Trois cents imams et rabbins réunis pour la paix à Séville

par Bertrand C. Bellaigue
vendredi 17 mars 2006

Alors qu’au Proche-Orient, en Asie centrale et dans le Sud-Est asiatique, des milliers d’hommes se tuent, comme on déboise, entre juifs et musulmans, chiites et sunnites, pour des motifs politico-religieux, trois cents imams et rabbins, venus du monde entier, vont tenir à Seville, en Andalousie, leur second congrès pour la paix.

Ce « Congrès mondial des imans et des rabbins pour la paix » se tiendra du 19 au 23 mars prochain à Séville, capitale de la région espagnole autonome d’Andalousie, sous la présidence d’honneur des rois d’Espagne et du Maroc. Il réunira trois cents hommes de religion : des imans, des rabbins, des docteurs du Talmud et du Coran, des observateurs représentant d’autres religions, des spécialistes universitaires, des académiciens, des observateurs envoyés par les écoles coraniques ou rabbiniques.

Il est organisé par la « Fondation espagnole des trois cultures de la Méditerranée » et par celle « des Hommes de Parole, « dans le cadre d’une neutralité absolue.

En janvier 2005, le premier congrès avait eu lieu à Bruxelles. Plus de cent cinquante imans et rabbins du monde entier y avaient participé. Cet événement avait été précédé, six mois auparavant, les 31 mai, 1, 2 et 3 juin 2004, par une assemblée constitutive, composée d’un important comité scientifique, convoquée à Ifrane, au Maroc, sous l’égide de la Fondation « Hommes de Parole » dans le but d’organiser le premier "Congrès mondial des imams et rabbins pour la paix".

« Nous avons eu raison de penser qu’une grande rencontre entre des religieux censés se détester pourrait être un adjuvant puissant aux efforts de paix, et qu’on pourrait ainsi y voir un message d’autant plus fort que ces hommes ont souvent l’image d’extrémistes. Et cela a parfaitement fonctionné ! », avait déclaré, après cette rencontre, l’ancien ambassadeur d’Israël à Paris, M. Eli Barnavi , directeur de la Faculté d’Histoire à l’Université de Tel Aviv , et l’un des premiers promoteurs de cette initiative

La rencontre de Bruxelles n’a pas mis fin aux massacres entre frères, mais le second congrès est à nouveau la preuve des espoirs obstinés nourris par les représentants religieux de frères ennemis.

C’est un symbole de poids, estiment les observateurs, au moment où, du Proche-Orient au Pakistan et à l’Afghanistan, se comptent par milliers les victimes des luttes entre juifs et musulmans, entre musulmans eux-mêmes, chiites et sunnites. Au même moment, les porte-parole du Hammas préconisent toujours le retour au sein de l’islam de Séville et du « paradis perdu » de Al-Andalus, c’est-à-dire de l’Andalousie.

Tenir un congrès de cette envergure entre religieux juifs et musulmans - venus de pays où la religion, beaucoup plus qu’en Europe laïque, pèse d’un poids énorme - paraît aussi paradoxal en Espagne après les attentats de la gare d’Atocha, (199 morts et 1483 blessés) à Madrid, le 11 mars 2004, que si le président américain avait organisé un congrès du même type au lendemain de la destruction des deux tours jumelles de New York (3000 morts ou disparus) du 11 septembre 2001, au lieu de lancer une croisade contre le terrorisme international.

L’idée d’une rencontre de grande envergure entre rabbins et imams est née dans la ville suisse de Caux, en juin 2003, où une quarantaine d’hommes et de femmes, israéliens ou palestiniens, s’étaient réunis pour envisager les moyens de rétablir la paix au Moyen-Orient.

Un des organsiteurs de cette réunion, Alain Michel, président des « Hommes de Parole », a raconté à ce sujet que le rabbin Sirat, ancien Grand Rabbin de France, lors de cette réunion, avait interpellé un journaliste du quotidien israélien Haaretz qui se trouvait là, et lui avait demandé pourquoi la presse ne parlait jamais que des morts et jamais des événements, extraordinaires, comme celui qui venait de se produire lors de cette rencontre israélo-palestinienne de Caux : "Un rabbin et un imam qui échangent une poignée de main, ce n’est pas un événement", avait répondu le journaliste. Et si cent imams et rabbins le faisaient ? "Oui, ça serait un événement"... Le pari avait été lancé.

Dans les milieux catholiques, on s’est demandé pourquoi on avait été tenu à l’écart, pourquoi on n’avait pas organisé une rencontre imams, rabbins et prêtres. Alain Michel leur avait répondu que le problème actuel se situait réellement entre juifs et musulmans. » Mais, il avait ajouté que « le chrétien pouvait être un interprète car il connaît les deux et il peut "traduire" les uns pour les autres". Il avait précisé que, pour cette raison, des chrétiens seraient donc invités à ces congrès, en tant qu’observateurs.

Il s’agira pour le Congrès "de tenter d’élever une barrière contre l’ignorance, qui est toujours à l’origine de la peur et de la haine".

Les organisateurs de cette rencontre préconisent aussi que “les leaders religieux soient dans l’obligation de s’engager dans le combat pour la paix”.



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