La montre de monsieur Macron

par Sylvain Rakotoarison
lundi 27 mars 2023

« L'exactitude est la politesse des montres. » (Jean Dutourd).

Il y aurait de quoi sourire si on n'envisageait pas qu'il s'agit ici d'un stigmate grave de l'état calamiteux de la classe politique en général, et des oppositions en particulier, parce que la démocratie est saine quand l'opposition fait vraiment son travail d'opposant politique. On en vient maintenant à évoquer la montre de monsieur Macron !

Qu'on ne trouve comme seul argument pour critiquer une intervention de trente-cinq minutes du Président de la République, où il ne disait pas seulement des choses consensuelles politiquement, que la présence ou l'absence de sa montre au poignet, c'est absolument ahurissant.

C'est vrai, la France est un pays de râlerie et de jalousie, et surtout, on ne supporte pas les riches parce qu'on ne supporte pas les plus riches que soi (encore faut-il avoir des niveaux de comparaison valables). L'un des signes extérieurs de richesse, après la bagnole, c'est la montre (et plus généralement, ce qu'on porte, les costumes, les chemises, les chaussures). La montre a même obtenu un brevet de symbolisme politique aigu après la sortie du communicant Jacques Séguéla qui estimait, selon la compréhension populaire, que si tu n'avais pas une Rolex au poignet à 50 ans, alors tu serais un pauvre type. Un objet qui devrait faire dans les 50 000 euros.

Personnellement, j'avoue bien sûr ne pas avoir la collection de Julien Dray, et que, aussi riche pourrais-je être, jamais je ne mettrais autour de mon poignet un machin qui vaut autant pour rendre un si petit service. D'ailleurs, j'avoue humblement que je ne porte plus du tout de montre depuis plusieurs années, c'est ma meilleure excuse quand je suis en retard ! En revanche, je conçois que lorsqu'on est en représentation, il faut un minimum de représentation et la montre en fait partie. L'image de la France se fait aussi par l'image de son premier représentant.

De fins observateurs de la vie politique ont donc vu que le Président de la République portait sa montre au début de son interview du 22 mars 2023, et... ô surprise, au bout de plusieurs minutes, ils se sont aperçus qu'il ne la portait plus.



En repassant la bande, enfin, façon de parler (désolé, je suis né dans une société avec encore de grosses cassettes à bande magnétique), en revoyant avec attention l'interview, on s'aperçoit effectivement qu'à un moment donné, le chef de l'État a plongé ses deux mains sous la table (ce qui ne se fait pas, on me l'a appris quand j'étais gosse) et après quelques secondes, les a ressorties avec les deux poignets nus. Où est donc passée la montre ? Mystère, peut-être entre les deux jambes.

Ce qu'il ne faut pas faire quand on est Président de la République. Certains, d'ailleurs, se sont interrogés sur la sincérité d'Emmanuel Macron lorsqu'il parlait tout en retirant sa montre (c'est le "en même temps" décliné dans un registre particulier) ; mais tout le monde fait cela quand on rentre à la maison et qu'on s'adresse à un membre de la famille, on retire son bonnet, ses chaussures, son manteau tout en parlant et il n'y a là ni insincérité ni exceptionnel don de faire plusieurs choses à la fois. C'est sûr, comme pour tout responsable politique, on peut toujours s'interroger sur la sincérité de leurs convictions et surtout, de leurs paroles, mais peut-être faut-il prendre comme indices d'autres éléments que le port d'une simple montre ?



Donc, oui, c'est très factuel, Emmanuel Macron a retiré sa montre en plein milieu de son interview. Très bien observé ! Cela a alors donné lieu à n'importe quoi ! Ainsi, la députée FI Clémence Guetté a tweeté le 23 mars 2023 : « C'est finalement l'image de cette interview. Au moment de parler des "smicards" qui n'ont "jamais autant gagné de pouvoir d'achat", il retire discrètement sa jolie montre de luxe, sous la table. Cet homme est une farce. ». On se demande qui est le plus farceur.

Si je note que la députée de l'opposition ne contredit pas le fait que les salariés payés au SMIC n'ont effectivement jamais autant gagné de pouvoir d'achat (elle devrait s'en réjouir, si elle soutenait vraiment ces travailleurs comme elle le prétend), l'idée de mélanger les choses, d'amalgamer, est assez risible. Si le Président de la République ne voulait pas montrer sa montre, il ne l'aurait pas mise dès le début de l'interview. Ou alors, quel amateurisme !

C'est vrai, et j'ai moi-même tiqué quand je l'ai entendu, parler de "smicards" est une réelle maladresse du chef de l'État, on avait l'impression de se retrouver dans les années 1970, à l'époque des chefs du personnel et pas des directeurs des ressources humaines, mais Emmanuel Macron a un langage souvent crû, il dirait disruptif, mais qui me paraît inutilement déplaisant. On pourra toujours parler d'euphémisme ou d'hypocrisie, un demandeur d'emploi sera toujours plus digne qu'un chômeur. Chacun a sa dignité et il faut la respecter par les mots de vocabulaire qu'on emploie, aussi transgressif soit-on.

Dans le flot des réseaux sociaux, la rumeur dit même que la montre coûterait 80 000 euros ! Alors, on est là dans le simple mensonge : proclamez n'importe quoi, il en restera toujours quelque chose. Il faut bien alimenter la colère du peuple.

L'Élysée (contacté par L'Indépendant) a immédiatement apporté quelques précisions pour comprendre pourquoi le Président avait enlevé sa montre en cours de route : « Le Président n'enlève pas sa montre par souci de la dissimuler, mais parce qu'il venait de la taper brutalement contre la table. Le bruit est clairement audible quelques secondes seulement avant la vidéo partagée sur les réseaux sociaux. ». J'avais effectivement entendu ce bruit : comme Emmanuel Macron aime bien s'exprimer avec les mains et les bras, il devait être convaincu qu'il heurterait encore la table avec sa montre ultérieurement.

Quant à la montre, elle ne coûterait pas 80 000 euros mais autour de 2 000 euros, ce qui, disons-le clairement, reste beaucoup pour un "smicard", mais qui est plus raisonnable quand même, bien loin des "montres de luxe" évoquées par Jacques Séguéla. C'est un modèle BRV192 de Bell & Ross personnalisé aux armoiries de la Présidence de la République, qu'Emmanuel Macron porte régulièrement depuis plus d'un an et demi. Voudrait-on s'étonner que le Président d'un grand pays comme la France ne porte pas une montre en plastique à trois balles ? Polémique à trois balles, donc.

Des excités de la Nupes ne sont pas les seuls à avoir critiqué Emmanuel Macron sur sa montre, d'autres enragés, plutôt de l'autre côté de l'échiquier politique, ont glosé sur la montre, comme l'ancien numéro deux du FN Florian Philippot, actuellement en plein isolement de la lumière médiatique parce qu'il ne représente plus rien politiquement et qui tente très maladroitement, par démagogie et transgression, de faire parler de lui à propos de tout et n'importe quoi.

C'est vrai que pour un maître des horloges, le choix d'une montre n'est pas anodin. (Au fait, n'oubliez pas, c'est la nuit du 25 au 26 mars 2023 qu'on passe à l'heure d'été). Que les opposants à Emmanuel Macron comprennent bien que si leur opposition se restreint à ne critiquer que la couleur de la montre, il a encore de beaux jours devant lui pour continuer à servir le pays !....


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Sylvain Rakotoarison (24 mars 2023)
http://www.rakotoarison.eu


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