Stupeur et tremblements

par jCris
mardi 11 juillet 2006

110e minute... après un temps invraisemblable d’hésitation, l’arbitre sort le carton rouge pour Zinedine Zidane. L’emblématique numéro 10 de l’équipe de France, le capitaine tricolore, le symbole de toute une génération, vient de se rendre coupable d’un geste incompréhensible et impardonnable pour sa dernière sortie, un jour de finale de Coupe du monde.

14. C’est le nombre de cartons rouges qu’aura reçus Zizou tout au long de sa carrière ; le second en phase finale de Coupe du monde. Un soir de juin 1998, le futur héros du tournoi avait en effet piétiné un joueur saoudien, lui coûtant le huitième de finale haletant contre le Paraguay. En 2000, la marque de ses crampons s’était également posée sur un de ses adversaires, le privant d’un Ballon d’or, pourtant amplement mérité au vu de ses prestations sportives. Zidane, c’est la passion, et dans toute passion il y a une certaine forme de déraison.

Pourquoi ? Après la stupeur qui nous a tous frappés à cet instant du match, c’est cette même question qui revenait inlassablement. Pourquoi ? Dans une prolongation de finale de Coupe du monde, pour sa dernière, pour la conquête de l’ultime trophée, après avoir juré avec ses partenaires : On vit ensemble, on meurt ensemble... Bixente Lizarazu l’avait pourtant mis en garde contre le Portugal... Des journalistes à ses coéquipiers, en passant par l’ensemble des amoureux de Zidane, tous se posent cette question qui ne trouvera pas de réponse. Silencieux, la tête basse, l’icône ignore le trophée doré en abandonnant ses amis, ses frères d’armes, son maillot bleu, ses rêves, sa gloire, sa carrière... Après tant d’efforts personnels et collectifs, il sort par la plus détestable des portes. Quelle qu’ait été l’insulte de Materazzi, aussi grave, aussi écoeurante qu’ait pu être l’attitude du défenseur italien, rien ne peut justifier ce geste, surtout pas lorsqu’on porte avec soi autant de valeurs dans une société en mal de repères. Fabien Barthez en sait quelque chose.
Il ne s’agit pas de pardonner ou de ne pas pardonner à Zidane... car ceux à qui le joueur doit rendre des comptes, ce sont ses coéquipiers et le sélectionneur, pas à nous, même si une fois revêtu, le maillot de l’équipe de France exige un dépassement d’une tout autre dimension.

Tu seras un homme, Zidane... Tous les superlatifs ont été usés pour qualifier le talent hors norme du Marseillais. Tous, et peut-être un peu trop : sa majesté, le génie, le dieu Zizou a failli. Comme nous tous, il a montré sa part d’ombre, ses limites humaines, et tout le reste de sa vie il vivra, comme nous tous, avec ses regrets. La punition n’en est que plus exemplaire, impitoyable et définitive. Nous avons rêvé, nous avons vibré... Thuram a pleuré. Bien plus qu’un trophée, le désastre Zidane, c’est celui qui revient de nulle part, se bat jusqu’au bout de lui-même, et qui, impuissant, voit la victoire promise lui échapper... N’est-ce pas, mon pauvre Lilian ? Voilà pourquoi Zinedine est un homme, car il reste victime de la Providence, au milieu du théâtre vert et rectangulaire de nos joies et de nos déroutes.


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