Il n’y avait pas un chat

par C’est Nabum
samedi 29 juillet 2023

Quoi que…

Il n'y avait pas un chat dans la grange aux chats quoiqu'à bien y regarder deux gentils félins demeuraient dubitatifs à cause de la présence d'un fauve de Bretagne. De ce face à face à hauteur de pelouse nous ne dirons rien, l'essentiel se passant à hauteur d'humains qui se jour-là ne se comptaient que sur les doigts des deux mains. Le programme n'avait donc pas recueilli l'adhésion des habitués, des fidèles et des curieux. Il est vrai que la concurrence était rude.

En tout premier lieu, la pluie du matin avait certainement rafraîchi les plus frileux, ceux-là même qui ignorent qu'un peu d'humidité laisse éclore les mauvaises graines qui étaient au programme. Ouvrir le parapluie a sans doute de quoi mettre un obstacle supplémentaire entre le cœur et l'esprit !

Puis, il faut bien savoir s'incliner devant pareille évidence, le Tour de France débutait sa grande boucle quelque part en Pays basque espagnol. Il est certain que les adorateurs de la petite reine ont préféré le confort de leur canapé à la rudesse des chaises en bois surtout pour venir écouter deux individus qui déraillent. Nous ne pouvons que leur donner raison.

La concurrence cependant ne s'arrêtait pas là. À deux pas et quelques kilomètres de là, un festival de théâtre de rue constitua le coup fatal pour qui aime malgré tout se rendre à un événement culturel. Il en est encore et c'est heureux. Pour ceux-là, nul grief c'est évident, leur choix était sans doute plus judicieux.

Reste à évoquer la poignée de fidèles qui loin de nous regarder comme chat et chien nous firent fort bonne mine, quelques risettes et belle patte de velours. Ils eurent en échange un petit spectacle intimiste qui se priva aisément de la sonorisation et même de l'intérieur feutré de la grange pour devenir une aubade champêtre des plus plaisantes.

Les deux matous et le gentil cabot du reste ne s'y trompèrent pas, eux qui vinrent se mêler à ces personnages attentifs et je l'espère enchantés. Près de deux heures durant, ce fut un bonheur de poésie et de facéties, de rire et d'émotion sans qu'il fut besoin de projecteurs et d'amplification. Nous revenions aux sources de la tradition, à une veillée entre amis durant laquelle deux saltimbanques sont venus partager la table pour offrir ensuite un voyage imaginaire.

Il n'y eut effectivement pas un seul chat dans la gorge si ce n'est un brin de contrariété qui étreint un temps l'instigateur de la rencontre, fort marri de n'avoir pas fait grange comble. Au fil de cet impromptu, il oublia les absents ainsi que ce sentiment de gêne qui l'habitait pour se laisser emporter par ses invités. C'était bien là attitude raisonnable ; à l'impossible nul n'est tenu.

Il faut bien se dire que prendre le risque de proposer des bonimenteries à des adultes relève désormais de la plus pure extravagance. Le monde de l'imaginaire a besoin d'effets plus spécieux du reste que spéciaux, tandis que l'univers des contes est estampillé petite enfance. Même au pays de Jean-Louis Boncœur, l'invitation ne fait plus recette.

Qu'importe donc tous les absents, les quelques présents furent largement récompensés de leur audace à affronter ainsi la pluie du matin et la privation des autres propositions. Nous les en remercions chaleureusement parce que le spectacle vivant a besoin par-dessus tout d'aventuriers qui osent venir découvrir ceux qui n'ont pas leur place dans la rubrique spectacle des médias.

La curiosité n'est pas un vilain défaut, bien au contraire et lorsqu'elle est flanqué d'un peu de tolérance et de beaucoup de bienveillance, il se passe parfois des moments de grâce comme ce fut le cas, cette après-midi-là, sur le seuil de la Grange aux chats.

À contre-mode.


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