L’effet de seuil

par C’est Nabum
vendredi 8 septembre 2023

Incompréhensions mutuelles

Le convoi de l'eau et le Grand Retournement ont ce point en commun que le manque d'eau est le point central de ce qui conduit tous ces militants de la cause environnementale en action. Alors que pour les futurs Jeux Olympiques de notre Bon Prince, le Champagne Taittinger va couler à flot pour les maîtres et leurs valets, les gueux souffrent de la sécheresse.

La Loire est désespérément maigre au point de n'être plus en cette belle fin d'été une magnifique rivière de sable qui a soif. Les bateaux zigzaguent entre les grèves à la recherche d'une veine ou pouvoir passer. Pendant ce temps, à l'étape suivante, les curieux s'interrogent sur le retard de la grande caravane fluviale.

Arrivé à poste, je les fais patienter, leur expliquant que si les trains désormais n'arrivent plus à l'heure, leurs glorieux devanciers avaient en outre à faire face à un impondérable indépendant de leur volonté. C'est la Loire qui décide et se fait maîtresse de l'horloge. Pour que le temps s'écoule agréablement, je leur explique la rivière, les bateaux, j'évoque l'histoire, la faune, la flore et répond aux multiples questions. Manifestement nous partageons une passion commune …

Pour nous rappeler à la réalité d'un monde qui perd pied, un plus nanti, orgueilleux ou provocateur, un de ces êtres qui estiment que son bon plaisir justifie toutes les transgressions, effectue des passages en ski-nautique sur le maigre chenal devant le port. Dans l'assistance l'indignation pointe le bout de son nez et n'en sera que plus forte quand ce sinistre Narcisse frôlera les bateaux à leur arrivée. Les imbéciles se reconnaissent aisément à leur capacité de dépasser toutes les bornes …

Les animations vont pouvoir débuter dans ce petit village ligérien qui s'étend contre ses quais et accueille une flottille importante. Dans ses pierres blanches de Tuffeau, ses roses trémières, l'étroitesse de sa rue, il semble être resté comme autrefois. Un écrin qu'il faut préserver.

Germe alors en nos esprits un insidieux sentiment de décalage. La faille générationnelle est patente parmi les participants et sert ici de seuil infranchissable ; indifférence pour le mieux, mépris ou ignorance pour les autres. Les préoccupations environnementales ne peuvent être portées que par une génération qui nous rend responsable de l'état des choses. Si cela peut se comprendre, il convient cependant de ne pas tourner le dos à ces vieux cons qui entendent leur donner la main.

L'eau peut couler sous les ponts, ce qui semble irréconciliable ne se mêlera pas en un flot puissant de nature à renverser le cours des choses. Si les discours savants, les études sérieuses, les manifestes enflammés sont indispensables, je n'en disconviens pas, la posture de l'expert ou du conférencier se heurte souvent à la difficulté à toucher durablement le public.

Laissez donc, nobles érudits agir les saltimbanques qui sont les héritiers de ceux d'autrefois qui par la farce, la poésie, la fiction, entendaient souligner les travers et inviter à la prise de conscience. Juger sur l'apparence ou sur le décalage générationnel n'est pas la meilleure manière de faire avancer la cause de l'eau.

L'entre-soi est une plaie, une gangrène qui réduit en poussière les plus sincères intentions. Je m'interroge sur l'éventualité de poursuivre une aventure dans laquelle des acteurs me considèrent comme nul et non avenu et ne feront jamais l'effort de considérer ceux qui ne sont pas de leur univers. La mémoire de l'eau ne serait-elle qu'une vaine illusion et les paroles ne sont-elles faites que pour s'envoler à jamais dans le mépris de ceux-là … ?

À contre-temps.


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