ENA cherche...citoyens

par Rabelais
mardi 3 avril 2007

L’enseignement dispensé à l’ENA forme des individus coupés du réel. Un simple exemple l’illustre, si besoin était. Les solutions simples et économes sont à portée de main.

Même Lionel Jospin ne connaissait pas le prix de la baguette ! L’image est restée discrète. Nous sommes le lendemain du passage à l’euro. Lionel Jospin, tout fringuant Premier ministre, se rend chez son boulanger, accompagné d’une équipe de tournage. « Bonjour ! une baguette SVP ! ». Sous l’effet de l’émotion, le boulanger répond « 5,20 », exprimant le prix en francs. Ni une ni deux, Lionel Jospin pose le billet de 5 euros préparé à l’avance et plonge sa main dans sa poche pour rechercher le complément. Les deux mains se choquent : celle du boulanger qui rend les quelque 4,20 euros et celle de Jospin qui ne comprend pas la situation. Jusqu’à ce que le boulanger lui explique son erreur et Jospin d’essayer de masquer sa gêne.

L’histoire peut paraître anodine, mais quel citoyen paierait une baguette de pain 33 francs ? L’histoire peut paraître anodine si déjà en son temps, un énarque d’un autre camp ne s’était fait sécher vingt ans plus tôt sur le même sujet. Même problème (simple !), même déconnexion du réel. L’histoire serait anodine s’il arrivait à un énarque de connaître le chômage, de chercher un emploi, une seule fois dans sa vie. L’histoire serait anodine si elle ne révélait que l’ensemble des ministères et des cabinets associés, bref que l’ensemble du processus décisionnel de l’État ne dépend que d’individus ne connaissant rien du quotidien des Français (en dehors des notes de synthèse). Comment proposer des solutions à des problèmes que l’on ne connaît pas puisque, salarié à vie, détaché de toute obligation professionnelle, de tout problème de retraite (l’avancement continue quoiqu’il arrive...), de toute inquiétude sur le financement de l’avenir de ses enfants... ces problèmes n’existent pas, ou plus exactement ne sont que des théories ? Qui a connu le chômage, ne serait-ce qu’une fois dans sa vie, ne regarde plus jamais les chômeurs du même œil !

Mais que l’on ne se méprenne pas, l’objectif n’est pas de dire mort aux hauts fonctionnaires ! Ils sont probablement garants d’un certain fonctionnement de l’État. Il s’agit simplement de faire remarquer que, comme pour tout enseignement supérieur (à l’exception de l’université, très ouverte par nature), les mêmes formations fournissent les mêmes résultats.
Et qu’un peu de « mixité » ne peut qu’être bénéfique à notre pays, à sa « gouvernance ». Les remèdes sont simples. Il suffit que les hautes administrations disposent de budget pour rémunérer des membres de la société civile qui viendraient y travailler, ou qu’avant d’accéder à de hautes fonctions, les futurs élèves aillent « vivre » un peu. La première piste permettrait d’éviter que seuls les candidats assujettis à l’ISF (pour la plupart des plus probables présidents, à une exception notoire) puissent aspirer à de hautes fonctions. La seconde aurait l’immense mérite de ramener sur Terre nos décideurs, à peu de frais.

L’un des candidats à la présidentielle vient de faire une proposition dans ce sens : l’accès aux hautes fonctions après avoir un peu « vécu ». Parions sur plusieurs types de réactions : « je l’avais déjà proposé ! » dira un énarque qui n’en a rien fait, « Quelle drôle d’idée ! » dira celui qui n’a vraiment rien compris, « Quelle ineptie ! » dira un énarque qui n’a rien fait car il n’a vraiment rien compris. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’aucun d’entre eux n’a les pieds sur Terre, et ne voit ce qui est évident pour tout citoyen qui lève un peu les yeux et regarde la façon dont la France est gérée depuis des décennies.


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