Démocraties représentative et participative : suffrage universel et tirages au sort...
par Daniel RIOT
mardi 24 octobre 2006
Vers la réinvention des « commissaires du peuple » et la « démo-loterie » ? Le révolutionnarisme « démocratique » de Ségolène Royal suscite de légitimes interrogations et soulève des polémiques
Comment revitaliser la démocratie ? Comment redonner (ou donner) plus de vigueur, de muscle, de chair entre « le peuple » et ses représentants ? Comment rétablir (ou établir) la confiance entre les électeurs et les élus ? Comment concilier « démocratie représentative », « démocratie de concertation », « démocratie directe » et « démocratie représentative » ? Débats, études et confrontations d’idées ne manquent pas. C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier les dernières propositions (encore vagues) de Ségolène Royal sur des « jurys de citoyens »...
Pour "associer les citoyens aux décisions qui les concernent", la candidate socialiste a également proposé de mettre en place des référendums d’initiative populaire et des budgets participatifs, sur le modèle de celui qu’elle a instauré depuis 2004 dans sa région Poitou-Charentes. « Moi, je n’ai pas peur du peuple. Je crois à son intelligence collective », se plaît-elle à répéter...
Les commentaires : Une « idée révolutionnaire, au sens propre et au figuré », lâche Le Figaro. « Mais une idée qui donne du grain à moudre à ceux qui, y compris au sein du PS, l’accusent de populisme. » En effet...
La balle a vite été reprise au vol par les deux autres prétendants socialistes. Dominique Strauss-Kahn s’y est déclaré opposé : "Généralisons les comptes-rendus de mandats, mais pas de jurys populaires. Le suffrage universel, c’est la règle et dans l’intervalle, entre deux élections, des comptes-rendus aussi fréquents que possible", a-t-il déclaré sur Europe 1. Quant à Laurent Fabius, il a jugé cette "dimension locale" prônée par Ségolène Royal comme " intéressante mais pas suffisante". L’ex-Premier ministre a estimé que "ce n’est pas seulement à partir de la région que l’on renforcera le pouvoir d’achat des salariés ou que l’on combattra le réchauffement de la planète. »
La polémique ne fait sans doute que commencer. C’est logique : c’est le principe même de la démocratie représentative qui est remis en cause ou menace de l’être. Concertation et participation ne riment pas avec « commissaires du peuple », avec tous les risques d’arbitraire... « par tirage au sort ».
Déjà, les pouvoirs politiques sont trop souvent limités dans leurs actions par les poids des sondages et de la rue... et par des contraintes administratives, ou plutôt bureaucratiques qui s’exercent avant, pendant et après toute action, toute entreprise, toute réforme.
Les idées avancées par l’Association française des conseils en affaires publiques doivent être plus débattues et approfondies, en tirant parti de ce qui se fait de mieux dans d’autres pays. Attention aux idées-gadgets, aux « fantasmes marketing » et aux initiatives plus chargées d’illusions démagogiques que porteuses d’une authentique modernisation. « Ne pas avoir peur du peuple », c’est d’abord ne pas confondre peuple et populace ou masse. Ce n’est surtout pas faire du suivisme quantitatif, pratiquer cette doxocratie qui fait tant de ravages, à tous les niveaux.
Concilier intérêt général et intérêts particuliers, dépasser la fragmentation et l’antagonisme des intérêts, des savoirs et des aspirations, articuler le local et le général, gérer le présent en préparant l’avenir ne se fait pas par tirages au sort. On ne maîtrisera pas « l’économie-casino » si dénoncée par une « politique-loto » ou une « démo-loterie » : on risquerait d’y perdre, au grattage et au tirage.
La République française, fausse monarchie oligarchique vraiment vieillissante, doit être réformée en profondeur, mais des améliorations ne doivent pas être des régressions...