« L’Echange » de Paul Claudel « Live » au Théâtre Déjazet

par Theothea.com
mardi 23 janvier 2024

En choisissant la version originelle intégrale de 1894, le metteur en scène Carmelo Agnello a opté pour une création de 2h45 sans entracte qu’il a envisagée comme un Opéra pour quatuor à cordes autour de quatre personnages qui n’en formeraient qu’un seul intuitionné de l’imaginaire de Paul Claudel retranscrivant son choc du Nouveau Monde lors de sa première affectation consulaire à New York.

  

L’ECHANGE
© Matthieu Camille Colin

  

En effet, déjà tiraillé par des aspirations contradictoires persistantes, le jeune dramaturge se projette alors dans une confrontation de convictions, de ressentis et autres états d’âme auxquels il ne cherche guère à se soustraire si ce n’est en leur laissant le choix de la libre expression jusque dans l’exposé de leur conflit inéluctable mais authentique.

Voilà donc Marthe, la sage introvertie belle jusque dans son éthique incommensurable du respect de soi-même et des autres au point d’en constituer une valeur étalon d’appréciation universelle.

  

L’ECHANGE
© Matthieu Camille Colin

  

Paradoxalement en couple avec Louis Laine, l’aventurier opportuniste ne doutant de rien d’autre que, de seulement, ce qui pourrait venir ternir son image de Narcisse, l’Apollon et sa conquête partagent une même pauvreté bohème qui les a conduits à devenir les gardiens momentanés de la propriété résidentielle appartenant au grand bourgeois Thomas Pollock y vivant avec son épouse excentrique Lechy Elbernon.

Ces deux-là, à juste titre, ont l’esprit suffisamment large pour ne pas intervenir réciproquement dans le pré carré du partenaire en lui laissant l’entier discernement de ses propres intérêts et passions.

  

L’ECHANGE
© Matthieu Camille Colin

  

A elle nageant comme un poisson dans la voluptueuse fascination théâtrale des mœurs hollywoodiennes stéréotypées, à lui le business haut de gamme permettant, en gentleman, le survol de très haut des contingences financières.

Aisément adeptes d’un échangisme fortuit et spontané, l’une et l’autre vont se trouver en position de proposer à leurs obligés « serviteurs hôtes de genre similaire » d’aller voir en face si la libido n’y serait point davantage accueillante.

Ainsi bien armé de dollars convoitables, Thomas suggère-t-il à Louis de lui laisser la place vacante auprès de Marthe alors que Lechy, elle, entreprend de convaincre cette même proie féminine de laisser s’éloigner Louis afin que celui-ci puisse lui tomber, tout vif, au sein de ses propres bras.

  

L’ECHANGE
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Bien évidemment, ce manège argumenté en séduction respective télécommandée va déraper dans les grandes largeurs forcément prévisibles de par la manipulation insupportable des égos orgueilleux et farouches ainsi contrariés.

Et c’est donc Claudel, lui-même, qui pourra ramasser la mise des atteintes à la morale bafouée et, de facto, réhabiliter l’échelle des valeurs mises en perspective de par cette confrontation dialectique démonstrative… placée sous le signe du déni ostentatoire.

Au final, c’est Thomas et Pauline qui pourront se serrer une main solidaire et conviviale puisqu’à leur insu, ils auront pu expérimenter leurs convictions fondatrices jusqu’au point ultime où le balancier du bon sens leur aura ouvert tout grands les yeux sur la vanité consubstantielle à l’espèce humaine.

  

L’ECHANGE
© Theothea.com

  

Au centre du décor symboliquement dépouillé, un casting de choc est rassemblé sur le plateau du Théâtre Déjazet plus que jamais vintage... en ces circonstances réflexives :

Voici Pauline Cheviller et Sébastien Depommier déjà réunis en 2020, pour le meilleur, par Charles Berling dans son spectacle « Vivre sa vie » d’après Jean-Luc Godard.

Et face à eux, Gvantsa Lobjanidze native d’une grande famille d’artistes d’origine Géorgienne et François Marais ayant fondé par passion théâtrale, à l’aube de sa retraite professionnelle, la production « L’illustre Paveur ».

  

L’ECHANGE
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Cette dernière permet, en l’occurrence, à Carmelo Agnello de pouvoir mettre en scène à sa main, selon un souhait récurrent, cette magnifique et puissante réalisation de spectacle vivant autorisant, à son tour, Jean Bouquin, cultissime directeur du Théâtre Déjazet, à confirmer en guise de débriefing des spectateurs admiratifs par tant de talents réunis :

« Oui, Paul Claudel est présent parmi nous ! »

 
photos 1 à 3 © Matthieu Camille Colin
photos 4 à 7 © Theothea.com
  
L'ECHANGE - **** Theothea.com - de Paul Claudel - mise en scène Carmelo Agnello - avec Pauline Cheviller, Sébastien Depommier, Gvantsa Lobjanidze & François Marais - Théâtre Déjazet
   

  

L’ECHANGE
© Theothea.com

 


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