissance militaire des États-Unis dans les théâtres de guerre éloignés. Le rapport des forces dans ces théâtres de guerre est sans commune mesure entre les armements dont disposaient les forces de la coalition internationale (OTAN) et l’armée américaine et ceux des forces autochtones des régions envahies qui luttaient contre l’occupant ; des décennies de guerre pour se terminer par une débâcle militaire occidentale.

Ce que l’on doit souligner sur l’échec des plans occidentaux dans leur objectif de domination, c’est que les peuples qui les ont combattu, que ce soit, dans les années 1960-1970, au Vietnam, ou plus proche, en Irak, en Syrie, en Afghanistan et ailleurs, le processus est le même ; ces peuples aidés par les puissances adverses ont une combativité et une patience qui n’est pas la même que celles des forces de l’occupant malgré le fort décalage dans les armements. C’est précisément cette force de résistance à toute épreuve des peuples envahis qui finit par affaiblir la puissance occupante et in fine la pousser à dégager ses forces de ce théâtre de combat qui devient un « bourbier ». D’autant plus que l’absence de résolution du conflit armé, les facteurs stratégiques s’éternisant dans la durée et sans issue, l’absence de gains politiques et militaires, amènent la puissance occupante à prendre conscience de son échec militaro-stratégique.

On comprend dès lors que tous ces facteurs qu’ont vécus les États-Unis et l’OTAN dans leurs guerres passées ne peuvent qu’être pris en compte par l’état-major de l’armée et du pouvoir politique russe. Surtout que l’enjeu pour la Russie porte en plus de « l’aire d’influence immédiate à ses frontières » sur les populations qui vivent dans le Donetsk et le Lougansk, en majorité d’origine russe, et qui doivent être protégées.

La situation n’est pas comparable, comme dans les années 1980, lorsque l’Union soviétique avait envahi l’Afghanistan, et après pratiquement une décennie de guerre, elle s’est retirée, laissant un pays dans la désolation, un pays en ruine ; l’URSS a cependant enregistré un échec magistral en Afghanistan, un échec qui l’a marqué et, dans un certain sens, a concouru à son éclatement, en décembre 1991. La Russie, plus avisée aujourd’hui, ne cherche pas à répéter la même erreur.

Aujourd’hui, la guerre a bouclé deux années, elle est à son troisième mois, en Ukraine, et la situation est toujours bloquée, tout laisse penser que les combats vont se poursuivre ; la guerre ne va pas s’arrêter et chaque camp vise à atteindre ses objectifs. Cependant, pour la Russie comme pour l’Europe et les États-Unis, l’enlisement qui se précise de plus en plus ne sera pas porteur. En effet, une situation de blocage et très peu de changement, les deux contre-offensives de l’armée ukrainienne n’ont pas donné de résultat ; l’armée russe avance certes, mais est limité.

On peut dire, après plus de deux années de guerre, la guerre en Ukraine s’est transformée en guerre d’usure ; les lignes de front vont probablement peu bouger compte tenu que les forces russes cherchent surtout à renforcer leurs lignes de défense même s’ils font quelques gains territoriaux, puisque, globalement, les objectifs de leur opération militaire spéciale ont été atteints. La guerre va aboutir à une guerre de tranchées dans le sud et l’est de l’Ukraine. La situation est difficile aujourd’hui, l’armée ukrainienne dépendante de l’armement occidental et la Russie qui a la capacité de conserver les territoires conquis, cherchera à se limiter aux territoires proches des régions annexées, tout au plus pour les renforcer.

Le problème est que la guerre risque d’être gelée, bloquée, de part et d’autre, tant en Russie qu’en Ukraine que pour l’Occident, la situation va devenir intenable. Le doute risque qu’en Occident, les États-Unis comme les pays d’Europe constateront de plus en plus qu’il n’y a pas d’évolution dans le cours de la guerre ; de même en Russie, le doute gagne les dirigeants russes. Comment pourront-ils expliquer à leurs citoyens cette guerre qui s’éternise en Europe ? D’autant plus que, sur le plan économique, la situation va très probablement se dégrader, il existe un risque sérieux de récession dans le monde. La Russie affectée par les sanctions économiques occidentales, mais l’Occident lui aussi est affecté par la politique des sanctions et la politique monétaire restrictive des Banques centrales occidentales qui dure déjà depuis deux ans.

Pour rappel, la Banque centrale américaine (Réserve fédérale ou Fed), après avoir relevé ses taux depuis mars 2022 jusqu'à 5,25%-5,50%, en juillet 2023, envisage de les abaisser, au vu de la courbe décroissante de l'inflation, mais ne le fait toujours pas. Il en va de même pour la Banque centrale européenne.

Il est évident que l’inflation, la menace de récession et la guerre en Ukraine qui demande un soutien permanent en finances et en armements sans gains réels sur les lignes de front auront des répercussions très négatives sur l’Occident ; la Russie n’est pas seule à subir les conséquences économiques de la guerre.

Quant à la rhétorique d’utiliser des armes nucléaires, plusieurs fois rappelée par la Russie, elle ne fonctionnera pas, ni d’ailleurs il n’y aura d’extension du conflit sur d’autres fronts en Europe occidentale, des pays qui peuvent être considérés par la Russie comme cobelligérants dans la guerre. Le conflit restera une guerre d’usure sans évolution comme il l’est aujourd’hui ; une contre-offensive ukrainienne en supposant qu’elle soit possible, à la fin de 2024, ne peut que se heurter aux puissantes défenses russes. Ou soit reportée, soit un nouvel échec qui sera très mal perçu non seulement pour l’Ukraine mais aussi pour ses soutiens occidentaux.

Aussi se pose-t-on la question : « Cette situation de blocage a-t-elle des chances d’être débloquée ? Pour le pouvoir russe comme pour les décideurs américains et européens vont-ils trouver un compromis qui aiderait à mettre fin à la guerre ? Il est pratiquement impossible pour la Russie de reculer, tout compromis pour elle doit passer pour l’Occident et l’Ukraine par l’acceptation des annexions des quatre régions qu’elle a décrétées. Et cette clause phare de la Russie ne sera pas acceptée par l’Ukraine ni par l’Occident – l’armée ukrainienne dépendant entièrement du soutien occidental, surtout américain.

En fait, la guerre en Ukraine est une « guerre par procuration » pour l’Occident. Donc le conflit, puisqu’il n’y a pas possibilité de négocier du fait qu’il n’y a pas de compromis, va durer et le discours d’aller vers une ouverture de négociation ne va pas s’arrêter tout au plus pour dire que chaque camp est prêt à négocier mais en fait il n’y a pas de négociation. Chaque partie campe sur ses positions, et on comprend qu’en fait ce sont les enjeux qui le commandent. Personne ne veut perdre la guerre. Ni la Russie ni l’Occident. D’autant plus que la guerre qui se joue en Ukraine, par les enjeux, « dépasse l’Ukraine et les régions annexées par la Russie. »

En réalité, l’enjeu ukrainien se trouve dans la division géostratégique entre les trois grands pôles de puissance mondiale que sont la Russie, les États-Unis et la Chine ; ce sont ces trois pôles de puissances qui décident de l’avenir du monde. On comprend pourquoi les peuples tant en Occident que dans le reste du monde n’arrivent pas à comprendre le conflit et ne voit dans l’invasion de l’Ukraine qu’une guerre d’agression.

Dans les rapports entre ces grandes puissances, chaque pôle veut renforcer son aire stratégique et cela passe par une maîtrise de son aire d’influence, et pour la Russie, les régions de Crimée, du Donbass, de Kherson et de Zaporijjia sont considérées des territoires russophones, et par référendum autoproclamé, ces régions ont été rattachées à la Fédération de Russie, par décret.

Aussi peut-on dire, dès lors que ces trois grandes puissances sont lestées d’arsenaux nucléaires les plus importants du monde, et le conflit oppose essentiellement aujourd’hui la Russie aux États-Unis, ces deux pôles de puissance vont éviter à tout prix un affrontement direct. Il est clair qu’il s’agirait de leur destruction mutuelle, et il n’y a pas de médiation malgré que la Chine ait proposé d’être le médiateur entre la Russie et les États-Unis, et elle n’a pas été écoutée, bien sûr par les États-Unis. Et c’est tout à fait normal qu’il n’y aura pas d’accord puisque la Russie imposant les annexions comme base de départ des négociations, signifierait que toute l’aide occidentale apportée à l’Ukraine n’aurait servi à rien si la Russie maintenait les territoires annexés. Partant de là, un retour à la paix constituerait encore une déroute pour l’Occident, comme pour les guerres passées.

D’où va venir la réponse, la solution pour mettre fin aux souffrances du peuple ukrainien qui se trouve pris en « otage » dans les conflits entre puissances ? Comment va s’opérer le déblocage de la situation de guerre en Ukraine pour que des concessions raisonnables soient prises de part et d’autre et mettent fin à la guerre ?

Or, tout blocage finirait par se débloquer, c’est une Loi de la Nature. Toute guerre finira par se terminer d’une manière ou d’une autre. Aussi, peut-on dire, devant l’impasse dans cette guerre qui s’est transformée en guerre d’usure, quatre situations pourraient y mettre fin.

La première situation est que de plus en plus la guerre en Ukraine perd de son sens ; la guerre ne se résout pas, et l’Occident continue à aider l’Ukraine, comme cela s’est passé en Afghanistan en aidant l’armée afghane contre les Talibans, sauf que l’Occident ne participe pas aux combats. Ou encore au Sud-Viêt Nam, après le retrait de l’armée américaine suite aux accords de Paris (1973), et ce sont les Talibans comme le Nord-Viêt Nam qui l’ont emporté. Pourquoi ?

Pour la simple raison que les Talibans afghans comme les Nord-Vietnamiens qui combattaient sur leurs terres, contre les occupants, et peu importe le temps mis pour se libérer des occupants indus. Que les puissances occidentales installent un gouvernement qui leur fait allégeance - il ne représente pas la nation - ne change pas l’enjeu de la guerre ; la guerre continue jusqu’à épuisement. Ce qui explique non seulement la lassitude mais aussi les dépenses de guerre, l’impasse sur une victoire qui ne vient pas, et une population qui rejette l’occupation et la haine qui s’ensuit. Pour l’Ukraine, ce sont les populations de Crimée et des régions du Donbass. On comprend dès lors l’impossibilité pour l’Ukraine et l’Occident de l’emporter.

La deuxième situation de fin de guerre qui peut se prévaloir, pour sortir l’Ukraine de l’impasse de la guerre, c’est qu’un événement non prévisible entre dans le conflit ; et là, c’est en lien avec la métaphysique-monde qui décidera de l’issue de guerre. La guerre de Corée, par exemple.

Joseph Staline, dirigeant de l’Union soviétique, venait de mourir le 5 mars 1953, à Moscou, que commençait la déstalinisation. Pour les dirigeants soviétiques, Staline disparu après un règne de dictature absolue, ils devaient abandonner le culte de la personnalité et dénoncer les « excès » de la période du stalinisme. La guerre d’usure en Corée perdait alors tout son sens ; depuis deux ans, elle était déjà dans l’impasse, sans vainqueur ni vaincu. Et, c’est Staline qui n’a pas reculé comme d’ailleurs les États-Unis dans cette guerre. Quatre mois et demi après sa mort, et le changement de politique qui a prévalu en URSS, les décideurs russes, avec leurs alliés chinois, optèrent pour des négociations en vue de mettre fin aux hostilités. C’est ainsi qu’un armistice a été signé, le 27 juillet 1953, par le représentant de l’armée chinoise et le représentant de l’armée nord-coréenne et le représentant des États-Unis.

Aussi peut-on dire q'une même situation peut survenir ; la disparition d'un important décideur dans la guerre en Uraine, pourrait-on dire central dans le conflit, mettrait très probablement fin à la guerre en Ukraine. Il est difficile dans un conflit, tel personnage central qui a quitté la scène de guerre, et que l'on trouve un remplaçant et que l'on dise, on recommence alors que le conflit s'enlise.

La troisième qui est aussi possible, elle nous rappelle la crise financière de 2008. L’économie américaine, à l’été 2008, était pratiquement à l’arrêt. C’était la dernière année du deuxième mandat présidentiel du président Bush junior. La guerre en Irak s’est transformée en guerre d’usure ; il était clair que l’armée américaine ne pouvait rester en Irak, assaillie par une guérilla irakienne au point que les médias occidentaux ont assimilé cette guerre à un « deuxième Viêt Nam » pour les États-Unis. Et la raison l’a emporté, le président Bush voulait mettre fin à cette guerre avant de quitter ses fonctions, une guerre dont il a compris qu’il n’y avait aucune issue, si ce n’est le retrait des forces US.

C’est ainsi que des négociations ont commencé et ont abouti, en novembre 2008, à la signature des accords de la SOFA (Status of Forces Agreement), un pacte bilatéral sur (SOFA) qui fixe, à la fin 2011 le terme de la présence des forces américaines en Irak. La crise financière de 2008, aux États-Unis, a donc joué un rôle central pour débloquer l’impasse dans laquelle la guerre d’Irak avait enfermé l’Amérique.

Enfin, une quatrième situation, c’est un cataclysme qui s’abattrait dans un lieu qui a lien avec la guerre et qui pousserait « impérieusement » à la fin de la guerre. Par ses effets, il montrera les effets pervers de cette guerre. L’exemple le plus simple, et il peut y avoir d’autres exemples de cataclysme en lien avec cette guerre, mais nous nous arrêterons qu’à celui-ci, parce qu’il a été mis en relief dans cette guerre ; plusieurs fois bombardé, mais cependant le cœur n’a pas été touché. On le devine, c’est la plus grande centrale d’Europe, la centrale de Zaporijjia.

Si elle venait à être touchée et provoquer l’accident comme ce qui s’est passé pour la centrale nucléaire de Tchernobyl, il va de soi qu’avec les émanations radioactives sur l’Ukraine, sur les pays frontaliers d’Europe et la Russie, il poussera immédiatement les belligérants à mettre fin à la guerre, pour les amener d’urgence à s’occuper de l’accident nucléaire. Et « obturer » la brèche sur le cœur de la centrale nucléaire demandera certainement les efforts de toute l’Europe et la Russie.

Force de dire, par ces quatre exemples, que la guerre en Ukraine se terminera d’une manière ou d’une autre ; certes il y a de gros enjeux qui divisent les grandes puissances ; mais puissances autant qu’elles sont, elles ne commandent pas la marche du monde. Et heureusement, si réellement les grandes puissances commandaient la marche de l’humanité, l’humanité serait perpétuellement en guerre ; et ce sont les peuples qui en payeraient le lourd tribut de la guerre.

 

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective
 

Notes :

1. « Après la débâcle en Afghanistan, l’OTAN à l’heure des doutes », par le journal Le Monde. Le 4 septembre 2021
https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/04/apres-la-debacle-en-afghanistan-l-otan-a-l-heure-des-doutes_6093364_3210.html

2. « Pourquoi Emmanuel Macron juge l'Otan obsolète », par France24. Le 8 novembre 2019
https://www.france24.com/fr/20191108-otan-emmanuel-macron-obsolete-turquie-syrie-etats-unis-defense-europe

 


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