OMC : l’Europe joue-t-elle vraiment le jeu ?
par Euros du Village
vendredi 20 octobre 2006
Cinq années de négociations mises au frigo. C’est en substance ce à quoi ont abouti les discussions « de la dernière chance » orchestrées à Genève en juillet dernier, sous la baguette de Pascal Lamy, le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce. Mais le blaming game auquel se sont livrés l’UE et les USA, se rejetant mutuellement la responsabilité de l’échec du cycle de Doha, n’a pu faire oublier que les négociations multilatérales menées dans le cadre de l’OMC avaient pour objectif, au-delà d’un règlement des différends entre les deux grandes puissances commerciales, de contribuer au développement des pays les plus pauvres. C’est à l’aune de cet objectif que se mesure le coût de l’occasion manquée. L’UE et les USA n’ont donc pu que faire part de leurs regrets... en se montrant du doigt.
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De Doha à Genève : un chemin pavé de bonnes intentions, mais...
L’UE et la PAC sur la sellette
Les catégories de subventions de l’OMC |
Les subventions (soutien interne) sont classées par catégories (ou ‘boîtes’) à l’OMC. Le contenu exact de ces catégories et le montant maximal de subventions autorisé pour chacune d’entre elles a fait l’objet d’âpres discussions lors des dernières négociations multilatérales. Ces catégories sont désignées par une couleur chacune. Dans le domaine de l’agriculture, on dénombre trois catégories : Catégorie orange : Ce sont les mesures de soutien interne réputées avoir des effets de distorsion sur la production et les échanges. Selon les termes de l’Accord sur l’agriculture, cette catégorie regroupe toutes les mesures de soutien interne à l’exception de celles relevant des catégories bleue et verte. Les mécanismes de prix garantis et les mesures de soutien couplées au volume de production figurent dans la catégorie orange. Catégorie bleue : Ce sont les mesures de soutien interne relevant normalement de la catégorie orange mais incitant les agriculteurs à limiter leur production. Catégorie verte : Il s’agit de subventions dont les effets de distorsion sur les échanges sont nuls. Ce sont généralement des aides directes financées par les fonds publics et découplées des niveaux de production et des prix. |
Ouverture des marchés ne signifie pas nécessairement développement
La seconde explication au refus de la logique maximaliste américaine vient de ce qu’une libéralisation accrue des marchés agricoles ne profiterait qu’inégalement aux pays en voie de développement, et serait préjudiciable aux pays les moins développés. Un certain nombre d’études ont en effet montré que la libéralisation dans l’agriculture bénéficierait aux pays exportateurs les plus compétitifs (Australie, Nouvelle-Zélande, Brésil, Argentine, Thaïlande, etc.) et à quelques pays importateurs (EFTA, Corée du Sud, Taïwan et, dans une moindre mesure, l’Union européenne). Elles montrent également que la libéralisation des marché pourrait être préjudiciable aux pays les moins développés, par effet combiné de la disparition des accès préférentiels aux marchés obtenus dans le cadre d’accords multilatéraux et de la perte de revenus provenant des droits de douane. Enfin, ces études montrent que les gains les plus importants sont à attendre d’une libéralisation des produits de l’industrie et des services. Par conséquent, dans le contexte d’un cycle négociations sous le signe du développement, l’UE s’est saisie de l’argument pour appuyer son refus de céder aux demandes américaines, et accuser les Etats-Unis et certains membres du groupe de Cairns d’oublier les objectifs initiaux en demandant aux pays les moins avancés d’ouvrir leurs marchés dans des proportions équivalentes à celles exigées des pays riches ou des pays en voie de développement, et en focalisant les débats sur la question de l’agriculture. Les études en question, réalisée par différents organismes, font l’objet d’un mémo publié sur le site de la DG Commerce : la Commission fait preuve d’un bel opportunisme en reprenant leurs conclusions comme argument, invoquant l’intérêt des pays en voie de développement pour appuyer son refus de la proposition américaine. Mais elle a vu juste : rappelons que, d’une part, l’UE a accédé à la demande des pays du G 20 de réduire ses tarifs agricoles de 54% et que, d’autre part, ce sont les grandes puissances exportatrices, en premier lieu les USA et l’Australie, qui ont le plus violemment critiqué la position européenne.
L’UE doit encore faire la preuve de sa bonne foi
La position de l’UE face à la proposition des Etats-Unis s’explique donc en partie par une différence de vue quant à la manière d’aborder la libéralisation des échanges. Les pays anglo-saxons, acquis au consensus de Washington, ne jurent que par l’ouverture des marchés mondiaux. l’UE estime pour sa part qu’une libéralisation au pas de course n’est pas la réponse immédiate aux défis du développement. La position de l’UE n’est donc pas intenable au regard des objectifs du cycle de Doha. Si l’UE ne se sent pas vocation à sacrifier ses intérêts au nom du multilatéralisme, pour reprendre les termes du ministre français de l’agriculture, Dominique Bussereau, elle n’a aucun intérêt à faire des concession trop lourdes à ses concurrents pour un accord ne garantissant pas l’intérêt des pays en voie de développement, mais ouvrant simplement les portes de son marché aux nouveaux compétiteurs que sont le Brésil, la Chine ou l’Inde. En cela, l’UE semble bien avoir joué le jeu.
Les pays les moins avancés ont beaucoup à perdre de l’absence d’accord. Celui qui se dessinait permettait de nombreuses avancées. Celles-ci ne sont peut-être pas définitivement perdues, et pourraient être remises sur la table à la faveur d’une reprise des négociations, que les pays émergents du G20 appellent de leur voeux. Mais l’UE semble à présent décidée à emprunter la voie du bilatéralisme. Ce peut être une bonne solution, à condition de ne pas forcer la main de ses partenaires lors de la négociation de ces accords. Ce sera là une nouvelle occasion de tester l’attachement de l’UE aux objectifs annoncés lors de l’ouverture du cycle de Doha.
Auteur : Xavier Le DEN, Euros du Village