Lutte des classes, lutte des castes
par Jacques-Robert SIMON
vendredi 24 mai 2024
Le Droit des minorités est mis en avant à chaque occasion pour justifier n’importe quelle politique. Le caractère emphatique des propos empêche toute espèce d’analyse plus rationnelle. Mais y a-t-il des intérêts plus concrets derrière ces élans d’âme ?
Les agriculteurs sont manifestement utiles au pays puisqu’ils sont censés le nourrir. Ils ont un pouvoir de nuisance important grâce aux divers engins agricoles dont ils disposent, ils disposent aussi de la bienveillance de la population. Leurs conditions de travail rebutent les plus courageux, leurs manifestations sont a priori légitimes. Mais qu'y a-t-il de commun entre un Président médiatique qui possède 800 hectares de champs pour faire des céréales et un éleveur de moutons qui gagne moins que le SMIC agricole ?
Quel est le lien entre un Homme politique en vue qui affiche sa sexualité non-conforme devant l’assemblée nationale et qui s’est pourvu de toutes les armes oratoires possibles dans une école privée prestigieuse et un travailleur du sexe qui opère de façon souterraine dans les lieux les plus sordides ?
Le Président musulman d’un club de football renommé avec une fortune personnelle de plusieurs dizaines de millions d’euros vit-il dans le même monde que celui de la même religion et qui vide vos poubelles chaque matin ?
Y a-t-il un point commun entre une animatrice de chaîne d’informations en continu qui touche des émoluments trente fois supérieurs à une aide-soignante de même sexe ?
Les exemples pourraient être multipliés presque à l’infini, le principe du jeu reste le même : mettre en avant la souffrance bien réelle de certains, les agglutiner au sein d’un groupe social suffisamment vaste pour inclure d’autres qui ne ressentent en rien cette souffrance puis étaler devant les médias celle-ci avec le plus d’esclandre possible au nom d’une caractéristique en commun visible mais qui n’est pas la cause des problèmes.
Bien que l’argent ait été sacré guide suprême en reléguant l’Amour et les valeurs connexes aux plaisirs et aux jouissances, il n’apparaît plus dans l’identité sociale de chacun. On ne fait plus partie des dominants ou des dominés, des exploiteurs ou des exploités, des prolétaires ou des bourgeois, on est une femme, un homosexuel, un juif (ou un antisémite), un musulman, un noir… Il n’y a guère plus que les catholiques qui n’osent plus revendiquer une quelconque étiquette sachant qu’on les accuse de tous les méfaits possibles des croisades jusqu’au colonialisme sans oublier leur trop grande propension à ne pas s’intéresser uniquement à l’éducation des plus jeunes.
Les Lois sont parées d’une certaine sacralité qui devrait concurrencer le Dieu-argent. Mais elles sont écrites par des hommes par nature faillibles et elles ne peuvent être immanquablement des préoccupations terrestres. De plus pour la moindre procédure contentieuse il vous en coûtera plusieurs milliers d’euros si vous vous contentez d’un avocat à la portée de votre bourse. Un avocat pénaliste déclarait 70 000 euros d’honoraires par mois avant de devenir ministre. La justice est-elle plus juste lorsqu’on est fortuné ? Les grands principes universels protègent-ils de l’iniquité ?
La création de castes, dont le nombre peut être ajusté selon les besoins, permet de prétendre que si vous êtes fortuné c’est parce que vous êtes le meilleur dans votre caste. La notion de meilleur n’a pas à se référer à une quelconque table des valeurs, à une notion plus ou moins bien établie de Bien ou de Mal, le vrai juge, pas celui qui trône du haut d'une chaire, c’est l’audience, le vulgum pecus fait la loi. Si on se précipite chez un avocat, si on se bat pour une consultation, si on ne veut visionner qu’une seule chaîne de télévision… c’est que l’avocat, le spécialiste, l’animateur sont les meilleurs dans leur domaine ce qui valide leurs privilèges et leurs prébendes. D’ailleurs ils s’extirpent tous du monde réel pour ne plus naviguer que dans l’irréalité d’un monde financier sans attaches avec les biens terrestres. Pour donner un ordre de grandeur, l’ensemble des dettes (ménage + états) est de l’ordre de 250 000 milliards de dollars, soit 320 % du PIB mondial. Certains ont rêvé d’un au-delà, il est d’ores et déjà à portée de main, il suffit de savoir s’y prendre.
Les dirigeants ont comme fil directeur trois objectifs : (i) maintenir l’ordre, (ii) établir des inégalités consenties, (iii) fournir un rêve crédible à la grande masse. Si les principes sont constants, l’emballage doit être empreint de modernité.