Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !
par C’est Nabum
vendredi 30 août 2024
À la fortune du pot.
Il m'advint une bien étrange aventure que j'aimerais vous glisser au creux de l'oreille. Il vous suffit de m'être tout ouïe pour profiter pleinement d'un récit que j'entends chuchoter à voix basse. Il ne faudrait pas que la chose fît grand bruit, les mauvaises langues sont toujours à l'affût parmi tous ceux qui m'ont dans le nez. Mais laissons là les problèmes de voisinage pour entrer sur la pointe des pieds en ce lieu.
Un ami qui avait toujours été à mon écoute, me prêta un beau jour un charmant pavillon, lové délicatement le long d'un canal. Si la paix niche en cet écrin d'eau et de verdure, il ne s'en passa pas moins de curieux phénomènes que je tiens à porter à votre connaissance. Approchons-nous à pas feutrés de cet endroit en empruntant la voie d'eau, l'accès le plus agréable…
Il convient de vous prévenir que ce jour-là, j'avais les jambes en coton et qu'un incessant bourdonnement envahissait l'atmosphère. Cigales ou bien grillons, abeilles ou bien guêpes avaient fait de la place leur domaine. Des plaques de cire jonchaient les abords tandis que j'hésitais à aller plus avant. Pourtant un écriteau m'indiqua : « Ne vous fiez pas à vos yeux, laissez-vous porter par d'autres sens ! »
Force est de reconnaître pourtant qu'un portail majestueux ouvrait sur ce monde merveilleux et je n'avais pas envie d'en perdre une miette. Un tympan médiéval richement sculpté, méritait toute mon attention. C'était là la plus extraordinaire porte d'entrée d'une maison éclusière qu'il me fut donner d'admirer. Deux anneaux d'amarrage étaient scellés de chaque côté des colonnes sans que j'en comprenne l'usage.
Je n'étais pas au bout de mes surprises. Un conduit étroit menait jusqu'à la porte du petit pavillon. Sur celle-ci, point de sonnette ou de cloche comme on pourrait s'y attendre mais un marteau solidement fixé là afin de frapper vigoureusement sur un étrier qui résonna comme un diapason. C'est alors que mon ami m'ouvrit sa porte.
Je m'étais toujours très bien entendu avec ce camarade au prénom rare : Eustache. Pourtant, dans l'univers des gens de l'eau, tout le monde le surnommait « Pu-Puce ». Il faut dire qu'il n'était pas bien grand. Il me convia à pénétrer dans le vestibule, me priant de mettre des patins afin de ne pas déclencher le courroux de son épouse, une certaine Cochlée que jusqu'alors je n'avais jamais vue.
D'après les bruits qui circulaient dans notre petit microcosme, la dame était souvent sur les nerfs, chassant obsessionnellement tout ce qui pouvait obstruer son couloir. On peut comprendre ce souci de propreté mais comment expliquer alors la présence au milieu de la place d'une grosse enclume qui aurait dû me mettre la puce à l'oreille.
J'entrais cependant les yeux fermés dans cet univers ouaté que mon ami avait soigneusement isolé du monde extérieur. Bourdonnements et sifflements avaient laissé place à un silence de cathédrale. C'est dans ce contexte que dépassant le vestibule j'eus la surprise de découvrir là, au chœur de cet habitacle incroyable un petit canal circulaire sur lequel circulaient de minuscules embarcations.
Sur celles-ci, des matelots lilliputiens descendaient parfois de leur embarcation pour souffler dans une trompe placée là à l'extrémité du canal. Il me prit l'idée saugrenue d'agir il faut bien l'avouer comme un malotru. Je voulus souffler à mon tour et Eustache me cria aux oreilles que cet instrument était le sien. Puis pour se faire pardonner cette brusque augmentation du volume, il m'offrit un pot d'accueil pour célébrer ma venue dans son pavillon. Hélas, j'en avais perdu l'usage de mes oreilles tant celui-ci avait haussé le ton.
Suite à une coupure du son, je me dois d'interrompre mon récit en vous remerciant de m'avoir prêté l'oreille.