Le Pen ou la candidature de trop

par Bernard Dugué
mercredi 4 avril 2007

Quelques-uns l’auront sans doute remarqué, Jean-Marie Le Pen a pris un sacré coup de vieux. Ne voyez dans ce constat aucun reproche, aucune analyse du contenu politique ni une quelconque moquerie de ma part à l’encontre de ce personnage en particulier ou à la vieillesse en général. Je m’interroge juste sur les dernières apparitions du candidat du FN et d’un impact négatif pouvant en résulter lorsque les électeurs entreront dans l’isoloir et que le décompte des voix sera effectué.

On sait que l’image revêt une importance majeure dans les élections depuis l’avènement de la télévision. Les historiens de la politique américaine se plaisent à raconter l’échec d’un candidat à la Maison-Blanche à cause d’un simple détail vestimentaire. Que ce constat soit avéré ou bien inventé comme fable illustrative, l’importance de l’image n’est est pas moins réelle et l’on sait à quel point les prétendants à l’Elysée ont soigné leur image depuis trois décennies. Qui n’a pas rigolé en visionnant cette séance de cravate au cours de laquelle Edouard Balladur aurait pu finir en âne de Buridan, ratant son rendez-vous devant les caméras pour n’avoir pas su se décider à temps sur la couleur de la cravate ? Qui ignore encore les connivences entre les candidats et les réalisateurs, avec les consignes de cadrage ? L’affaire est donc entendue

Venons-en au cas Le Pen. Là, il ne s’agit pas d’un détail vestimentaire mais de postures devant la caméra, indiquant un changement de statut dans l’âge, dévoilant un vieillissement soudain du candidat d’extrême droite qui, il y a quelques mois, se présentait fringuant, dynamique, alerte, tel un homme vieux mais parvenu à la sagesse et à la force de l’âge. Or, ce qu’on a vu à l’antenne marque une rupture soudaine. Avez-vous observé dans ce JT du 2 avril comment Jean-Marie Le Pen s’extrayait difficilement de sa voiture, puis se déplaçait avec hésitation, ne lâchant pas sa main de la balustrade. Ce 3 avril, même impression. Le Pen en visite au musée de l’automobile et cette main qui s’accroche à la barrière de sécurité. Comme pour compenser l’absence d’une canne. Inconsciemment ou non, le téléspectateur aura imaginé Jean-Marie avec la canne du vieillard. Ainsi que le visage marqué du vieil homme, las, fatigué après une existence bien remplie.

Alors que penser ? Le Pen est le plus âgé des candidats. Que la campagne électorale l’ait fatigué excessivement n’a rien de surprenant. Un passage à vide ? Nul ne sait. La transition d’avril est connue pour être rude et de plus, la lune était pleine ces derniers jours. Toujours est-il que si rien ne change et que Le Pen continue à se montrer ainsi, un impact sur les électeurs est à prévoir. La raison pourrait bien l’emporter et interférer avec l’impulsion du vote protestataire. Inconsciemment, le Français moyen se dit qu’élire président un homme qui arrive à l’âge où la canne est indispensable, ça ne colle pas avec la fonction, celle de chef d’Etat, qui au vu des difficultés présentes requiert des capacités physiques conséquentes.

Nous aurons le résultat le 22 avril 2007 et si le candidat du FN fait un score inférieur à celui du 21 avril 2002, avec l’appui de Bruno Mégret cette fois, alors on pourra dire que cette candidature était de trop.


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