Modalités de financement par l’Etat actionnaire des activités liées à la base industrielle de la Défense

par Eliane Jacquot
lundi 17 mars 2025

Au moment où l'on évoque le retour de la guerre, il convient de revenir au gaullisme militaire des années 1960 qui a construit notre modèle de Défense, abimé par des décennies de coupes budgétaires depuis l'arrivée au pouvoir de Francois Mitterrand. Plus près de nous, l'Etat français a laissé se déployer de par le monde ses fleurons d'entreprises cotées relatives à ses activités stratégiques de Défense et d’Aéronautique qui devraient bénéficier d'un statut national relatif à leur souveraineté bien identifié.

Il appartient à la puissance publique de définir et de mettre en oeuvre une stratégie industrielle consacrée à la Défense et aux Armées. « Nous devons mettre en place une économie de guerre » a dit récemment Emmanuel Macron.

Quelles devraient être les modalités de financement ? Quelques pistes

Les entreprises cotées et non cotées détenues par l'Agence des Participations de l'Etat ( APE) rattachée au ministère de l'Economie et des Finances devraient participer à la nouvelle économie de guerre liée à la poursuite du conflit en Ukraine et à la montée des risques géopolitiques internationaux. Les secteurs exposés dominent le portefeuille de l'APE et regroupent Airbus dans l'Aéronautique, Safran et Thalès dans la Défense, et des entreprises publiques non cotées comme Naval Group et KNDS. La valeur de la participation de l'Etat au 20 Février 2025 s'élève à 59,3 Mds d'Euros dont 36,3 Mds d'Euros pour les sociétés cotées du secteur (1 Evaluation des participations cotées APE, ). Il semble évident de garder précieusement ces participations au moment où l'on veut construire une Europe de la Défense.

Airbus Group, devenu une Société européenne de droit néerlandais n'est plus détenue qu'à 10, 8% par l'Etat. Sa division Défense est un des leaders mondiaux d'activités d'aéronefs de combat, de ravitaillement aux satellites militaires et civils ( 14,2 Mds d'Euros de CA en 2023 )

Safran, groupe très performant opère dans les domaines d'équipements aéronautiques, de l'espace et de la défense, dont la motorisation d'avions. ( 23 Mds d'Euros de CA en 2023 )

Thalès dont l’État détient 36, 3% des droits de vote ( minorité de blocage ) bénéficie d'une position privilégiée sur l'ensemble des milieux terre, air, mer, espace, cyber... et d'implantations géographiques diversifiées. A ce propos, le cours de bourse de l'action Thalès a augmenté de 33, 44% sur un an ( au 20 Février 2025 ).

Dans ce contexte l'Etat, au travers de l'APE devrait mettre en vente sur le marché son portefeuille d'actions non stratégiques détenues minoritairement ( Engie, Orange, Air France KLM, Renault, la Française des Jeux, Eramet ) évaluées au 20 Février 2025 à 23 Mds d'Euros, tout en se privant des revenus récurrents des dividendes annuels reçus dans le cadre de sa nécessaire réorientation.

D'autre part BPI France dont les actionnaires sont à parité l'Etat et la Caisse des Dépôts est de plus en plus présente sur le marché à risque du Capital Investissement pour des montants très importants ( 1,6 Mds d'Euros en 2023 ) Depuis 2020, la banque publique propose aux investisseurs non professionnels sa gamme Bpi France Entreprises qui permet aux particuliers d'accéder à une sélection de fonds dans les industries traditionnelles et les secteurs technologiques. En 2024 elle commercialise le troisième volet de sa gamme « Bpifrance Entreprises », donnant accès à une tranche de son portefeuille de milliers d’entreprises, à partir d’un ticket d’entrée réduit à 500 euros sous la forme d'un FCPR. « La veuve de Carpentras ou du dentiste de l’Ouest américain apparaissent comme un relais de croissance bienvenu. » souligne un article récent publié dans le Le Monde. A ce propos les missions dont elle se charge de sa propre initiative par rapport à celle des acteurs privés mériterait d'être encadrées par les directions de ministres chargés de l’Économie et des Finances, selon les conclusions d'un rapport de la Cour des comptes publié en Juin 2023.

Une réunion est programmée le 20 mars entre le Ministre des Armées le Ministre de l'Economie et des Finances et des investisseurs privés à Bercy. La Ministre chargée des Comptes Publics, Amélie de Montchalin a indiqué sur France Inter ce15 mars que « l'argent privé peut venir peut venir de l'assurance-vie par des outils que les assureurs ou les gestionnaires d'actifs peuvent organiser. C'est leur métier. » Or, une loi mise en application le 24 Octobre 2024 impose aux assureurs d'inclure une part minimale d'actifs non cotés ( capital investissement, dette privée ) dans les assurances-vie réservées aux souscripteurs particuliers dans le cadre d'un contrat de gestion déléguée choisi par certains d'entre eux. Il s'agit d'inciter les épargnants personnes physiques d'investir sur ces supports très risqués pour financer l'économie réelle au travers de fonds communs de placements à risques ( FCPR) dont la collecte nette a été de 5,2 Mds d'euros au cours de ce mois de janvier, au moment où les fonds en euros sont en décollecte. L'Autorité des marchés Financiers ( AMF) dont la présidente est nommée par décret du Président de la République s'est alarmée au cours de ce mois de janvier de la hausse continue des encours de Fonds Professionnel de Capital Investissement (FCPI,) et Fonds d’Investissement de Proximité (FIP) investis majoritairement dans des PME régionales non cotées réservés aux particuliers qui ont progressé de 628 M d'Euros en 2017 à 9,2 M d'Euros en 2024. Ces fonds ont des taux de rendement négatifs ou proches de zéro (2).

Que les compagnies d'Assurances relayées par les pouvoirs publics cessent de fourvoyer les 18 millions de Français qui ont fait confiance à l'assurance-vie pour faire face aux aléas de la vie dont le financement de leur future retraite. Que les détenteurs de ces contrats ne fassent aucune confiance à leurs conseillers bancaires en agence chargés de commercialiser des contrats complexes dont ils ne maitrisent en aucune façon la composition et les risques. Et ce dans l'attente du verdict de Bercy.

( 1) https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/agence-participations-etat/Documents/Cotees_du_jour/20250220_APE_Portefeuil

( 2) https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/private/2025-01/publication_performance_fonds_actifs_non_cotes_retails_012025.pdf

Eliane JACQUOT


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