Le pavillon du chemineux

par C’est Nabum
samedi 8 avril 2023

Le mal du pèlerin

Qui n'a jamais entrepris le grand voyage sacré, ne peut savoir combien il est essentiel de bien choisir ses chaussures tout aussi bien que ses chaussettes tout en prenant grand cas de l'hygiène de ses arpions. Toute négligence en ce domaine fera surgir inopinément une ampoule qui loin d'éclairer votre parcours transformera votre périple en chemin de croix.

Certains poussent même le martyr en adjoignant ce maudit œil de perdrix qui loin de vous donner des ailes, vous procure un mal de chien même si l'humain n'est qu'un bipède pour aller de l'avant. Tous les apothicaires et autres tenant de la pharmacopée ont pensé qu'il y avait là une clientèle de choix, non pas pour leur passer de la pommade dans le dos mais plus efficacement pour leur panser la voûte plantaire.

Le baume du pèlerin appartient à la trousse de première nécessité et néanmoins incontournable du randonneur au long cours. Il complète avantageusement les remèdes et les recettes de grand-mère dont je citerai pour votre édification deux conseils qu'il convient de suivre à la lettre durant le périple. En tout premier lieu, dormir en glissant vos chaussures à l'envers sous votre couche et adjoindre dans votre sac de couchage un savon de Marseille.

Je ne sais l'efficacité de ces deux conseils même si accessoirement le susdit savon peut vous permettre de vous laver les pieds, mesure somme toute assez utile à votre désir d'aller plus loin sans encombre. Mais tout ceci m'éloigne quelque peu du pourquoi de ce texte qui ne conduit nulle part à moins que vous ne vouliez vous rendre à Compostelle.

Tout ceci pour parvenir après quelques circonlocutions d'usage à l'objet de ce billet qui se fera tirer l'oreille. La crème miracle portant le titre évocateur de Baume du Pèlerin propose un autre usage que soulager les pieds du marcheur. La circonspection touche alors l'usager dubitatif qui découvre sur le mode d'emploi que l'onguent en question peut tout aussi bien s'étaler avec bénéfice derrière le lobe de l'oreille.

Un esprit retors comme celui de votre serviteur ne cherche pas à savoir comment agit le produit miracle mais plus sûrement quel est le rapport entre le pèlerinage et l'arrière du lobe de l'oreille. Les voix du seigneur ne sont certes pas en cause dans ce trouble surprenant qui peut affecter celui qui marche au nom de sa foi, mais alors pourquoi cette localisation surprenante ?

Faut-il considérer alors le peu d'entrain des fidèles qui épuisés par la terrible épreuve, doivent se faire tirer l'oreille pour poursuivre leur pérégrination ? Ce serait faire preuve d'une mauvaise foi de mécréant alors que ceux qui sont portés par leur conviction sont capables de soulever des montagnes. L'hypothèse tombe à plat.

Le pèlerin dort à la belle étoile ou dans des refuges de fortune. Il fait fi durant son long périple de son confort habituel, renonçant à la quiétude d'un pavillon, d'un gîte dans une maison individuelle. Mais l'homophonie n'est ici qu'une piste fortuite y compris pour les malentendants qui entreprennent le voyage pour espérer un miracle.

Poussant mes investigations plus loin, je découvre que chaque basilique dispose d'un pavillon basilical, communément appelé parasol ou ombrellino pontifical pour symboliser le lien privilégié que ce lieu de culte entretient avec la papauté et donc de sa communion avec l’évêque de Rome. Voilà sans doute un pavillon dont il convient de graisser parfois la patte.

Enfin, on appelle encore « pavillon », et par analogie à la tente, l’étoffe recouvrant le tabernacle qui porte aussi le nom de Conopée. Pour l'Eucharistie, il importait peut-être de mettre la crème sur l'Hostie pour la rendre plus digeste au marcheur. Voilà que je blasphème à la recherche de la vérité. Que dieu me pardonne.

À contre-pied


Lire l'article complet, et les commentaires