Les céréales : l’arme stratégique de Poutine, au plaisir des spéculateurs

par Daniel MARTIN
lundi 8 août 2022

Sur les rayons des magasins alimentaires, tous les les produits alimentaires manufacturés, les huiles, mais aussi les produits frais, poisons, fruits de mer, viande, lait, beurre … sans oublier les fruits et les légumes, les prix ont très fortement augmenté. Comment en est-on arrivé là ? La guerre déclenchée par la Russie à Ukraine explique-t-elle seule cette situation ?

Des prix qui « flambent » un peu partout dans le monde.

Un peu partout dans le monde, la France et les pays Européens n’y échappent pas, les prix des produits du quotidien sont en train de grimper en flèche et des aliments ordinaires deviennent à terme des produits de luxe. Au Moyen-Orient, qui dépend très largement, comme l’Afrique ou l’Egypte des importations de blé ukrainien et russe. Face à la flambée des prix des céréales, les autorités égyptiennes ont du lâcher du lest pour désamorcer la bombe sociale. Au Liban, la cherté du blé aggrave encore davantage l’hyperinflation. Une situation qui risque de plonger des millions de personnes dans la famine, avertissait déjà en mars 2022, « The Economist ». Certes, depuis ,un accord entre Russes et Ukrainiens, sous l’égide de la Turquie et des nations Unies, a permis le départ de plusieurs navires marchands chargés de blé Ukrainien et de céréales Russe.

Avec cet accord, c’est Vladimir Poutine tire le mieux « son épingle du jeu »

Cet accord, signé le 22 juillet à Istanbul entre des représentants de la Russie, de l’Ukraine, de la Turquie et des Nations unies, permet la reprise des exportations ukrainiennes sous supervision internationale. Un accord similaire signé simultanément garantit également à Moscou l’exportation de ses produits agricoles et engrais, malgré les sanctions occidentales. Par le « donnant - donnant » Wladimir Poutine qui tient un missile dans une main et un accord dans l’autre sort vraiment gagnant de l’opération.

Y a-t-il réellement une pénurie de blé et la vingtaine de millions de tonnes débloqués d’Ukraine, plus celles de Russie, va-t-elle enrayer la faim dans le monde et permettre de faire baisser les prix ?

La guerre, avec sa cohorte de victimes et de destruction que fait la Russie de Poutine à l’Ukraine, n’explique pas tout et, contrairement à certaines idées reçues et entretenues par les spéculateurs des marchés boursiers, via les médias, il n’y a pas de pénuries de blé. On comprend mieux la part d’irrationnel quand on sait que les exploitations des deux pays, sont certes importantes mais ne représentent finalement qu’un peu moins de 30 % de la production mondiale. A l’évidence, c’est Vladimir Poutine qui tire le mieux les ficelles avec l’accord qui lui permet d’exporter ses céréales grâce à l’accord signé avec l’Ukraine... Il est passé maître dans l’art de la propagande et, comme tous les manipulateurs, il sait qu’il suffit de gérer soigneusement les perceptions « pour qu’elles deviennent réalité ».

Il a suffi que, via les médias pour le plus grand plaisir des spéculateurs Occidentaux, le président russe menace de limiter les exportations de blé russe et bloque celles de l’Ukraine, pour affoler les marchés, encourager ainsi la spéculation et faire exploser les prix pour les « pauvres consommateurs » qui n’ont pas d’autres choix qui s’y plier ou « crever de faim » …

Il faut bien avoir à l’esprit que le blé est une denrée précieuse, à la fois symbole et aliment. Le pain est un indicateur de stabilité, ou d’instabilité. Et là, c’est bien ce qui en fait un outil de propagande particulièrement important. Le véritable danger n’est pas qu’il y ait une pénurie mondiale, mais que la peur crée un climat de panique qui fasse grimper les prix et prive de nourriture ceux qui ont faim, parmi les populations les plus pauvres de la planète. Ces populations n’ayant d’autres choix que de d’émigrer vers l’Europe et finir parfois tragiquement en Méditerranée

Entre guerre de la Russie à l’Ukraine et spéculation, quels impacts en France ?

Avant la guerre en Ukraine, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les prix avaient parfois augmenté à raison de 40 % À l’origine de cette pénurie du blé, les mauvaises conditions météorologiques, en France et dans le monde.

Les problèmes aggravants créés par la Covid-19, auxquels s’ajoutent, la guerre de la Russie à l’Ukraine, sans compter des conflits régionaux, les mauvaises récoltes liées au climat devraient encore aggraver les tendances mondiales en matière de la faim et de la malnutrition. Certaines régions, comme l’Afrique de l’Est et Madagascar, connaissaient déjà la sécheresse et la famine en raison des défaillances du système agricole et des changements climatiques. Les hausses de prix devraient aggraver la situation… Mais cela n’empêche pas les spéculateurs de faire « beaucoup de blé »...

Avec le phénomène aggravant de la guerre de la Russie à l’Ukraine, des produits alimentaires devraient voir leur coût augmenter en France. Pourquoi ? quels produits sont concernés ? Pour quelle augmentation ?

Pour la farine 

Selon Dominique Anract, président de la confédération des boulangers pâtissiers la France aussi est un gros producteur de blé et devrait être momentanément à l’abri. 

« À première vue, donc, cela ne devrait pas nous impacter puisque l’Hexagone produit son blé pour sa population et exporte à l’étranger, nous ne sommes donc pas dépendants de l’Ukraine pour faire notre farine et notre pain par exemple ». Mais le problème, c'est que le cours du blé est mondial, il est établi à Chicago. Ainsi, si l'Ukraine et la Russie, qui en envoient beaucoup à l'étranger, devaient encore bloquer leurs exportations en ce moment, les pays en mal de blé vont se ruer sur les autres pays producteurs. Il y aura de la spéculation et les prix vont grimper. 

« La tonne est montée à près de 400 euros ces derniers jours, c’est du jamais-vu ! Le cours du blé n’a jamais été aussi élevé », ajoute Dominique Anract. Un déséquilibre mondial engendrerait, sur le long-terme, une forte hausse du prix de la farine.

« Pour l’instant, nous n’avons pas constaté de réel impact sur le prix de la farine, car les meuniers sont couverts en blé sur les trois à six prochains mois. Ils ont déjà fait leurs réserves de blé, qu’ils ont acheté à un prix raisonnable. Or, si on reste à 400 euros la tonne sur le long-terme, on pourrait observer une augmentation de la farine de 30% environ ! », indique t-il. Et de préciser : « Les répercussions pourraient donc plutôt se faire sentir, pour le consommateur, « à l’été, ou à la rentrée. Mais pas d’inquiétude, pour l’instant, il n’y a pas de pénurie  ! »

Par rapport au prix du pain

Selon Dominique Anract, il était encore tôt pour analyser les réelles retombées sur les boulangers et le prix du pain. Mais si la hausse du blé se répercute sur la farine, le pain devrait donc, logiquement, être impacté aussi. « Si la farine prend 30% d’augmentation, la baguette, quant à elle, ne va pas augmenter du même pourcentage. Elle pourrait tout de même grimper de 5 ou 10 centimes, ce qui reste achetable pour le consommateur », poursuit Dominique Anract. 

Mais l’augmentation du blé et de la farine n’est pas le principal facteur qui fait augmenter la baguette, puisque la farine ne représente « que 5% du coût global du pain » : la majeure partie du prix de la production de cet aliment se trouve dans les charges fixes des boulangers.

Dominique Anract souligne également également : « Le prix de l’énergie a bondi (gaz, électricité…) depuis le début de la crise ukrainienne, et les boulangers ont de gros besoins en énergie, avec leurs fours à gaz ou électriques et leurs charges d’eau, de loyer, leurs salariés à payer… Tout ça représente environ 20% de leur bilan. S’ils ne bougent pas leurs prix, ça va être compliqué pour eux ».

A propos de la viande, par exemple, du porc 

Et le blé n’est pas seulement nécessaire pour fabriquer de la farine et du pain : il permet de nourrir les animaux dans les exploitations agricoles, tout comme le colza, le maïs et le soja… E t pour faire pousser leurs cultures, les agriculteurs dit de l’agriculture conventionnelle utilisent des engrais, qui eux viennent d’Ukraine. 

 Mais, par exemple, pour Cédric Henri, président de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles) en Ille-et-Vilaine qui est lui-même est responsable d’une exploitation de volailles et de vaches laitières : « c’est surtout le coût de l’énergie qui a des répercussions sur le prix de la viande : le gaz russe, ainsi que le carburant, permettent de faire tourner nos tracteurs, de chauffer nos bâtiments… »ont finir par mettre la clé sous la porte s'ils ne sont pas aidés . Ainsi, on pourrait « très bientôt » voir le prix du jambon et autres pièces de viandes issues du porc grimper en flèche, « peut-être même de 30%, à terme ! »

Ce responsable de la FDSEA semble oublier qu’il existe des agriculteurs qui n’utilisent pas des engrais d’Ukraine, font des élevages avec de l’alimentation la plus naturelle possible sans OGM et réduire sa consommation de viande, c’est très bon pour la santé...

Concernant la volaille et les œufs 

Dans les exploitations de volaille où l’on produit des œufs, même constat. Cédric Henri, Président de la FDSEA 35 et agriculteur, affirme : « On a besoin de blé, de colza, de maïs, de soja pour nourrir les volailles. Ce sont des cultures qui nécessitent de l'entretien, avec des machines agricoles dont les prix grimpent. Le fuel pour les faire rouler nous revient très cher ! Et les poussins, quand ils naissent, ont besoin d’être dans un bâtiment chauffé pendant une semaine pour assurer leur bien-être, comme l’explique l’agriculteur. De fait, avec toutes ces charges qui s’accumulent, les producteurs ont du mal à se faire des marges. Et le produit fini augmente en supermarché, aussi bien le poulet que les œufs ». 

Mais faudrait-il encore ne pas faire des élevages intensifs Par ailleurs tous les animaux sont des êtres vivants et non de simples produits de consommation…

Autres produits, avec le lait et le beurre 

Toujours avec Cédric Henri Président de la FDSEA 35 et agriculteur, selon lui le lait, la crème de lait sont quant à eux moins impactés par la crise en Ukraine pour nourrir leurs vaches : «  Elles mangent de l’herbe, donc comme il n’y a pas de marché pour l’herbe, les agriculteurs ne voient pas de grosse différence sur leurs charges ». Toutefois il indique encore, en revanche, ils ont toujours besoin de carburants pour leurs tracteurs, et d'énergie en général, donc finalement, cela a des conséquences sur le prix de leurs produits ».

Le dérèglement climatique plus impactant que la guerre

A l’évidence, les conditions climatiques ne peuvent qu’avoir un impact plus conséquent sur la nourriture des animaux que la guerre fait par la Russie à l’Ukraine. Au-delà des drames humains et des destructions, on peut à tout moment arrêter la guerre. Par contre il en va autrement pour le dérèglement climatique… Cela pose aussi le choix de certaines cultures de céréales, dont le maïs dans certaines zones sèches qui nécessitent un arrosage intensif, ce qui est inacceptable !

Pour conclure

Nul doute que la guerre déclenchée de façon ignoble par la Russie en Ukraine a un premier impact sur les marchés pour le plus grand plaisir « des spéculateurs de tous poils ». Une autre question concerne la nature des sanctions occidentales et leur efficacité. Avec l’accord signé par la Russie et sous l’égide de la Turquie et des Nations unies a fait la démonstration que le manipulateur Vladimir Poutine réussit à contourner légalement des sanctions occidentales grâce au missile qu’il tient dans une main et un accord dans l’autre… Ce qui pose le problème de la nature des sanctions à l'égard de la Russie...


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