Lettre ouverte aux auteurs des violences urbaines

par José Peres Baptista
vendredi 4 novembre 2005

Je n’ai pas la prétention de m’exprimer en votre nom. J’ai seulement celle, modeste, de vous demander de vous exprimer autrement.

Les évènements de ces dernières nuits ont envahi les médias, leur couverture est dorénavant internationale. Si votre objectif était là, il est déjà atteint. Cependant, à le poursuivre sous cette forme, vous vous attirerez une inimitié de plus en plus grande de l’opinion publique.

Vous avez déjà réussi à attirer l’attention sur le malaise de vos quartiers, sur la situation sociale catastrophique qui vous environne et sur les discriminations dont vous faites l’objet dans tous les secteurs de votre vie quotidienne.

Croyez bien que vous n’êtes pas les seuls, malheureusement, à vous sentir exclus de la société française. La pauvreté augmente, le chômage empêche beaucoup trop d’entre nous de vivre correctement, et les discriminations ne touchent pas que les banlieues parisiennes. Mais ceux qui sont dans une situation à peine meilleure que la vôtre ne se sentiront pas solidaires, si vous brûlez leur voiture et si vous provoquez une augmentation de leurs impôts en détruisant le bien public. Vous contribuez à les appauvrir en agissant de la sorte, parce que ces destructions ne seront probablement couvertes par aucune police d’assurance, puisqu’il s’agit d’émeutes. Ne nous laissez pas croire que c’est ce que vous désirez.

Si votre seul objectif est de vous confronter aux forces de l’ordre, vous ne serez pas compris. Si vous assimilez tous les individus qui composent ces forces à leur ministre de l’Intérieur, vous avez tort. Ils ont dû constater, en première ligne, ces derniers jours, comment ses propos ont été interprétés, et il ne faudrait pas que vous croyiez que de tels affrontements leur plaisent. Ils sont aussi des êtres humains, comme vous, avec leur sensibilité et leurs opinions, et la violence n’est toujours, pour eux comme pour tous, que le dernier recours. Leur métier est de faire respecter la Loi, pas celle de Nicolas Sarkozy, mais celle de notre pays, de notre République. En ne la respectant pas, vous ne ferez qu’entraîner une répression légitime.

Par contre, si ce que vous désirez est de provoquer un mouvement le plus large possible, afin de porter au plus haut le constat catastrophique de notre société, il va vous falloir cesser ces violences. Alors vous serez écoutés, vous serez peut-être suivis, et à défaut d’être compris par les autorités, vous pourriez alors l’être par l’opinion publique. Regroupez-vous en un mouvement calme et déterminé autour de vos aînés, de vos éducateurs, de vos médiateurs, de vos élus locaux. Faites-le en nombre, le plus grand possible, pour montrer l’étendue du problème. Dans le cas qui vous préoccupe, la commune dont vous êtes issus n’a que peu d’importance. Le malaise social est national, même s’il est particulièrement important dans vos quartiers.

Si vous y arrivez, si vous vous faites entendre autrement que par la violence, vous montrerez que vous êtes capables de passer d’un moment de révolte à un mouvement d’opinion adulte et responsable. Vous montreriez aussi votre solidarité en exposant les carences du modèle social français qui affectent gravement les plus défavorisés d’entre nous tous.

C’est cela que vos voisins, vos familles et vos concitoyens souhaitent maintenant : que vous reveniez au calme en gardant votre détermination. Ils attendent de meilleures nouvelles pour vous comme pour eux. Ne vous en détachez pas, n’aggravez pas leur situation, ne vous comportez pas comme vous ne voulez pas être traités.

Si vous réussissez cela, vous ferez passer votre message bien plus loin que sur les boucliers qui abritent les policiers.

Jusqu’à nous.


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