La science de moins en moins au service de l’humanité ?

par Michel Monette
mardi 17 mai 2005

La recherche du profit l’emporte sur la recherche dans de trop nombreux laboratoires

Beaucoup de scientifiques sont prompts à dénoncer l’état de la planète. Beaucoup moins dénoncent l’état lamentable de l’humanité. Le rapprochement entre la science et le milieu des affaires explique-t-il cette tiédeur envers un système économique qui ne réussit pas à transformer les percées scientifiques en avancées humaines ? Il est vrai que l’on ne mord pas la main qui nous nourrit.

Certes, conviendrez-vous. Mais, vous empresserez-vous d’ajouter avec un brin de scepticisme, que peuvent bien faire les scientifiques dans le grand cirque économique. Cesser d’être la caution d’un progrès qui perpétue les inégalités entre les êtres humains serait déjà une contribution incroyable.

Quand la science fréquente le privé

Nous n’avons jamais percé autant de mystères, mais sommes-nous pour autant devenus meilleurs ?

À quoi aura servi, par exemple, le séquençage du génôme humain ? Le réseau GenHomme qui y a contribué, devenu depuis peu le Réseau Innovation Biotechnologies, donne une réponse on ne peut plus claire : « soutenir les projets R&D en Biotechnologies correspondant aux attentes du marché ». Et je ne parle pas de ce qui se passe aux États-Unis.

À l’image d’Eurofins, les laboratoires sont de plus en plus orientés vers la recherche... de profit. Tout est mis en oeuvre en ce sens, même un portail d’emplois de laboratoires.

Les universités ne sont pas en reste dans ces noces de la science et du privé.

Plein d’idées sont développées dans les laboratoires universitaires du Québec. Plusieurs d’entre elles sont de véritables occasions d’affaires. Les entrepreneurs qui souhaitent s’associer à leur développement sont les bienvenus.

Québec entreprises. Nos laboratoires universitaires foisonnent d’occasions d’affaires.

Entendons-nous bien. Faire des affaires n’est pas répréhensible en soi. Ce qui l’est, c’est de faire de la course aux occasions d’affaires le moteur de la recherche scientifique.

Pour le maintien d’une science ouverte

Phénomène inquiétant, la valeur intellectuelle et technique des connaissances scientifiques est de moins en moins débattue dans la communauté scientifique, propriété intellectuelle et secret industriel oblige.

Désormais, dans un cadre institutionnel, la loyauté que le chercheur doit à la Science par éthique et par vocation, se prolonge en loyauté due par fonction à sa nation, à sa firme, dont le poids est souvent supérieur à celui de la nation, à celui de l’Etat.

Jacques Arrignon. Science, Pouvoir, Progrès.

Désormais aussi, la connaissance scientifique doit permettre des débouchés commerciaux. La recherche de la vérité ? La quête d’un monde meilleur par la connaissance scientifique ? Parlez-en à votre banquier.

Tout n’est cependant pas perdu, comme le démontre l’exemple du CIFOR

dont la mission est de mettre la science au service de l’éradication de la pauvreté et de la faim dans les pays en développement.

Mais au Nord la communauté scientifique est menacée de balkanisation par la commercialisation des laboratoires scientifiques et au Sud on attend toujours la naissance d’une véritable communauté scientifique.

Il y a donc double urgence de construire des partenariats scientifiques Nord-Sud et de maintenir l’accès libre à la connaissance scientifique.

Surtout, la communauté scientifique a bien besoin d’une clause de conscience.


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