Retour sur « May December » vu fin janvier 2024

par Vincent Delaury
mercredi 31 janvier 2024

Présenté en compétition lors du dernier festival de Cannes (dont il est reparti bredouille), May December, le dixième film de Todd Haynes, bien connu pour ses mélos féminins sirupeux et renversants inspirés de Douglas Sirk (Loin du paradis, 2002, Carol, 2015), son affiche française semblant quant à elle reproduire celles de certains mélodrames signés Pedro Almodóvar, tel Parle avec elle, s’inspire d’une histoire vraie, celle d’une professeur de mathématiques américaine, Mary Kay Letourneau (1962-2020, morte à l’âge de 58 ans d’un cancer), qui avait été emprisonnée de 1997 à 2004 pour avoir eu des relations sexuelles avec Vili Fualaau, l’un de ses élèves, américano-coréen, alors plus jeune de vingt-trois ans (âgé tout juste de 12 ans) : cette histoire avait fait scandale aux États-Unis, occupant, au tournant des années 2000, la une de la presse people, à savoir des tabloïds, relation transgressive ayant fait couler beaucoup d’encre en raison du détournement de mineur – difficile alors, face à cet acte de prédation d’un adulte sur un jeune adolescent, de ne pas avoir en mémoire la fameuse phrase légitime d’Albert Camus, « Un homme, ça s’empêche », et il en est donc de même pour une femme - et de l’importante différence d’âge entre les deux amants.

D’ailleurs, le titre du film (©photos V. D.), programmatique, annonce d’emblée la couleur, même si un brin mystérieux pour nous, les Français, il se réfère en fait à un terme anglo-saxon, May December, qui désigne une relation entre deux personnes ayant une grande différence d’âge : ainsi, l’âge de la personne la plus jeune est assimilé au mois de mai, au beau milieu du printemps, tandis que celui de la personne la plus âgée est assimilé au dernier mois de l’année, autrement dit décembre, celui-ci voyant pointer l’hiver.

Julianne Moore et Natalie Portman dans « May December » (2023, Todd Haynes)

Vingt années après le crime commis (d'après donc un fait authentique : l’enseignante fut inculpée de viol en 1997 sur cet élève de 12 ans), l’on apprend que, pour préparer son nouveau rôle, une actrice célèbre, Elizabeth Berry (Natalie Portman), vient rencontrer en Géorgie, au sein du couple controversé vivant désormais apparemment tranquillement, même s’il reçoit encore des colis anonymes vengeurs remplis d’étrons !, sous le soleil oblique de Savannah, la plus vieille ville de cet État située en bord de mer, celle qu’elle va incarner à l’écran, une certaine Gracie Atherton-Yoo (Julianne Moore), qui a épousé l’Américano-Coréen Joe Yoo et dont la vie sentimentale a enflammé la presse à potins et passionné le pays deux décennies plus tôt. Avec un budget tout de même confortable de 20 millions de dollars, pour vingt-trois jours de tournage, et en s’adjoignant les services de deux stars de cinéma de calibre international, Natalie Portman (Léon, Heat, Star Wars, Deux sœurs pour un roi, Black Swan, V pour Vendetta, Jackie) et Julianne Moore (Le Monde perdu : Jurassic Park, Safe, Boogie Nights, Psycho, Hannibal, Magnolia, Loin du paradis, The Hours, Maps to the Stars, Les Fils de l’homme), une brune et une blonde (à chacun sa préférence !), Todd Haynes, ce passionné d’arts visuels depuis l’enfance qui a connu en mai dernier une grande rétrospective de son œuvre filmique au Centre Pompidou-Paris, entend explorer une caractéristique de l’espèce humaine : « son impressionnante capacité à ne jamais se regarder en face. »

Le film, du genre piège psychique labyrinthique (la caméra-microscope du metteur en scène peut même s’y faire miroir sans tain), est troublant, sans être convaincant sur toute la ligne, comme s’il lui manquait un je-ne-sais-quoi et presque rien, peut-être un supplément d’âme ou quelque chose de plus incarné, pour se rendre plus accrocheur, voire inoubliable (du 4 sur 5 pour moi). May December, dans un temps un peu mou pour le cinéma en termes de fréquentation, occupe au box-office français, pour sa première semaine d’exploitation, du 24 au 28 janvier inclus (source : Écran total), seulement la troisième place, avec 96 676 entrées pour 207 écrans, derrière Un coup de dés (182 836) et Pauvres Créatures (102 116) et, pour ma part, j’ai observé une poignée de personnes sortir de la salle, à l’UGC Ciné Cité Les Halles (Paris), lorsque je l’ai vu car son rythme diffus, comme ralenti par la moiteur légendaire du vieux Sud façon Tennessee Williams, peut entraîner qu’on trouve le temps (très/trop) long.

Rétrospective Todd Haynes à Beaubourg, Paris, du 10 au 29 mai 2023

Une maison-refuge en bord de mer loin du paradis

« Loin du paradis », 2002, de Todd Haynes

Tout d’abord, en situant l’action une vingtaine d’années après le début de cet amour interdit poisseux entre Gracie et Joe, qui ont maintenant trois enfants, bientôt diplômés, et un labrador, Todd Haynes (63 ans), qui aime ces histoires d’amour impossible, ayant pour cause l’homosexualité ou le racisme, le genre ou l’identité, ou bien ces récits inspirés d’histoires vraies (que l’on se souvienne de Loin du Paradis montrant dans l’Amérique technicolor corsetée des années 1950 une femme rangée découvrant que son mari est gay tout en tombant amoureuse de son jardinier noir, de Carol, basé sur le roman semi-autobiographique The Price of Salt de Patricia Highsmith paru en 1952, dévoilant, à travers un jeu de regards puissamment émouvant, celui d’une jeune vendeuse naïve pour une élégante bourgeoise d’âge mûr, femme mariée en instance de divorce ou encore de Dark Waters (2019), percutant film de procès traitant, via une approche quasi-documentaire (long inspiré d’un article de Nathaniel Rich paru dans The New York Times Magazine), de l'histoire vraie de l'avocat Robert Bilott qui a dénoncé les pratiques toxiques de l'entreprise chimique DuPont), s’intéresse moins, de toute évidence, au fait divers en soi, on dirait même qu’il s’en fiche un peu (on n’est pas par exemple dans le poignant Mourir d’aimer, 1971, avec Annie Girardot, ni même dans Noce blanche, 1989, de Jean-Claude Brisseau, réunissant Vanessa Paradis et Bruno Cremer), point de voyeurisme chez lui ou de jugement moral qui lui donnerait une position dominante de surplomb ; il ne s’autorise même pas les flashbacks attendus : on n’y voit pas, par exemple, la première scène de sexe entre Gracie et Joe dans l’animalerie où travaillait alors la fautive, sauf à travers le filtre distancié d’une scène jouée, et répétée (séquence finale), pour le cinéma, qui avait défrayé en son temps la chronique aux States.

Haynes, manifestement, préfère davantage, en se faisant ici moins journaliste que filmeur arty (ses images cotonneuses avec une patine seventies, comme nimbées en continu d’un halo de lumière, sont superbes !), s’aventurer du côté d’une interrogation sur la normalité et la vérité – qui, au fond, la détient vraiment ? – et d’un fort désir de faire, avec une pléiade assez fascinante de jeux de miroirs, de non-dits et de faux-semblants distillés tout au long de son film mille-feuille lorgnant du côté de la métaphore de la chrysalide du papillon (le brave et taciturne Joe a pour passe-temps d’élever des chenilles en cage jusqu’à leur métamorphose puis de donner leur liberté aux papillons monarques) et de Persona (1966) de Bergman, long-métrage difficile à appréhender (cet aspect nébuleux fait sa force), une fable sur Hollywood, réflexion à la fois édifiante et amusée sur les mirages de l’industrie cinématographique ainsi que sur sa nature vampirique : se fondre dans un personnage, ce que fait la serpentine et soyeuse actrice Elizabeth (Portman, dans l’un de ses meilleurs rôles, ouf, elle n’est pas qu’une Miss Dior ou la girlfriend de Thor chez Marvel !), jusqu’où ? Jusqu’ici tout va bien car ce n’est que du cinéma ?

Todd Haynes sur le tournage de « May December »

Un mot, justement, du réalisateur vient éclairer cette piste choisie pour approcher cette histoire sulfureuse, dans L’Obs #3094 (janv. 2024, p. 64, propos recueillis par François Forestier) : « Dans mes films, je ne fournis pas de situations clés en main. Les personnages ne sont pas héroïques, les conflits ne se résolvent pas proprement. En allant au cinéma, nous voulons être soulagés de nos propres vies, mais mes films ne procurent pas ce soulagement. Les histoires les plus banales deviennent ainsi inquiétantes. Mon sujet, c’est la déstabilisation. (…) Dans May December, la caméra essaie de dénicher et de dénoncer ce qu’on croit être la vérité à l’image. Elizabeth pense qu’en observant Gracie, elle va saisir la réalité du personnage. Finalement, elle va devoir se demander : qu’est-ce que la vérité ? Et quel est son prix ? La vérité, souvent, est une arme de pouvoir et de domination. Celui qui pense la détenir a une voix déterminante, parfois arrogante. L’Histoire est écrite par les puissants. » Très juste.

L’american way of life torpillée de l’intérieur

Une photographie de Gregory Crewdson, issue de « Eveningside », série photographique de 2012-2022, galerie Templon, Paris,

Tout compte fait, cette Gracie/Moore, qui semble répondre, le temps passant, à la norme de l’« american way of life » (sa seule inquiétude majeure, ou angoisse, étant de manquer de hot-dogs lors de la fête d’indépendance du 4 juillet qu’elle organise généreusement, pour faire bonne figure, dans sa belle demeure avec vue sur mer ou d’apprendre, alors qu’elle s’est reconvertie avec le temps dans la pâtisserie, qu’on vient d’annuler une commande de l’un de ses gouteux gâteaux maison à l’ananas !), Todd Haynes ne la juge pas de trop. C'est juste une bourgeoise, par moments certes dominatrice parce que trop maternante avec son époux-trophée, l’adulescent Joe (semblant toujours influençable, excellent Charles Melton s’avérant lui aussi, avec ses épaules rentrées et son air de chien battu, assez opaque) : on la voit juste évoluer, dans sa belle villa, passant son temps à arranger des fleurs ou à cuisiner. Et, dans sa placidité apparente, on pourrait vraiment la croire tout droit sortie d’une toile apparemment paisible d’Edward Hopper ou d’une image lisse proprette signée par le photographe américain contemporain Gregory Crewdson, imagier virtuose en chausse-trapes, sous influence de Freud, pour cacher sous la surface des roses, ou derrière la devanture d’appartements ou magasins-aquariums, des zones d’ombre, notamment lorsqu’il représente l’âge troublé de l’adolescence.

Certes, depuis leur histoire scandaleuse médiatisée ad nauseam, Gracie et Joe se sont mariés et mènent une vie de famille apparemment heureuse. Pour autant, avec les postures crispées de cette femme de la cinquantaine et les doutes récurrents de son jeune mari désormais trentenaire (36 ans) sur leur relation (« Est-ce que nous nous aimons autant que nous le disons ? », finit-il par lui demander dans l’intimité de l’espace-bulle de leur chambre à coucher), l’on sent bien que des choses pas très claires s'y trament, à savoir des zones grises : il y a anguille sous roche et des histoires - une mise en abyme de la vérité et du cinéma comme machine à fantasmes - dans l’histoire officielle.

Je(u) de miroirs : Natalie Portman et Julianne Moore dans « May December »

D’ailleurs, dans ses propos au sujet du film (in la plaquette gratuite sur May December distribuée par l’Association française des Cinémas Art & Essai, reprenant un entretien, Je voulais raconter cette histoire au passé, avec Todd Haynes pour Positif n°755 de janvier 2024), le réalisateur, fin limier, observant ses actrices comme un naturaliste avec des insectes, précise, avec un brin de malice : « En effet, je le vois comme un conte de fées sombre et tordu. Quand je l’ai lu pour la première fois, j’ai eu envie de rester extérieur à l’histoire vraie de Mary Kay Letourneau. (…) D’instinct, Julianne Moore avait compris tout ce qu’il y avait dans cette relation. Ce n’était pas l’histoire d’une femme mûre qui fantasmait sur les jeunes. Ce n’était pas une histoire de pédophilie. C’était l’histoire d’une princesse qui allait être sauvée par un beau, viril et jeune chevalier. Et elle pourrait jouer le rôle de la princesse. C’est ainsi qu’ils pourraient être dans le déni de cette différence d’âge et que lui pourrait être dans un mythe qui le mettait en valeur », ajoutant, avec perspicacité dans le Trois Couleurs gratuit, #203 (magazine mk2, hiver 2023-2024, p. 48), toujours en allant dans le même sens : « Gracie s’est créé une sorte de fantasme dans lequel l’adolescent est le sauveur, le guerrier qui vient la délivrer du château domestique dans lequel elle vit. Elle et Joe ont imaginé que c’était lui qui possédait le pouvoir dans la relation. C’est un moyen pour les deux de nier la différence d’âge. C’est leur mythe. Leur déni, leur refus d’analyser les choix qu’ils ont faits cause des dégâts des années après. Parfois, l’art tend un miroir et vous force à vous regarder – c’est ce qui se passe dans le film lorsque Elizabeth, une actrice, s’insère dans leur quotidien. »

Aborder les zones grises d’un personnage sans morale : Natalie Portman dans « May December »

Un film de vampiresses avec comme cerise sur le gâteau Michel Legrand

Ainsi, si j’ai grosso modo aimé ce film May December, en dépit de sa symbolique un poil lourdingue (le coup des papillons monarques - pour rappeler que la chenille se transforme en papillon, ainsi en est-il de la métaphore de la mue du papillon pour décrire l’adulescent Joe voulant s’extraire de sa prison dorée -, passe encore mais bon, le miroir répété comme motif ad libitum afin de symboliser la dualité et les multiples facettes de la personnalité des deux « héroïnes », la chasse (une renarde regardée dans les yeux) pour définir la prédatrice Gracie ou encore le serpent, dans les mains de la superbe Elizabeth, comme incitation à la luxure, c’est tout même un peu téléphoné), c'est essentiellement pour deux choses.

Qui tient l’autre par la barbichette ? Natalie Portman et Julianne Moore dans « May December »

D’une part, le jeu trouble, entre l’actrice arriviste, au charme vipérin vénéneux (grain de sable perturbateur), Elizabeth/Portman (notamment lorsqu’elle simule un plaisir érotique, avant de pouffer de rire, dans l’échoppe pleine de chiens, oiseaux et reptiles, lieu clos où le couple vilipendé avait été surpris par la police en plein acte, ou quand elle lit, face caméra devenant… miroir, la lettre d’amour de Gracie à son jeune amant, séquence inspirée des Communiants) et son modèle déviant Gracie/Moore, est vraiment prenant ; il s'agit tout bonnement d'un duo d’actrices, entre folie, perversion et cruauté, au sommet de leur art ! Même si Natalie Portman frôle le surjeu par instants. L’ensemble orchestré pat Todd Haynes, tel un diamant noir, est bien des fois fascinant car s’effectuant, genre jeu de dupes et de jalousies, sur fond de rivalité mimétique. C’est Jean-François Rauger qui, dans sa critique du film dans Le Monde n°24590, janvier 2024 (p. 21), parle avec pertinence de ce concept forgé par l’anthropologue français René Girard insinuant que, par mimétisme, notamment dans la sphère artistique mais pas seulement, on se met soudain à désirer le désir de l’autre, je n’en dirai pas plus mais – alerte spoiler – il se pourrait bien qu’Elizabeth finisse par coucher avec l’objet de désir, désormais adulte, qu’est Joe pour Gracie - qui, in fine, manipule qui ? Et qui tire les ficelles de cette grande opération de séduction des masses, et soft power, qu’est le miroir aux alouettes du cinéma en tant que tel ? Même si c’est un mensonge (revendiqué) nous faisant comprendre ici la vérité possible… d’un fait divers.

Brillamment, la scénariste californienne de May December, Samy Burch, dans Première #548, février 2024, La femme de l’ombre, p. 59), nous offre une clé de lecture assez enthousiasmante : « La toute première inspiration est née du fait divers. J’ai grandi dans l’Amérique des tabloïds, dans une décennie culturellement structurée par des scandales comme O.J. Simpson ou l’affaire Lewinsky. J’ai voulu creuser à partir de là, et assez rapidement l’idée est venue d’y intégrer un personnage d’actrice servant à la fois observatrice et de force de manipulation. (…) C’est tout ce qui m’intéresse chez elle : elle peut être beaucoup de choses à la fois parce qu’elle joue tout le temps. Elle performe la normalité, feint une forme d’égalité, voire de complicité avec ses modèles et en même temps se comporte comme le pire des vampires. » Et, pour elle, chez ces monstres étranges que sont les stars, qu’est-ce qui prédomine ? « La convoitise. Il y a à Hollywood une énergie ambiante de désir, d’avidité, d’espoir. C’est une énergie sinistre. » Voilà qui est dit ! 

Portrait de Michel Legrand, ©polaroid V. D., dans Paris, le 13 février 2011

D’autre part, l’usage immodéré dans May December d’un morceau culte du grand compositeur français de musiques de films Michel Legrand (1932-2019, n’ayant pas œuvré que pour les films chantés de Jacques Demy !), qu’il a composé en 1971 pour le film de Joseph Losey Le Messager (The Go-Between, avec Julie Christie, Palme d’or en 1971), s’il surprend fortement au départ (eh oui, c’est également la musique du générique de l’émission TV culte de faits divers Faites entrer l’accusé !), s’avère, à l’arrivée, avec son air obsédant, tour à tour troublant (presque même malaisant), façon inquiétante étrangeté, et ironique (ainsi, parodiant sitcom ou soap opera, quel humour a eu Todd Haynes de le placer quand, horrifiée, Gracie découvre qu’elle manque de saucisses pour son barbecue en ouvrant la porte de son frigo !), des plus pénétrants.

On repart non seulement du film, certes inégal, en chantonnant non-stop cette mélodie inoubliable, constituée tout juste de quatre notes sur fond d’orchestration lancinante laissant présager du pire (le score, non sans rappeler John Barry, a été réarrangé avec brio par le pianiste et compositeur brésilien Marcelo Zarvos, les droits de la bande originale étant trop chers), mais l’on se dit aussi que ce film hollywoodien au casting cinq étoiles ne réunit pas deux stars mais en fait trois : certes le tandem miroitant Julianne Moore/Natalie Portman, ces deux comédiennes plurielles en leur miroir, au fort capital glamour, ne faisant plus qu’une par moments, mais surtout Michel Legrand, l’entremetteur en loucedé de l’émotion sentimentale dans May December, les notes de ce génial pulvérisateur de frontières, diffusant longtemps sa poésie sonore après sa disparition, vous claquent dans la gueule dès le générique - aussi, je laisse volontiers le mot de la fin à ce maestro : « De mon point de vue, précisait-il à Stéphane Lerouge dans l’anthologie en coffret CD, chez Universal Music, lui étant consacrée, La musique au pluriel, 2012), un compositeur pour l’image doit être comme une plaque photographique sensible. Il lui faut impérativement adhérer au contenu du projet, en devenir un élément de l’intérieur, visible ou invisible. Je conçois la musique de film comme une manière de parler à l’inconscient du spectateur, de faire remonter à la surface de l’image des sentiments enfouis, cachés.  » C’est exactement ça, touches de piano et turpitudes psychologiques étant parfaitement à l’unisson, ou a contrario en désaccord, ici. Alors, cher Michel le Grand, merci infiniment pour la séquence émotion, cachée puis explosive, nourrissant magistralement ce mélodrame et thriller psychologique qu'est May December. Vous êtes assurément le meilleur du film !    

May December (2023 – 1h57). États-Unis. Couleur. De Todd Haynes. Scénario : Samy Burch (d’après une idée originale d’Alex Mechanik). Musique : Marcelo Zarvos (d’après la musique de Michel Legrand pour Le Messager de Joseph Losey). Avec Natalie Portman, Julianne Moore, Charles Melton, Cory Michael Smith, Elizabeth Yu, Gabriel Chung, Piper Curda, D. W. Moffett, Lawrence Arancio. En salles depuis le 24 janvier 2024.


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