Quand la gauche cherchait un père...

par Paul ORIOL
vendredi 10 mai 2024

Remplacer l'analyse concrète d'une situation concrète par la recherche d'un père, d'un maître à penser est une propension étonnante des intellectuels et des partis de la gauche qui se disaient hier authentiques, révolutionnaires, d’extrême gauche ou de la gauche de gauche comme on dit aujourd'hui. C'est ainsi qu'elle a adopté, successivement, quelquefois simultanément, mais jamais dans l’unité car il y a plusieurs demeures dans la maison du père, Lénine, Staline, Trotski, Mao, Castro, Guevara… pour ne citer que les plus illustres.

Malheureusement, après un long culte sans discernement, les thuriféraires ont bien dû se rendre à l’évidence proclamée depuis longtemps par les contre-révolutionnaires, suppôts du capitalisme, que les maîtres, au pouvoir, avaient ou avaient eu beaucoup d’esclaves et fait beaucoup de victimes… Et les seigneurs exotiques, même si leur combat contre l’impérialisme ou le colonialisme était juste, ont dû être abandonnés le plus souvent parce que, arrivés au pouvoir, ils avaient mal tourné…

Quant aux intellectuels de la gauche extrême, après leur crise de juvénile rougeole, nombreux sont ceux qui se sont retrouvés ou se retrouvent, en France, dans des postes importants du monde littéraire, politique, culturel… Brillants, aujourd’hui comme hier, soutenant aujourd’hui ce et ceux qu’ils pourfendaient ou méprisaient hier, apparemment avec la même force, la même compétence et la même conviction.

L’extrême gauche n’a pas été gênée par les crimes des pères. La gauche domestique, dite de gouvernement, au pouvoir en France a été directement sanglante, il ne faut pas oublier l’Indochine, Madagascar, l’Algérie et quelques expéditions ou soutiens militaires discutables ici ou là… Elle n’a guère brillé aussi bien dans la décolonisation qu’en politique intérieure. Que ce soit François Mitterrand, exemplaire sur ces deux tableaux, comme garde des Sceaux pendant la guerre d’Algérie ou comme président de la République, changer la vie, disait-il, avant de changer de politique, Lionel Jospin, peut-être le moins pire mais champion des dénationalisations ou François Hollande, rapidement civilisé par son ennemi, la finance…

Comment après tout cela, peut-on encore se dire ou voter communiste ou socialiste ?
Pourtant, je l’ai fait, au moins au second tour de toutes les élections. Toujours avec l’espoir que, cette fois, ici, ce serait différent.

Ici ou ailleurs, que la gauche était belle quand elle était dans l’opposition !

Aujourd’hui, il n’y a pas d’ici, il n’y a pas d’ailleurs de gauche ! Elle n’est pas belle, même dans l’opposition !

NB 1 : Article écrit avant le 18 décembre 2018 et non publié.
NB 2 : Après l'écriture de cet article, certains se sont tournés vers Evo Morales. Aujourd'hui, le Panthéon semble fermé pour réparation.

Ce projet d'article n'a jamais été diffusé. Pourquoi ? Parce qu'il ne me satisfaisait pas ? Parce que ce n'était pas encor l'heure du bilan ?
Dans la même période...
J'avais commencé "ce que je pense..." Mais ne suis pas allé jusqu'au bout..

CE QUE JE PENSE...

Dans L'Espoir d'André Malraux, deux personnages discutent et leur conclusion est : je suis de gauche parce que je suis de gauche !

Je suis de gauche mais me trouve de plus en plus mal à l'aise avec des gens qui se disent de gauche. Depuis quelque temps, ce désaccord me pèse. Heureusement, j'ai décidé de ne plus militer. Mais je me sens inutile.

Dans ma vie, j'ai toujours voté pour la gauche, même avant d'avoir de droit de vote : j'ai porté la contradiction en réunion publique au MRP en faveur de Front Républicain, à Carcassonne en 1956. Avec une exception, je me suis laissé aller à voter Chirac lors du second tour de l'élection présidentielle Chirac-Le Pen.
Quand j'ai voté pour la gauche, une fois élus, les candidats n'ont pas tenu leurs promesses (le Front Républicain, François Mitterrand, François Hollande). Souvent, ces candidats, élus ou non, avaient du sang sur les mains (Guy Mollet et François Mitterrand en Algérie) ou étaient complices solidaires ou silencieux de crimes (Communistes).

Je ne suis pas indemne : j’ai voté pour eux, en sachant, pour éviter le pire ici... Je me souviens d'un dialogue avec un étudiant : on ne peut pas être contre le Parti qui défend les ouvriers... Il ne fallait pas désespérer Billancourt et, aujourd’hui, les quartiers...
Ce qui reste de Billancourt et les quartiers ne sont même plus désespérés par la gauche. Ils sont ailleurs...

J'ai milité aux cotés de gens qui, à mes yeux, nient la réalité. Je n'ai pas eu le courage de les contredire. Je ne me sentais pas assez équipé pour leur faire face de façon intelligente. Je me suis contenté de militer pratiquement sur des points que j'approuvais et j'ai, quelques fois, démissionné.

Enfin, bien souvent, nos maîtres à penser se sont mentis ou nous ont menti. Nous les avons crus. Nous les avons suivis. Plus ou moins. Il faut voir avec quelle facilité, nombre de ces penseurs ont couru, suivant la période, derrière Staline, Mao, Castro, Chavès. Ils étaient révolutionnaires, sans la vérité.

Déceptions et mensonges accumulés font qu'aujourd'hui, c'est la droite et l'extrême droite qui apparaissent plus proches de la réalité et entraînent vers des lendemains qui risquent d'être très douloureux.

Comme Simone de Beauvoir, Nous avons été floués ! Certains, qui viennent après nous, risquent de le payer cher.

Aujourd'hui, j'ai décidé de faire le point, sans censure, pour ma tranquillité d'esprit.

Dans Le Premier homme, Albert Camus : En somme je vais parler de ceux que j’aimais. Et de cela seulement. Joie profonde. Pour ma part, je vais essayer de parler de CE que je pense. Même si cela me sépare de ceux que je voulais aimer. Tristesse profonde.

Serai-je capable d'y arriver ? Et à quoi bon un tel exercice ? Mais aussi, inégalités croissantes entre les pays et dans chacun des pays.

Pour la première fois, semble-t-il, les hommes savent où leur comportement les conduit. Ils continuent comme s'ils ne croyaient pas à ce qu'ils annoncent. Une fois de plus, ils se mentent, ils nous mentent ?
Vogue la galère et ses galériens. 19/12/18 (?)

Je voulais changer le monde. Au moins participer, aider au changement. Le monde a changé. Devenu plus injuste. La voie qui paraissait toute droite, semble tourner en rond. Se peut-il que l’histoire, au lieu d'avoir un sens, comme je le croyais très naïvement, et j'étais dans le bon sens, se peut-il qu'elle ne soit faite que de saisons éternellement renouvelées ? Ou d'une spirale qui, la science aidant, aspire le monde vers les sommets du pire ? Après les massacres du vingtième siècle que réserve le vingt-et-unième ?

Personnellement, j'ai l'impression d'appartenir non aux 1% des favorisés de la planète mais au aux 0,000... 1% des privilégiés de l’histoire de l'humanité : je suis passé entre les guerres, trop jeune pendant la seconde (la deuxième ?) guerre mondiale, sursitaire pendant la guerre d'Algérie qui est restée théorique et j'étais du bon coté de l'Histoire, je n'ai pas connu la misère même si mes parents ont pu en souffrir, j'ai profité de ce que l'on n'appelait peut-être pas encore l'ascenseur social qui me paraissait tout naturel, je n'ai pas eu, à ce jour, de maladie grave. Quant à l'argent, j'en ai eu trop ou pas assez pour qu'il me pose problème...

Je vois le monde continuer à s'agiter comme si rien n'avait changé. Devant les deux catastrophes que tout le monde semble annoncer : La maison brûle et nous regardons ailleurs. Dérèglement climatique et épuisement des ressources certes. Mais aussi, inégalités croissantes entre les pays et dans chacun des pays.

Pour la première fois, semble-t-il, les hommes savent où leur comportement les conduit. Ils continuent comme s'ils ne croyaient pas à ce qu'ils annoncent. Une fois de plus, ils se mentent, ils nous mentent ?
Vogue la galère et ses galériens. 19/12/18 (?)


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