L’année du Castor

par C’est Nabum
mardi 16 avril 2024

 

Le récit romancé de son retour au pays.

 

Le dernier castor de Loire serait tombé au champ d'honneur aux alentours de 1920, sans doute pour servir de casse-croûte ou de cache-col à quelqu'un qui avait une dent contre ce magnifique rongeur. L'histoire aurait pu se terminer là après des siècles d'une longue histoire d'amour entre ce bel animal et la rivière si ce n'est que des passionnés eurent envie de tenter l'aventure de réintroduire cette espèce en Loire, du côté de Blois.

C'est en avril 1974, il y a tout juste cinquante ans, ce qui nous vaut du reste de célébrer l'année du Castor, que son introduction se fit de manière assez empirique. Des blésois, fort d'un accord administratif entre leur département et de son homologue de la basse vallée du Rhône, où survivaient tant bien que mal les derniers représentants de l'espèce.

Une première captation eut lieu et trois spécimens furent saisis dans leur milieu d'origine pour un long voyage dans une caisse métallique des surplus militaires. Les trois individus effectuèrent le voyage et se requinquèrent dans la demeure de l'un de ces ornithologues amateurs et néanmoins décidés. Seule petite incertitude, la détermination du sexe d'un castor est fort délicate puisque l'appareil génital est interne. Seul un touché rectal permet sans véritable certitude de déterminer son genre.

Faute de réaliser cet examen qui n'est pas sans risque avec un animal aux dents redoutables, les futurs parrains comptaient sur la chance pour avoir un couple dans le trio. Les choses se compliquèrent du point de vue statistique puisque l'un des trois rongeurs se fit la malle ou la belle en prenant la poudre d'escampette pour filer dans le Beuvron tout proche.

Ce fut la consternation parmi l'équipe de bénévoles. Les chances de réussite s’amenuisaient. Personne alors de trouver curieux cependant cette évasion qui non seulement était rocambolesque mais qui plus est, montrait que le Castor fugueur méritait qu'on le recouvre d'un Mortarboard, ce curieux chapeau carré flanqué d'une queue qui récompense les étudiants diplômés. Il venait en effet de réussir son agrégation de lettres classiques et son intégration ligérienne…

Je devine votre perplexité et je me dois d'éclairer votre lanterne en apportant de l'eau à votre moulin. Le nom de la rivière Beuvron, affluent de la Loire, provient du gaulois Brebos qui signifie Castor. Que le rongeur à large queue le sût, mérite son inscription au tableau d'honneur. Ce qu'il devint par la suite, nul ne le saura jamais tandis que le malheureux rongea son frein dans l'attente d'une âme sœur.

Car en effet les deux autres prisonniers attendirent patiemment leur heure pour être libérés dans la Loire du côté de Blois. Quatre autres expéditions eurent lieu par la suite pour introduire au total 13 castors rhodaniens dans les années qui suivirent. Le succès de l'opération fut spectaculaire puisqu'au fil du temps, la colonisation de toute la Loire et de ses affluents se fit avec même des aventuriers qui empruntèrent le canal de Briare pour remonter en Seine.

En cinquante ans, le Castor a retrouvé sa place en pays ligérien même s'il lui faut lutter pied à pied avec un nouveau venu qui a tendance à tirer la couverture médiatique à lui. Le ragondin moins farouche et plus diurne que son cousin, se fait souvent passer pour son compère en dissimulant sournoisement sa queue ronde. Nombre de photographes amateurs font la confusion.

Autre cohabitation, historique celle-ci, c'est avec la Loutre que notre ami doit parfois partager son espace. Il n'y a nullement rivalité entre le rongeur et la piscivore et les deux espèces se plaisent à jouer à cache-cache avec les humains pour leur plus grande tranquillité. Il y a bien de ci de là quelques arboriculteurs qui ont la dent dure contre ce paisible animal. C'est hélas la loi du genre.

Le castor a cependant depuis quelques années une petite contrariété qui le laisse sur sa faim. L'érable négundo, une espèce terriblement invasive ne lui convient absolument pas. Il se peut que dans le futur, ceci mette en péril l'espèce. Affaire à suivre, les ornithologues sont sur les dents.


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