Le monde arabe pauvre et faible mais aussi l’Occident cheminent dans un « tunnel obscur » que l’histoire se chargera de guider vers la lumière
par Hamed
samedi 24 mai 2025
L’Histoire ne cessera jamais d’être interrogée. C’est par l’analyse de l’histoire passée et présente que l’on peut comprendre les grands événements politiques et sociaux dans le monde. Il faut se dire pour ce qui concerne la démocratie, qu’aucun peuple n’est devenu démocratique sans qu’il ne traverse des épreuves historiques extrêmement douloureuses. Un peuple n’est démocratique que par la « force de son histoire, par la force des progrès politiques, économiques et sociaux qu’il a arrachés tout au cours de son existence ». La démocratie n’est pas donnée, elle est toujours à conquérir. C’est un processus historique lent et qui demande d’immenses sacrifices.
Pour les pays occidentaux, la conquête de la démocratie a demandé des siècles. Pour les pays arabes, elle n’est aujourd’hui qu’en balbutiement. Mais combien même elle balbutie, les événements depuis le « Printemps arabe » montrent que les masses arabes y aspirent. Dans la meilleure tradition laïque et démocratique, les populations arabes se sont révoltées contre des régimes répressifs, sa corruption et la pauvreté, en revendiquant la liberté et l’espoir de meilleures conditions économiques. La démonstration est faite que les Arabes n’ont rien de différent des autres peuples. Tout être humain aspire à son humanité, c’est-à-dire d’« être crée libre ». Et cette essence d’être libre figure en chaque homme qui vit sur la terre. Elle est innée par la pensée même qui la constitue, par qui elle doit son existence. « Pour la simple raison peut-on emprisonner la pensée ? La pensée est toujours libre parce qu’elle ne doit sa liberté qu’à elle-même. »
Un homme peut être esclave mais sa pensée demeure néanmoins libre. Qu’il s’agisse de l’enfermement des peuples ou de leur libération relèvera toujours de l’évolution des stades de leur histoire. Précisément le « Printemps arabe » a été un déclic inattendu du réveil de l’homme arabe, de sa léthargie historique, qui a surpris le monde entier. Et cette léthargie précisément est historique parce qu’elle relève de contingents de l’histoire.
Aussi on ne peut que s’étonner que pour la première fois de l’Histoire du monde arabe, les Tunisiens, le libyens, les Égyptiens, les Syriens, les Yéménites ont donné une véritable leçon de combat démocratique au monde. L’humanité entière a vibré en direct sur les événements qui ont eu lieu sur la place Tahrir, au Caire, en Egypte. Et ce qui frappe d’emblée le regard dans les révoltes arabes, c’est l’absence du fondamentalisme islamique. Cette révolte arabe n’est pas partie d’une quelconque idéologie laïque ou religieuse mais simplement de ce sentiment humain réel, prenant que les peuples ont trouvé en eux. De ce sentiment qu’ils ont brusquement pris conscience qu’ils constituent la société, et que sans eux, il n’y a pas d’Etat.
Et c’est cette force venue de nulle part qui les a investis et les a poussés à secouer les chaînes qui les asservissent, ne leur laissant point de lucarne d’une existence digne d’être vécue. L’Histoire du monde arabe opérait un grand tournant historique. Si la situation s’est retournée ensuite, la révolte arabe n’a rien perdu de son aura emblématique. Le « Printemps arabe » est désormais consigné dans l’Histoire.
- Les Occidentaux sont-ils réellement intéressés par la démocratisation du monde arabe ?
Si la démonstration est faite que le sentiment démocratique dans les pays arabes ne se limite pas aux seules élites arabes et que l’immense majorité ne se mobilise que pour le fondamentalisme ou le nationalisme, la lecture occidentale est aujourd’hui battue en brèche. Et cette lecture est à mettre sur le caractère égocentrique des élites occidentales qui pensent bien juger alors qu’en réalité ils manquent beaucoup d’objectivité. La grande question qui se pose malgré tout : Qu’en sera-t-il demain ?
Le problème pour être compris n’est pas de ce qui va émerger demain, mais de situer d’abord les freins à l’avènement de la démocratie dans les pays arabes. Evidemment, les obstacles sont considérables, mais pour les comprendre, il faut d’abord situer l’architecture qui les a vus naître. Il faut se rappeler les événements qui ont marqué le XXe siècle. D’abord la disparition de l’Empire ottoman sous le poids de l’Histoire et son remplacement par une république kémaliste qui a cherché à s’inscrire dans la modernité. Mais cette république kémaliste ne pouvait couper les cordons avec son islamité. Dès son avènement, elle voguait entre un régime républicain à parti unique et un multipartisme où les forces politiques progressistes qui cherchaient à sortir du carcan autoritaire ont, à chaque fois qu’ils ont émergé, étaient freinées par des coups d’Etat militaires successifs (mai 1960, mars 1971, décembre 1980 et février 1997).
Le même processus a joué pour les autres pays arabes qui ont regagné leur indépendance. Tous ces pays ont eu des régimes politiques républicains à parti unique (Egypte, Tunisie, Algérie, Syrie, Irak…). Quant aux pays monarchistes (Arabie saoudite, Koweït, Bahreïn, Emirats arabes-Unis, Oman, Qatar et Maroc), leur régimes politiques sont restés absolutistes. Et tous les pays arabes étaient soutenus par l’Occident ou l’ex-URSS, selon le bloc dont ils étaient alliés. Et même aujourd’hui leur situation géopolitique a peu changé.
La situation du monde arabe est extrêmement complexe. Quand on voit la Turquie qui est le pays le plus ancien et aujourd’hui peuplé de près de 90 millions d’habitants et ne jouit toujours pas de véritable démocratie. Bien plus, un régime islamiste qui a émergé par la voie des urnes tente, depuis le début des années 1990, de verrouiller la scène politique. Il cherche à museler toute voix discordante à sa politique. Alors que ce parti n’a pris le pouvoir qu’à l’occasion d’une grave crise économique que la Turquie a vécu à la fin des années 1990. Force dire que la voie démocratique des autres pays arabes moins préparés est encore semée de lourdes embûches.
D’autre part, l’Occident qui ne cesse d’appeler publiquement les pays arabes à la démocratie. Cependant, dès que le peuple se soulève contre un dictateur au nom de la liberté et de la justice, et pas au nom de la religion, il se ravise et, dès lors, il est « profondément inquiet ». Cela relève de son hypocrisie. Au lieu qu’il se réjouisse et qu’enfin les peuples arabes relèvent la tête pour prendre leur destinée en main, il s’empresse de mettre de nouvelles embûches pour dévoyer le mouvement ou de lui trouver un substitut qui maintienne ces peuples sous sa domination.
Il faut se rappeler seulement qui a tracé la carte du Moyen-Orient. Sinon l’Occident. Avant même la décolonisation, il a morcelé la région moyen-orientale en mettant sur pied des micro-royaumes (accords Sykes-Picot). Rien n’a été laissé au hasard pour l’assujettissement du monde arabo-musulman. Les Saoud, aidés par les Britanniques, conquirent les provinces d’Arabie et, en 1932, de leur fusion, ils créent l’Etat d’Arabie à qui ils donnèrent leur nom saoudite. En 1945, ils nouèrent avec les États-Unis un accord (le pacte de Quincy) qui assure la protection de la famille Saoud et celle du royaume contre toute menace extérieure en échange de l’exploitation des gisements de pétrole par l’Amérique. La durée de cet accord est de 60 ans renouvelable. L’accord a été renouvelé pour une même durée en 2005 par le président George W. Bush.
Et indirectement de cet accord, même s’il n’est pas dévoilé, les clauses de protection valent aussi pour les autres monarchies arabes. Les forces du CENTCOM (United States Central Command ou Commandement central des Etats-Unis) pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale sont déployées au Koweït, à Bahreïn, au Qatar, aux Émirats arabes unis, à Oman, au Pakistan. Elles ont été également déployées en Jordanie et en Arabie saoudite lors de la deuxième guerre du Golfe. C’est dire l’importance de ces pays pour la puissance américaine. Le pétrole étant un « enjeu vital » pour les États-Unis dans leur stratégie planétaire pour la domination du monde.
Donc on voit mal les Américains y compris les Européens accepter une véritable démocratisation du monde arabo-musulman, et des pays arabes en particulier. Une démocratisation naissante des pays arabes provoquerait forcément des conséquences incalculables sur ces pays, ce qui se répercuterait immanquablement sur les intérêts occidentaux. L’Amérique sera la première perdante. Sans une mainmise sur le pétrole arabe, la Réserve fédérale américaine ne pourrait plus financer son endettement par le reste du monde. Et cette donne du pétrole sur les émissions massives de dollars par l’Amérique, souvent incomprise, est laissée à dessein obscure. Donc on voit mal l’Amérique et l’Europe pousser véritablement les pays arabes à se démocratiser, cela équivaudrait à scier la branche sur laquelle ces puissances sont assises.
- Le monde arabe, un véritable « laboratoire géopolitique et géostratégique » où tous les coups sont permis
Évidemment, comme le monde arabe est structuré, on ne peut tout mettre sur l’Amérique et l’Europe. La situation politique, économique et sociale du monde arabe était telle que ce qui a cours dans ces dernières décennies ne sort pas de l’inédit mais découle de l’histoire même qui a donné naissance aux États arabes. L’Amérique finalement n’a fait que profiter d’une situation de sous-développement du monde arabe qui existait déjà. Comme d’ailleurs les puissances européennes l’on fait en leur temps.
Des peuples qui étaient longtemps colonisés et sortirent de la nuit coloniale ne pouvaient que subir ce qui a prévalu de leur histoire antérieure. Le système tribal qui s’est mué en système monarchique féodal au Moyen-Orient relève des forces même de l’Histoire qui avaient préexisté. Le découpage tel qu’il a été opéré au Moyen-Orient par les accords secrets de Sykes-Picot entre le Royaume-Uni et la France en 1916 et ultérieurement trouvèrent un monde arabe en friche. Les liens de ces pays avec un Empire ottoman décadent étaient très lâches. Celui-ci lui-même vivait ces dernières années puisque, en 1924, le califat a cessé d’exister. La fin du califat ottoman n’était pas ordonnée par Mustapha Kemal mais par les forces de l’Histoire. Il n’y avait tout simplement plus d’empire ottoman, donc plus de califat.
Tous les territoires arabes qui étaient assujettis à la Porte sublime étaient retirés par les puissances européennes. « Le berceau même de l’Empire ottoman, c’est-à-dire la Turquie d’aujourd’hui, était sur le point d’être dépecé par le traité de Sèvres, en 1920. » Et la Grèce, en connivence avec les puissances européennes, et aidé par les Britanniques, cherchait à liquider la Turquie pour reconstituer à sa place la « Grande Grèce historique ». Ce n’était ni plus ni moins, si le projet avait réussi, la fin de la Turquie et du peuple turque désormais soumis à la tutelle grecque.
Mais l’Histoire encore une fois changera les donnes, et mettra fin au dépeçage de la Turquie et au projet chimérique des puissances européennes. En précipitant une union nationale qui rejettera le traité de Sèvres, et battirent militairement les forces britanniques et grecques, cette union ouvrira la voie à la République turque. Elle sera effective en 1924. Ce passage de l’Histoire fut la première victoire du monde de l’Islam au XXe siècle sur l’Europe. Le monde de l’Islam avait aussi des droits historiques en Europe.
C’est dire que l’évolution de l’humanité est complexe, et que ce l’on croit acquis ne l’est qu’un temps. Dans les événements qui marquent le monde, il y a toujours une idée de progrès dans les faits de l’Histoire. Rien ne vient sans cause et sans « l’harmonie de l’Histoire ». Ce qui s’est passé, en cette première moitié du XXe siècle, c’est que tout devait s’opérer pour ouvrir une nouvelle page du monde. Les deux Guerres mondiales qui ont ébranlé la puissance occidentale, ont concouru à libérer les peuples colonisés.
Là encore, tout n’est pas gagné. La décolonisation sortie par la force des événements historiques a procédé autrement à ce qu’aspiraient les peuples. Une indépendance retrouvée, une libération d’un statut qui a enlevé toute dignité à l’homme, retrouve les peuples arabes de nouveau assujetti à des systèmes politiques autoritaires à parti unique. Ces peuples ne méritaient-ils que ces systèmes autoritaires ?
La réponse est complexe. Les systèmes politiques autoritaires, qu’ils soient républicains progressistes ou monarchiques absolutistes et féodaux, ne sont pas sortis ex nihilo, mais relèvent d’une situation géopolitique instable et de la carte politique du monde arabe que les puissances ont léguée.
Pour les pays progressistes, la situation rappelle un peu le traité de Sèvres, qui dévoile que les puissances occidentales sont toujours là et prêtes à dominer. Les régimes autoritaires arabes à parti unique devaient provoquer par conséquent une Union nationale comme réponse aux visées occidentales. A l’époque, l’URSS et la Chine s’opposaient à l’hégémon occidental. De plus, l’avènement de l’État d’Israël en terre d’Islam est une pure création par les grandes puissances, et imposé au monde arabe, ce qui a encore compliqué les donnes de la région.
Dès lors, les aspirations des peuples arabes à la démocratie étaient illusoires, et le sont encore aujourd’hui. Cette situation nous fait dire que si les Américains ou les Européens avaient vécus la même situation, les mêmes causes auraient provoqué les mêmes effets. Ceci simplement pour dire que l’état d’un monde arabe non-démocratique n’était pas une fatalité et relevait des forces internes et externes qui ne pouvaient que le laisser dans l’état où il était et l’est encore. Où la démocratie était un luxe qu’il ne pouvait se permettre tant les forces lui étaient contraires. Ses formidables richesses pétrolières et la mainmise occidentale évacuait toute possibilité de sortie de crise. Bien plus, il est devenu un véritable « laboratoire géopolitique et géostratégique » où tous les coups étaient permis.
- Le problème n’est pas la démocratie ou l’absence de démocratie mais l’utilisation du monde arabe à des fins géostratégiques
Précisément, tous les coups étaient et sont permis. Et l’islamisme dont la doctrine avait déjà commencé à apparaître dès les années 1960, va de plus en plus s’étendre dans le monde arabe. Les Occidentaux avaient déjà assimilé l’Histoire depuis l’avènement de l’arme absolue – l’arme nucléaire – qu’ils ne pouvaient y avoir de guerre avec les puissances adverses, essentiellement, à l’époque, l’URSS, sinon à provoquer une « Troisième Guerre mondiale ». Ce qui signifierait l’apocalypse et un retour de l’humanité à l’« âge de pierre ». Aussi leurs stratèges ont pensé à un substitut à l’arme absolue, tout aussi redoutable. C’est l’islam idéologisé en « islamisme », comme une arme de combat et dont les conséquences pouvaient être aussi ravageuses que l’arme absolue. Et sans provoquer une Troisième guerre mondiale.
A l’« islamisme », il faut encore adjoindre les « pétrodollars arabes ». Et ces monnaies sont venues dès 1973, avec les krachs pétroliers. On dit que les Arabes ont provoqué le krach pétrolier à l’occasion de la guerre du Kippour comme représailles contre la puissance américaine qui a soutenu Israël. En réalité, ce sont les États-Unis qui ont « commandité ces krachs pétroliers, les pétromonarchies arabes n’étaient que des exécutants ».
Les Américains avaient besoin de contreparties monétaires pour financer leurs déficits commerciaux. L’Europe ayant refusé au début des années 1970 d’absorber les dollars américains créés ex nihilo, seule une augmentation des cours du pétrole exporté par les pays arabes et qui était libellé en dollar américain pouvait permettre à la superpuissance d’obliger les pays européens d’accepter les dollars issus de la planche à billet. Ce qui de nouveau leur permettait de répercuter leurs déficits commerciaux sur l’Europe, et le reste du monde.
On a vu ce qu’il a résulté ensuite lorsque la Réserve fédérale américaine procéda à une forte émission de dollars, en fait des « pétrodollars au point qu’elle en inonda le monde » – se rappeler la forte inflation qui s’ensuivit à la fin des années 1970 –, puis procéda à un retournement de sa politique monétaire américaine, au début des années 1980, en procédant à une augmentation de son taux d’intérêt directeur jamais égalée de son histoire.
Un endettement mondial s’ensuivit. C’est ainsi que l’islamisme dans la guerre de l’Union soviétique en Afghanistan est venu avec les pétrodollars clore une partie de l’Histoire. « Des bouleversements dus à l’islamisme et aux pétrodollars presque comparables à ceux qui se sont opérés au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. »
Le monde entier a été secoué dans les années 1970 et 1980. Le bloc Est a cessé d’exister. La Chine, ayant vu son système économique socialiste ébranlé par la crise mondiale, s’est convertie au socialisme de marché. Les dictatures en Amérique du Sud sont tombées avec la crise économique. « Un vent de démocratie a soufflé partout dans le monde. » Quant aux régimes politiques arabes, ils furent ébranlés par l’islamisme jusqu’à leur fondement.
Ce rappel des faits passés est énoncé simplement pour situer l’importance du « rôle du monde arabe qu’on lui fait jouer à des fins géostratégiques ».
Le problème n’est pas la démocratie ou l’absence de démocratie dans le monde arabe mais le rôle qu’il a eu à jouer en tant ce qu’il est, c’est-à-dire monarchique, républicain, islamique, et ses richesses pétrolières convoitées, dans l’équilibre de puissance mondial. Si ce monde était démocratique, moderne, et gérait librement son pétrole, l’URSS n’aurait pas disparu de la scène de l’Histoire. Les missiles SS-20 et les Pershing américains seraient toujours entreposées en Europe. La Chine ne serait pas convertie à l’économie de marché. La puissance américaine aurait baissé progressivement de sa voilure et ses porte-avions seraient plus amarrés à quai ou à vendre qu’à sillonner les mers. Pas de pétrodollars, pas de déploiement de forces américaines. Quant à l’islamisme, il serait resté une doctrine obsolète sans prise dans un monde arabe démocratique et moderne, imprégné de son islamité et qui n’aura rien à envier aux pays d’Occident.
Cependant, l’histoire était ce qu’elle était comme elle l’est aujourd’hui, « pétrodollars et islamisme étaient nécessaires à la marche de l’histoire. » Et, au-delà de l’utilisation de l’islamisme, les échecs politiques et militaires successifs avec Israël et son mentor les États-Unis l’ont au contraire fortifié. C’est parce qu’ils l’ont fortifié qu’il a pu tenir tête jusqu’à épuiser la deuxième puissance du monde, l’URSS, en Afghanistan. Comme il a épuisé, à son tour, trente ans plus tard, la première puissance du monde, en Afghanistan.
« Mais la Russie d’aujourd’hui a appris la leçon de l’islamisme, elle en a fait son amie, l’Iran. » Elle lui livre même des centrales nucléaires, et des missiles extrêmement performants. Donc la Russie relativise son échec de son système soviétique dépassé et procède comme les Américains en dopant son islamisme. Elle se met à égalité avec la stratégie occidentale.
- Le monde arabe pauvre et faible mais aussi l'Occident qu’il s’agit de guider vers la lumière
Le monde arabe est pauvre et faible, il chemine dans un « tunnel obscur » (dixit George Corm), qu’il s’agit désormais de guider vers la lumière. (1) La Première Guerre mondiale et la Deuxième Guerre mondiale n’ont-elles pas été, à leur époque, des « tunnels obscurs » pour l’Occident ? Et nous avons vu ce qui en est sorti après un demi de siècle de conflits politiques et de guerres intra-occidentales. Une Europe pacifiée et unie et une décolonisation entière de deux continents l’Afrique et l’Asie.
Pareillement pour le monde arabe qui a vu « son avènement au centre de l’histoire », dans la deuxième moitié du XXe siècle. Et Israël ne s’est pas planté par hasard en terre d’Islam après 2000 ans d’errance. Il y a une dynamique historique, et les événements qui peuvent se produire sont imprévisibles.
Comme ce qui s’est passé pour les guerres européennes pendant plusieurs siècles pour donner l’Occident d’aujourd’hui, il peut se passer identiquement pour le monde arabe. Il faut que l’Histoire se fasse pour que le monde arabe regagne le chemin perdu dans les guerres en son sein. L’islamisme comme les pétrodollars n’auront qu’un temps à agir dans l’Histoire. Si l’islamisme n’existait pas dans les siècles passés, et qu’il existe aujourd’hui, c’est pour que l’Histoire se fasse.
Islamophobie et clichés véhiculés sur le monde de l’Islam, même s’ils sont réels, ne relèvent que de l’apparent et de l’incompréhension mutuelle. Et ainsi va le monde. Ce sont les divisions au sein du monde de l’Islam, et du monde arabe en particulier, et les conflits armés qui les agitent qui auront encore une fois à changer l’équilibre géostratégique mondial.
Le monde arabo-musulman se constitue un peu comme les « Balkans le furent au début du XXe siècle ». Les États-Unis et leurs alliés les pays d’Europe remplacent aujourd’hui « l’Empire Autriche-Hongrie à la veille du Premier Conflit mondial ». Aussi peut-on dire tout peut arriver et même un conflit majeur ne doit pas étonner dans les Balkans du XXIe siècle.
La Première Guerre mondiale a été provoqué par l’assassinat d’un archiduc autrichien. L’entrée en guerre des États-Unis contre le monde de l’Islam a été provoquée, en 2001, par l’attentat terroriste contre les tours jumelles du World Trade Center, à New York. Et rien ne prédisait cette attaque incroyable du WTC, et pourtant elle a eu lieu, et le monde entier a été stupéfait de cette attaque éclair difficile à admettre par la raison.
Aujourd’hui encore, le même processus agite le monde de l’Islam. Sinon pourquoi ces conflits armés éclatent un peu partout dans le monde de l’Islam ? Et des peuples entiers se trouvent éclatés, dispersés à travers le monde. En Syrie, en Irak, au Yémen, en Libye, en Somalie, en Palestine, au Liban, au Soudan, et des menaces pèsent sur les autres pays. Un vent de guerre souffle aujourd’hui dans le monde musulman et impliquent aussi les monarchies arabes, les États-Unis, l’Iran et Israël. Et ce souffle va en grossissant.
Et les conflits en cours à Gaza et en Ukraine qui sont quasiment insolubles trouvent non seulement le monde musulman mais aussi l’Occident cheminant dans un « tunnel obscur », que l’Histoire se chargera « de guider vers la lumière ».
Medjdoub Hamed
Chercheur
Notes :
1. « Pensée et politique dans le monde arabe – Contextes historiques et problématiques, XIXe – XXIe siècle », par George Corm, Edition la Découverte. 2015