De la muraille à la maille

par C’est Nabum
mardi 1er août 2023

 

La petite corne.

 

Faut-il être un fieffé imbécile pour se lancer dans le récit de la fabuleuse histoire du cornichon ? Comme je suis de cette espèce, je m'attelle de ce pas, à la rédaction d'un traité aigre doux sur ce cucurbitacée qui durant mon enfance constitua - oserai-je vous l'avouer ? - ma gourmandise au sortir de l'école ?

Nino Ferrer en 1966 avait mis sur le devant de la scène ce petit délice qui accompagne encore mes gourmandises, dussé-je un jour me faire psychanalyser pour saisir les arcanes de cette curieuse pratique. C'était le temps où dans les familles le rituel de la préparation des conserves occupait une bonne partie de l'été. Le cornichon constituait l'attraction du début des vacances avec le plaisir de le tasser pour qu'avec ses compères, ils tiennent serrer comme des sardines en compagnie des petits oignons blancs, des grains de coriandre et l'incontournable estragon. Le vinaigre blanc venant noyer ce savant empilage.

Je garde encore en mémoire le goût de ces gros cornichons que je dérobais au sortir de la classe afin de les laisser fondre dans ma bouche, me délectant de l'acidité du vinaigre parfumé pour finir par croquer celui qui n'avait plus rien à m'offrir. Est-ce là que l'acidité de mes propos trouve son origine, je laisse le soin aux futurs biographes du personnage, de trancher la question.

Le bocal de cornichons naturellement de sortie lorsque nous sortions les inoubliables productions charcutières de monsieur Labbe, un artisan de talent qui avait plus d'un tour de cochon dans sa besace. C'était un régal ponctué de ces petits légumes élevés au rang de condiments royaux par la grâce du roi Louis XIV.

Mais revenons aux origines de cette grande épopée légumière qui s'est moquée du temps et de la distance pour achever sa course dans mon palais. Le cornichon aurait été créé il y a plus de 2 500 ans à partir d'une sélection génétique du concombre afin de nourrir les constructeurs de la muraille de Chine. Le gigantisme de cette construction et la petitesse de notre petite corne faisaient alors bon ménage.

Il faut ensuite mettre les pieds dans une autre réalisation humaine mégalomaniaque : le château de Versailles pour retrouver nos cornichons. Louis XIV en raffole et en réclame à toute occasion. Son jardinier en chef emploie alors une technique que l’on appelle La Quintinie ; une pratique initiée par le jardinier Jean-Baptiste de La Quintinie au 17ème siècle. Il s'agissait alors d'acclimater les fruits et légumes fragiles en serre amovible en bois et verre quand la saison était mauvaise. L'asperge chère à la Pompadour, reçut les mêmes soins.

Le cornichon compléta ainsi le revenu des maraîchers et jardiniers de Bourgogne qui avaient trouvé en lui un substitut à la vigne après le drame du Phylloxéra. Puis ce fut une culture de complément qui fit la gloire de Maille en autre, donnant ainsi à ce malheureux cornichon les fadeurs insipides des produits industriels.

Les lois économiques, la mondialisation et ses travers mirent nos producteurs locaux et bocaux au chômage. Le cornichon retrouva sa terre d'origine pour inonder ensuite nos supermarchés dans des variantes toutes aussi peu à mon goût. Le plaisir gustatif n'était plus au rendez-vous tandis que le souvenir d'enfance se cassait les dents dans cette saumure sans saveur.

Je viens de retrouver un producteur local de cornichons. Le vinaigre blanc a refait son office pour me promettre dans quelques mois de retomber en enfance. En attendant, je devance vos remarques acerbes et piquantes et revendique d'être un beau cornichon, fier de l'être. Je vous laisse déguster les paroles de Nino Ferrer tout en vous délectant d'un délicieux casse-croûte.

À contre-culture

 

Les Cornichons

 

 

On est parti, samedi, dans une grosse voiture
Faire tous ensemble un grand pique-nique dans la nature
En emportant des paniers, des bouteilles, des paquets
Et la radio !

 

Des cornichons
De la moutarde
Du pain, du beurre
Des p'tits oignons
Des confitures
Et des œufs durs
Des cornichons

Du corned-beef
Et des biscottes
Des macarons
Un tire-bouchon
Des petits-beurre
Et de la bière
Des cornichons

 

On n'avait rien oublié, c'est maman qui a tout fait
Elle avait travaillé trois jours sans s'arrêter
Pour préparer les paniers, les bouteilles, les paquets
Et la radio !

 

Le poulet froid
La mayonnaise
Le chocolat
Les champignons
Les ouvre-boîtes
Et les tomates
Les cornichons

 

Mais quand on est arrivé, on a trouvé la pluie
C'qu'on avait oublié, c'était les parapluies
On a ramené les paniers, les bouteilles, les paquets
Et la radio !

 

On est rentré
Manger à la maison
Le fromage et les boîtes
Les confitures et les cornichons
La moutarde et le beurre
La mayonnaise et les cornichons
Le poulet, les biscottes
Les œufs durs et puis les cornichons

 

Paroliers :

James Booker & Nino Ferrer

 


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