La paix en Ukraine : pourquoi, comment, par qui ?

par Jean-Paul Tisserand
mardi 30 avril 2024

 

             la paix en ukraine : pourquoi, comment, par qui ?

 

Entre l’échec de l’offensive ukrainienne de l’été dernier et l’élection présidentielle américaine de novembre prochain, la période actuelle est absolument cruciale pour l’évolution de la guerre en Ukraine et pour la conclusion future d’une paix éventuelle. Mais quels scénarios peuvent-ils être envisagés, et que signifient-ils ? Quelle paix pourrait-elle être conclue, et par qui ?

 

 

Les différents scénarios

 

Les scénarios extrêmes

 

L’effondrement de la Russie et son éclatement en différents Etats indépendants, dont particulièrement les Républiques autonomes d’Extrême-Orient, riches en matières premières et peu peuplées, est un scénario dont on pourrait se réjouir. De fait, il résoudrait la crise actuelle en supprimant la menace que, désormais, la Russie représente pour la paix mondiale. Cela étant, il ne faut pas se dissimuler qu’une telle situation serait lourde de périls, en ce qu’elle créerait un vide politique dans un immense espace. Il n’est pas dit que les Etats-Unis seraient les seuls à en profiter (oublions, hélas, toute possibilité d’une influence européenne dans ces régions !) car la Chine est prête à pousser ses pions en voisine vorace qu’elle est, et la prise par celle-ci du contrôle direct d’une part significative des matières premières produites sur le territoire actuel de la Russie serait une catastrophe. En plus de comporter des risques, un tel scénario d’effondrement russe est malheureusement fort lointain, même si l’on ne peut exclure qu’il se produise à la suite d’une crise soudaine. N’a-t-on pas vu, en juin 2023, le pouvoir poutiniste vaciller face à l’insurrection de Prigojine ? Mais on en revient au caractère dangereux du scénario ici envisagé : une victoire de Prigojine eût signifié le remplacement d’un homme avec lequel il a été possible de discuter par le passé et avec lequel il sera peut-être possible de discuter un jour, par un chef de gang dont le pouvoir ne reposait pas sur une barbarie masquée par le formalisme juridique, mais sur une barbarie revendiquée haut et fort. Avec un tel personnage, le chantage nucléaire serait devenu quelque chose de beaucoup plus crédible, de beaucoup plus imprévisible et de beaucoup plus dangereux…

 

L’effondrement de l’Ukraine est ce que tout le monde en Occident, à juste titre, redoute et veut éviter. Un tel scénario verrait l’Ukraine non seulement amputée d’une partie de son territoire (éventuellement plus importante encore que les territoires aujourd’hui annexés de facto par la Russie), mais aussi, mais surtout transformée en un Etat croupion inféodé à la Russie, comme la Biélorussie l’est aujourd’hui. Il ne faut pas se dissimuler les difficultés qui en résulteraient pour l’occupant russe, qui devrait sans doute faire face à une guerre de partisans, particulièrement redoutable de la part d’une population armée jusqu’aux dents, rendue très hostile par les destructions et les exactions provoquées par la Russie, et désormais accoutumée au combat. Cela étant, les conséquences d’un effondrement ukrainien seraient majeures et extrêmement négatives pour l’Occident : une Russie redevenue un empire (ce que, privée de l’Ukraine, elle ne saurait être pleinement – tel est l’enjeu majeur de la guerre actuelle[1]), hostile et surarmée, camperait désormais à toutes les frontières orientales de l’Europe. Contrairement à ce qui se dit souvent, la volonté de la Russie de pousser plus loin ses conquêtes serait alors incertaine, probablement faible pendant plusieurs années (la guerre en Ukraine ayant représenté pour elle un coût humain et matériel énorme), mais envisageable à moyen terme, une fois qu’elle aurait pansé ses plaies. En tout cas, le fait qu’elle envoie des signaux contradictoires quant à sa volonté d’agresser d’autres Etats ne peut inciter l’OTAN qu’à une seule ligne, quoi qu’il arrive : celle de la défiance et du réarmement.

 

Les scénarios intermédiaires

 

Les qualifier d’intermédiaires ne signifie pas qu’ils soient forcément les plus plausibles. Ils consisteraient en une défaite relative de la Russie ou de l’Ukraine, entérinée par un accord de paix ou de cessez-le-feu. On peut définir une défaite relative de la Russie comme le scénario dans lequel elle perdrait tout ou partie des territoires qu’elle a envahis depuis le 24 février 2022. Tel est certainement le scénario le plus souhaitable. En revanche, une perte par la Russie du Donbass et surtout de la Crimée (où, il faut toujours le rappeler, est stationnée la flotte de la mer Noire, d’importance majeure pour la Russie) irait certainement de pair avec un effondrement de la Russie – scénario, on l’a dit, a priori favorable, mais lourd de bien des périls. Une défaite relative de l’Ukraine signifierait quant à elle le renoncement, de droit ou de fait, à l’ensemble des territoires perdus actuellement, dans le cadre d’un traité de paix ou d’un cessez-le-feu ; on peut d’ailleurs soutenir que, même dans un tel cas, l’Ukraine sortirait tout de même du conflit victorieuse, pour avoir tenu tête durant des années à l’ogre russe et dissuadé, peut-être, ce dernier d’attaquer d’autres proies. Et l’essentiel serait sauf, avec la sauvegarde d’une Ukraine indépendante.

 

 

 

Quelle paix demain ?

 

Il paraît étrange de parler de paix alors qu’on en semble si loin. A l’agressivité russe répond de plus en plus un discours du même ordre des Etats occidentaux ; l’évolution de Macron, passé de la volonté de dialogue à un quasi-bellicisme, est significative à cet égard. Les propos alarmants du Président hexagonal et les schémas mentaux qui se trouvent en arrière-plan peuvent ainsi suggérer des réflexions de deux ordres :

 

- la guerre entre la Russie et l’Ukraine est souvent présentée comme une guerre pour la défense de la démocratie contre la dictature. De façon ironique, cette vision d’ordre idéologique est commune d’une part à une certaine gauche ordinairement peu militariste voire antimilitariste, et qui retrouve soudainement en l’armée un moyen de défendre ses fameux « grands principes », d’autre part aux poutinistes, idolâtres de la dictature comme les premiers le sont de la démocratie. D’un côté on trouve les fanatiques de la démocratie, souvent comprise comme incluant nécessairement les déviances les plus folles en matière de mœurs (que désapprouvent d’ailleurs les pays les plus directement menacés par la Russie poutinienne) ; de l’autre les fanatiques de la dictature, comprise souvent comme un modèle de traditionalisme et un empire blanc, alors même que la Russie est le deuxième pays au monde par le nombre d’avortements et qu’elle a légalisé la gestation pour autrui (GPA) ; parallèlement, elle devient de plus en plus, par sa population, un Etat musulman et asiatique. En réalité, que la Russie ou l’Ukraine soient des démocraties ou des dictatures n’est pas le nœud du problème. Du reste, il serait absurde de qualifier l’Ukraine de démocratie, et c’est bien normal : un pays en guerre ne saurait véritablement en être une. Symétriquement, on a fait les gorges chaudes du caractère évidemment très biaisé de la réélection de Vladimir Poutine, en faisant mine d’oublier que la Russie est en guerre ; d’oublier aussi quel climat de manipulation et d’hystérie s’empare des gros médias occidentaux quand, dans leurs propres pays, une élection ne donne pas un résultat voulu par eux : on l’a vu aux Etats-Unis avec Donald Trump, en France avec François Fillon et, de façon plus spectaculaire encore, avec la « quinzaine de la haine » qui suivit la qualification au second tour de Jean-Marie Le Pen lors de l’élection présidentielle de 2002. La vraie question est celle des rapports de force et du danger que représente la Russie pour les intérêts de l’Europe et de l’Occident. A cet égard, il est impératif de rappeler la différence majeure entre une vision réaliste et une vision néo-conservatrice des relations internationales, différence trop souvent oubliée parce que les réalistes, dont l’emblème contemporain fut le regretté Henry Kissinger, et les néo-conservateurs sont tous favorables au soutien à l’Ukraine, mais pas exactement pour les mêmes raisons et pas avec les mêmes limites. En effet, un néo-conservateur qui veut propager la démocratie libérale (avec, certes, une teinture de moins en moins libérale et de plus en plus « wokiste » et « homosexualiste ») voit l’adversaire comme un adversaire idéologique, voire comme le mal absolu, et développe une mentalité fondamentaliste, de type religieux : la guerre devient une croisade du Bien contre le Mal. Un réaliste garde en revanche toujours à l’esprit les objectifs concrets de la guerre et la nécessité, dans certains cas, de faire des compromis et d’accepter les limites posées par le réel. Comme souvent, le mieux est l’ennemi du bien, et un froid réalisme peut éviter les catastrophes auxquelles ne manque généralement pas de mener la croisade pour le Bien ;

- on parle de « lignes rouges » depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, s’agissant de la possibilité de livrer telle ou telle catégorie de matériel sans que les Etats occidentaux à l’origine de ces livraisons soient considérés comme des cobelligérants. Ces lignes rouges, avec la montée en puissance des matériels livrés, se sont toutes avérées illusoires. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas : dans quelque domaine que ce soit, il y a toujours des lignes rouges. Ainsi, l’on voit mal en quoi l’envoi officiel par un Etat de militaires sur le sol ukrainien n’équivaudrait pas à un état de guerre avec la Russie, ou bien les mots n’ont plus de sens. Certes, il n’est pas question ici des observateurs et conseillers militaires, de l’emploi desquels les anciens pays du bloc de l’Est furent si coutumiers pour appuyer les guerres subversives dans le Tiers-monde au temps de la guerre froide. Il s’en trouve certainement déjà en Ukraine, et cela est tout à fait normal. Il est bien question, cette fois, d’envoi officiel de troupes par un Etat. Macron, avec sa perversité habituelle, assure qu’il ne s’agit pas de cela. Mais si ses paroles provocatrices ne portaient que sur des conseillers, il n’avait pas à en parler, compte tenu du caractère confidentiel (même si c’est un secret de Polichinelle) de la présence de tels personnels en Ukraine ; si elles ouvraient la porte à une véritable intervention militaire en Ukraine, elles étaient gravissimes – et tel semble bien être le cas.

 

En fait, les différents protagonistes réagissent, chacun à sa manière, à la situation nouvelle qui fait suite à l’échec de l’offensive ukrainienne. Macron réagit sur la scène (et ce mot ne convient à nul autre mieux qu’à lui) internationale comme il l’a toujours fait sur la scène intérieure : par la provocation – et une provocation qui provoque l’hostilité. Ainsi, après être devenu, par tant de phrases méprisantes et tant d’attitudes choquantes, un objet de haine, de mépris ou de ridicule pour une large part des Français, est-il en train de finir de discréditer la parole de la France auprès de nos principaux alliés, qui se sont empressés de désavouer une initiative susceptible de mener à la troisième Guerre mondiale. La vraie question, aujourd’hui, est de continuer à soutenir l’Ukraine sans provoquer une extension du conflit. La différence entre la production d’obus de la Russie et celle des Etats-Unis et de l’Europe réunis, soit respectivement 3 millions et 1,2 millions (!), nous montre avec évidence ce qu’il convient de faire. On peut d’ailleurs se demander pourquoi cette production occidentale est encore aussi faible deux ans après le début de la guerre, alors que l’industrie contemporaine des deux guerres mondiales arrivait bien plus rapidement à militariser la production. Sans doute parce qu’on ne le veut pas – et certes, cela augure bien mal de notre volonté de défense.

 

Si l’on souhaite la poursuite de la guerre, il convient de savoir pour quelles raisons :

 

- si c’est dans l’espoir d’aboutir à ce premier scénario extrême que serait l’effondrement de la Russie, un tel espoir risque d’être déçu et, on l’a dit, sa réalisation ne serait pas sans danger. Quant à l’effondrement de l’Ukraine qui pourrait être le fruit néfaste d’une telle montée aux extrêmes, il serait une double catastrophe en termes géopolitiques (reconstitution d’un véritable empire russe) et de sécurité (présence aux frontières mêmes de l’Europe d’une menace militaire majeure) ;

- si c’est dans l’espoir d’aboutir à une défaite relative de la Russie, on peut s’interroger sur la nécessité que cette guerre se poursuive indéfiniment en vue d’un objectif aussi limité. Au-delà des pertes en vies humaines et en matériel qu’elle entraîne, il faut aussi avoir à l’esprit que sa continuation implique, on ne le répétera jamais trop, le risque d’une défaite totale de l’Ukraine, scénario-catastrophe absolu pour l’Occident.

 

Si la guerre continue et semble vouée à continuer jusqu’à l’effondrement de l’un des deux ennemis, c’est tout simplement (mais c’est tellement simple que nul n’en parle) parce qu’il est beaucoup moins difficile de déclencher une guerre que d’y mettre fin. A cet égard, on a beaucoup comparé d’un point de vue militaire la guerre actuelle à celle de 1914-1918. D’un point de vue politique, cette comparaison est à faire également ; elle montre :

 

- une ressemblance majeure : en raison de la montée aux extrêmes liée à l’intensité du conflit, ceux qui l’ont commencé sont dans l’incapacité politique d’y mettre fin. Le nombre de morts et l’ampleur des destructions sont tels qu’il faut, pour cela, aller jusqu’à l’effondrement de l’un des belligérants. Un simple changement de dirigeant risque fort de s’avérer insuffisant, comme il en alla pour les pourparlers de paix conduits à l’instigation de Charles Ier d’Autriche, successeur de François-Joseph sur le trône d’Autriche-Hongrie ;

- une différence majeure. En 1914-1918, les belligérants étaient parfaitement libres de poursuivre la guerre jusqu’à l’effondrement de l’un ou de plusieurs d’entre eux – comme cela s’est finalement produit. Les tentatives de « paix blanche » (c’est-à-dire avec un statu quo territorial) entreprises alors par le pape Benoît XV ne rencontrèrent aucun succès, tout simplement parce que le Saint-Siège ne disposait d’aucun moyen de pression. Dans tous les Etats la mobilisation a fonctionné, l’industrie de guerre a fonctionné – jusqu’à la fin. Dans le cas de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, il en va tout autrement. L’Ukraine a pour elle l’héroïsme de son armée, mais dépend étroitement de l’Occident pour les moyens matériels nécessaires à la guerre.

 

Que déduire de tout ceci ?

 

 

 

Une occasion pourrait se présenter en faveur de la paix : l'élection de Donald Trump

 

La situation s’enlise, malgré de lourdes pertes en vies humaines et en matériel. Les deux ennemis sont fatigués, au point que l’on a reparlé récemment d’une négociation de paix qui avait, au tout début de la guerre, semblé proche d’aboutir[2], mais dont les termes paraissent encore moins acceptables par la partie ukrainienne qu’ils ne l’étaient alors. Rien, donc, ne semble pouvoir changer jusqu’à l’effondrement final de l’un des deux Etats qui, on l’a dit, n’apparaît pas comme une solution souhaitable – d’autant plus que c’est hélas l’Ukraine qui risque davantage un tel effondrement. Pour sortir de cette situation de blocage, il faut des changements radicaux, soit du point de vue militaire, soit du point de vue politique. Et de ce dernier point de vue, l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis représente le seul événement susceptible de poser les conditions nécessaires à la conclusion de la paix. En effet, pour conclure la paix, il faut :

 

- un homme nouveau, qui n’a joué aucun rôle dans le déclenchement et la poursuite des hostilités, et peut donc promouvoir la paix sans perdre la face, être accusé de trahison ni provoquer des troubles graves dans ses forces armées ou son appareil d’Etat. Donald Trump est d’autant mieux placé pour lancer de futures négociations qu’il a toujours prôné (et sans doute en des termes parfois outranciers) la paix en Ukraine ;

- un homme assez puissant pour inspirer le respect et idéalement la crainte à l’Ukraine, et surtout à la Russie. Face à cette dernière aucun chef d’Etat européen ne pèse, ni par la puissance militaire de sa nation, ni par son envergure personnelle. Quant à la Chine, elle est trop lointaine et trop peu impliquée dans la guerre pour influer véritablement sur celle-ci, qu’elle doit d’ailleurs considérer comme un conflit lointain et quelque peu exotique, intéressant surtout par la vassalisation de la Russie qu’il permet et par les grands changements qu’il inspire dans le domaine de l’art militaire. Au-delà, pour peser d’un poids vraiment déterminant, l’homme de la paix doit être en mesure, par des décisions politiques, d’exercer une influence majeure sur les événements.

 

Donald Trump est le seul à satisfaire à l’ensemble de ces conditions. Vladimir Poutine le sait bien, et si l’offensive qu’il prépare répond à une logique strictement militaire (reprendre l’initiative suite à l’échec de l’offensive ukrainienne), elle répond aussi à une logique politique : faire tourner le plus possible la situation à l’avantage de la Russie, afin de se trouver dans des conditions favorables pour le cas où Donald Trump remporterait les élections et se poserait en médiateur. C’est bien pour cette raison que, si l’on souhaite qu’un accord de paix soit conclu dès qu’il sera devenu politiquement envisageable, il faut continuer à soutenir massivement l’Ukraine de sorte qu’elle se trouve dans les meilleures conditions possibles lorsque le temps viendra de négocier cet accord.

 

On ne dit généralement pas tout au sujet de Donald Trump, tant son élection inspire de crainte aux journalistes, dont l’écrasante majorité de gauche pratique allègrement la désinformation, sur ce sujet comme sur tant d’autres. Il faut bien dire aussi que certaines prises de position à l’emporte-pièce de l’intéressé ne plaident guère en sa faveur. Il a cependant déclaré, au sujet de son ambition de mettre fin à la guerre en vingt-quatre heures (et cela montre qu’il faut bien réfléchir et évoquer l’ensemble des éléments en cause avant de se gausser de cette formule) : « Je dirais à Zelensky : ça suffit, tu dois conclure un marché. Et je dirais à Poutine : si tu ne conclus pas d’accord, nous allons donner beaucoup [à l’Ukraine]. Plus que ce qu’ils n’ont jamais reçu si nous le devons[3] ». Voilà qui est fort éloigné d’un projet d’abandon pur et simple de l’Ukraine, qui irait totalement à l’encontre des intérêts américains à l’échelle internationale. Or, Trump s’est généralement montré très vigilant à cet égard. Rappelons ainsi que, durant sa présidence, il n’a jamais remis en cause les sanctions contre la Russie, et qu’il n’a pas hésité à déclencher une crise avec celle-ci en raison des bombardements de la Syrie par l’aviation américaine. Il faut juger l’homme à ses actes ; les paroles sont destinées à l’électeur isolationniste du Middle-West, qui vote pour Trump parce que celui-ci parle simplement et d’une voix tonitruante, et oublie ensuite ce qu’il a bien pu dire. On « oublie » trop souvent aussi pourquoi les parlementaires républicains bloquent le vote du plan d’aide à l’Ukraine : ce n’est généralement pas par hostilité à celle-ci, mais par volonté d’influer sur la question absolument vitale de l’immigration, la présidence Biden se caractérisant par une invasion migratoire que Trump avait réussi à enrayer[4]. Entre un danger politique grave mais lointain et un danger extrêmement proche risquant de mettre en péril l’existence même des Etats-Unis, qui peut en vouloir aux Républicains américains de tenter de peser sur la situation avec les leviers qui sont les leurs ?

 

Les élections américaines de novembre 2024 décideront, parmi d’autres questions cruciales, du choix entre une politique sachant mêler conciliation et fermeté à l’égard de la Russie, et une politique susceptible de mener à une escalade belliciste vers la troisième guerre mondiale ou, si l’on ne va pas jusqu’à une telle extrémité, à l’écrasement total de l’Ukraine par la Russie.

 

Quoi qu’il se produise, et même si une paix la moins insatisfaisante possible est conclue à la suite de l’élection de Donald Trump, que l’on ne s’attende pas cependant à retrouver une Europe et un monde aussi (relativement) paisibles qu’auparavant. Après une guerre aussi destructrice, l’Europe est vouée à connaître une nouvelle guerre froide pendant une génération au moins. Parallèlement, l’agression russe, et surtout la manière même dont cette agression a été mise en œuvre (projet initial de prise de contrôle de l’Ukraine tout entière, plutôt qu’une guerre limitée[5]), montre que la Russie est devenue un acteur des relations internationales non seulement hostile et déstabilisateur mais également imprévisible, potentiellement irrationnel et donc d’autant plus dangereux.

 

Quoi qu’il arrive et pour de longues années, il faudra donc ARMER ! ARMER ! ARMER !

 

 

Jean-Paul TISSERAND

 

 

Cette tribune libre ne constitue pas une position officielle du Centre national des indépendants et paysans.

 

 

 

[1] Cf. ma tribune : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/guerre-en-ukraine-pour-une-242472

[2] https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/ukraine-moscou-se-dit-pr%C3%AAt-%C3%A0-dialoguer-sur-la-base-d-un-accord-avort%C3%A9-de-2022/ar-BB1lvHQC?ocid=msedgntp&pc=HCTS&cvid=7cfa92a3a04e4d83b0fa8773fca4f8b8&ei=16

[3] https://www.lefigaro.fr/international/sur-fox-news-donald-trump-explique-comment-il-mettra-un-terme-a-la-guerre-en-ukraine-en-une-journee-20230717

[4] https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/etats-unis-le-congres-tente-un-accord-sur-le-budget-sans-mentionner-lukraine-2044967

[5] Cf. ma tribune : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/guerre-en-ukraine-pour-une-242472


Lire l'article complet, et les commentaires