Clôture du IIe Congrès mondial des imans et des rabbins pour la paix

par Bertrand C. Bellaigue
lundi 10 avril 2006

« Notre réunion a été quasi miraculeuse », a dit Joseph Cohen, le Grand rabbin de Haïfa.

« C’est une représentation théâtrale inutile », ont estimé certains Palestiniens présents.

Le « IIe Congrès mondial des imans et des rabbins pour la paix » a terminé ses travaux mercredi 22 avril à Séville, en Andalousie, en créant un "comité permanent de d’orientation" de douze membres représentant les principales zones géographiques de l’islam et du judaïsme. Ce comité sera chargé, notamment , de l’organisation des prochaines rencontres et du IIIe congrès.

« Le simple fait que nous soyons réunis ici-même et que nous nous parlions constitue déjà un miracle », a déclaré le Grand rabbin de Haïfa (Israël), Joseph Cohen, en présence de l’iman de Gaza, le sheikh Imda el Faloudji, venu en Andalousie avec une délégation de vingt compatriotes de Palestine.

Au cours d’une conférence de presse donnée à l’issue de cette assemblée qui s’est réunie du 19 au 22 mars, les deux chefs religieux représentant l’islam et le judaïsme, entourés d’autres clercs des deux religions, ont souligné l’importance de la rencontre qui venait de se terminer, et mis en évidence les efforts auxquels se sont livrés les congressistes dans leur recherche des moyens de parvenir à la paix. Ils ont souligné l’importance du rôle que doivent jouer l’éducation et le cadre familial dans cette tentative de mettre fin aux hostilités au Moyen-Orient.

L’iman Al Falouji, de Gaza, a exprimé la conviction que “ les chefs religieux , assumant leurs responsabilités, doivent contribuer à établir une « culture du dialogue » , constituer un « groupe de pression » capable d’agir sur les hommes politiques afin de parvenir à la paix, à l’acceptation d’une vie en commun (entre juifs et musulmans) , afin de « mettre en pratique une convivialité basée sur le mutuel respect des droits, et capable d’offrir à nos sociétés un avenir meilleur, en les prémunissant contre le déchaînement de violences sanglantes. ».


Faisant allusion aux conclusions auxquelles sont parvenus les membres du « IIe Congrès mondial pour la paix », le Grand rabbin Joseph Cohen a souligné que les congressistes avaient « nié que dans les doctrines du judaïsme et l’islam, il existe un seul élément inhérent et quoi que ce soit qui les sépare. »

« Nous avons décidé de travailler ensemble, désormais. La déclaration finale que nous avons adoptée est un fait historique puisque nous y condamnons le recours à la violence au nom de quelque idéologie que ce soit. »

« Nous n’insisterons jamais assez sur l’importante de notre réunion de Séville qui a eu lieu au moment même où nous vivons plongés dans une situation dominée par un contexte de violences croissantes, auxquelles prennent part en grand nombre juifs et musulmans. Ce conflit ensanglante la Terre Sainte et les deux communautés, les deux peuples qui y vivent souffrent également », a déclaré le Grand rabbin Joseph Cohen. « Nous vivons en Terre Sainte, a-t-il ajouté, il est de notre responsabilité de faire respecter le message de la religion dans le but de protéger la vie des peuples et de satisfaire leurs aspirations.”

Il s’est d’autre part félicité que les congressistes, au sein desquels, a-t-il précisé, se trouvaient plus de quatre cents chefs religieux et théologiens des deux croyances « aient pu se rencontrer et se réunir pendant quatre jours à Séville en faisant preuve d’une modération telle dans l’expression de leurs points de vue, qu’ils ont été capables d’éviter que surgisse entre eux des conflits insurmontables. »

“Nous nous sommes engagés à condamner toute forme de violence exercée au nom de Dieu ; que ses auteurs soient chefs d’Etat ou un terroriste », a dit Alain Michel, fondateur du mouvement “Hommes de parole” organisateur de ce congrès, avec la collaboration en Espagne de la Fondation des trois cultures.

Il a aussi révélé, en dépit de la satisfaction manifestée par les autres porte-parole, juif et musulman, que « pendant les quatre jours qu’a duré le congrès », les représentants palestiniens avaient protesté contre « le fait de ne pas pouvoir parler de politique ni de la situation dont souffre le peuple palestinien ».

Alain Michel a déclaré « bien comprendre la frustration éprouvée par ces délégués », mais a souligné que « ce congrès avait été pour eux la première occasion de sortir de Gaza. » Il a insisté sur le fait que « le thème central de cette réunion était religieux, et que son but était l’élaboration de recommandations souhaitant que l’éducation prodiguée par les leaders religieux soit fondée sur des arguments positifs dépourvus de violence. »

A travers ces remarques, il a été possible de constater que ce congrès n’a pas été un « long fleuve tranquille », en dépit de la volonté des organisateurs juifs et musulmans d’éviter tout incident et d’aplanir toute difficulté idéologique. Ils n’ont pas pu échapper aux vives critiques des représentants palestiniens. Ceux-ci ont estimé, notamment, que la représentation entre juifs et musulmans au sein du congrès n’avait pas été équitable, « les rabbins présents ayant été beaucoup plus nombreux que les imans.

L’un d’eux, l’Iman Salal Abdelal , de Gaza, interviewé par l’agence nationale espagnole EFE, a estimé que ce congrès ne serait qu’une représentation théâtrale de peu d’utilité étant donné, a-t-il affirmé, que les rabbins n’avaient pas prononcé un seul mot au sujet de la Palestine, et que lorsqu’il avait tenté d’expliquer comment vivait son peuple, ils lui avaient coupé la parole.

Le Ier Congrès mondial des imans et rabbins pour la paix avait eu lieu en janvier 2005 à Bruxelles. Le second avait été placé sous le patronage des rois d’Espagne et du Maroc. L’événement a été suivi de près par la presse espagnole en raison de son caractère symbolique aux yeux de tous les participants : il se déroulait en Andalousie - l’Andalous des musulmans et des juifs - qui était parvenue, au siècle d’or, à créer une harmonie civilisatrice entre les fidèles des trois religions monothéistes, dans laquelle la Renaissance européenne avait trouvé certaines de ses racines.


Lire l'article complet, et les commentaires