Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant

par Pale Rider
jeudi 14 décembre 2023

Les pages roses du Larousse m’ont éclairé sur une réalité qui ne l’est pas – rose. « Là où ils font un désert, ils appellent cela la paix. » Quelques réflexions sur le sort infligé par Israël à la bande de Gaza.

Puisqu’on ne peut pas critiquer Israël sans devoir prendre d’infinies précautions sous peine de procès en antisémitisme soit devant les média, soit au tribunal, je répète ceci : Je suis protestant et donc lecteur de la Bible juive, ce que les chrétiens appellent l’Ancien Testament et, comme Calvin, je considère que les Juifs sont nos pères dans la foi. J’en suis si persuadé que j’ai pris la peine de passer un diplôme d’hébreu qui me permet non pas de lire couramment cette langue mais au moins de la comprendre. Je ne sais pas si je suis sioniste, et je ne suis pas (ou pas encore…) antisioniste. Mais je maintiens qu’il est honteux de dire qu’être antisioniste, c’est être antisémite. Ce terme est d’ailleurs étymologiquement impropre puisque les Arabes sont aussi sémites que les Juifs et qu’il vaudrait mieux parler d’antijudaïsme. Être antijuif, c’est haïr le Juif parce qu’il est juif, comme l’Allemagne nazie l’a fait avec la complicité tacite de toute l’Europe (et du grand mufti de Jérusalem, entre autres…) à des degrés divers. Il est intolérable, terrible, criminel, inexcusable, inquiétant qu’on se livre à des actes ou à des paroles antijuives.

La démesure

En revanche, il est parfaitement licite de critiquer l’État actuel d’Israël, qui est d’ailleurs fort peu juif dans ses convictions. Même les Américains commencent à douter. Lu dans Courrier International le 14 décembre 2023 :

Rien n’empêchera Israël de poursuivre la guerre contre le Hamas, y compris les “pressions internationales”, a déclaré le Premier ministre Benyamin Netanyahou […] L’État hébreu “continuera jusqu’au bout, jusqu’à la victoire, jusqu’à l’élimination du Hamas”, a-t-il dit, alors qu’il s’adressait à des soldats dans une base militaire du sud d’Israël. Le président américain, Joe Biden, a émis mercredi “ses critiques les plus virulentes à l’égard du leadership israélien”, déclarant que le pays commençait à perdre le soutien international à la suite de ses “bombardements aveugles” sur Gaza...

Apparemment, Joe Biden commence à se rallier aux pages roses du Larousse. Et à comprendre que les descendants des victimes de la Shoah ont une politique qui ne relève plus de l’auto-défense mais de l’extermination. Sachez que désormais, Israël rase le peu de terrains agricoles de Gaza. On en est là. Quant à « éliminer le Hamas » (qu’Israël a activement fabriqué en collaboration avec le Qatar), tout ce que Netanyahou parvient à faire, c’est à fabriquer de nouveaux terroristes pour les cinquante prochaines années. On ne peut pas lutter contre une barbarie par une autre barbarie (qui, à ce jour, est douze fois plus meurtrière ; et ce n’est pas fini). Le seul moyen pour la désamorcer, c’est de pratiquer la justice. Il suffit de lire tous les prophètes bibliques qui tiennent exactement ce discours à l’encontre du peuple d’Israël dans des situations d’iniquité qui ressemblent beaucoup à celle que nous observons aujourd’hui. « Sion sera sauvée par la droiture » (Ésaïe 1.27 ; ce chapitre est une diatribe impitoyable contre l’injustice d’Israël). Je n’invente rien.

Curieuses sympathies…

Trouvant que Netanyahou est un nom à consonnance hébraïque très forte, j’ai eu la curiosité d’aller vérifier les origines du sieur Benyamin. En fait, c’est son père, Bension Netanyahou, qui a choisi ce patronyme, en rapport avec le prophète Nathan (qui, soit dit en passant, remonta sérieusement les bretelles du roi David qui avait fait tuer son voisin pour lui voler sa femme). Son vrai nom de Juif russe-polonais, c’était Mileikowsky. Il avait la peau dure puisqu’il est mort à 102 ans (1910-2012). En 1940, il est parti aux États-Unis pour être le secrétaire personnel d’un certain Jabotinsky, tenant du « sionisme révisionniste », extrêmement dur. Dans les années 1920, le jeune Mileikowsky ne cachait pas son admiration pour Mussolini (j’ose à peine suggérer le nom du dictateur avec qui l’Italien il s’associera…).

 Cette histoire familiale est tout de même assez éclairante sur la mentalité et la brutalité de la politique menée par Netanyahou-fils, y compris avant cette guerre.

Noël en pleine tragédie

 Bethlehem est aujourd’hui en Cisjordanie occupée. Elle est au cœur de l’injustice subie par les Palestiniens musulmans et chrétiens qui la peuplent. Ce 25 décembre, on y célébrera la naissance de Jésus, Juif obscur au regard de l’histoire mais immense par l’influence que son passage laisse sur notre terre (et je ne parle pas de l’aspect spirituel, cosmique de sa personne). Jésus est arrivé alors qu’Israël était occupé par les Romains, un envahisseur très talentueux dans l’architecture, l’organisation politique, la guerre et les répressions sanglantes. C’est dire que le contexte de l’époque et celui d’aujourd’hui entrent en résonance. Et ce n’est pas un hasard si les chrétiens ne sont pas bien considérés en Israël, les plus honnis de tous étant les Juifs messianiques, c’est-à-dire les Juifs qui ont reconnu que Jésus est bien le Messie (le Christ, pour employer le terme d’origine grecque) attendu.

 En fait, l’essentiel de ce qui manque à une forte proportion de Juifs dans le monde actuel… c’est d’être authentiquement juifs. Ils défendent une identité qui n’a plus grand-chose d’ethnique ni même (et c’est le pire) de religieux. Il faut vraiment tout reprendre à zéro.


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