Ségolène Royal, bravo et bienvenue dans la réalité !
par stephane rossard
mercredi 7 juin 2006
Félicitations à Ségolène Royal pour ses propos sur la délinquance. Enfin, elle délaisse la rhétorique politique de gauche sans prise avec le réel. Bienvenue aussi à Madame Ségolène Royal dans la réalité tragique d’une France, celle des banlieues, qui est le quotidien de milliers de Français. Un véritable cancer qui pourrait, faute de traitement à la hauteur, contaminer toute la société française. Et conduire à un remake de 2002. Avec des effets (bien) plus graves.
Il faut le dire : les propos tenus par Ségolène Royal sur la délinquance ont eu l’effet d’une bombe. A double titre. D’une part, de la part d’une personnalité de gauche, on n’attendait pas autant de fermeté. D’autre part, l’étonnement est à son comble quand le terme encadrement militaire vient d’une femme ! Des propos qui scandalisent les éléphants du Parti socialiste.
Voilà qui montre tout le décalage entre les dirigeants du PS et la réalité sociale du pays. Un divorce qu’aux dernières élections présidentielles le PS a payé cher. Mais depuis, aucun aggiornamento n’est intervenu, aucune introspection, aucune analyse sérieuse sur les raisons de cette défaite historique à une élection présidentielle.
Au lieu de ce travail en profondeur et, certainement salvateur, les leaders de gauche continuent à s’en tenir à leur doctrine de gauche qui sonne de plus en plus faux aux oreilles non seulement de leur électorat mais de la population française face à une réalité sociale qui a évolué. Ou disons régressé, avec la progression de la précarité, de la promiscuité pour beaucoup d’immigrés, comme l’ont montré les tragiques incendies à Paris dans les immeubles délabrés où ils ‘’survivaient’’, et l’explosion de la violence.
Ségolène Royal a justifié ses propos, alors que rien ne l’y obligeait, en parlant de "souffrance" vécue par la population en proie à cette violence sans fin. A croire que Ségolène Royal vient de découvrir cette réalité ! Bienvenue donc à Ségolène Royal dans ce nouveau monde qu’elle semblait, au mieux méconnaître, au pire ignorer, au vu de sa défense !
Ségolène a eu raison de parler ainsi. Exit la langue de bois. Place au franc-parler. Et on en redemande, car c’est justement ce dont a besoin la France, maintenant ou jamais, pour prendre à bras le corps ces problèmes abyssaux qui pourrissent la vie quotidienne de milliers de Français. Comme l’a justement affirmé Daniel Cohn-Bendit, co-président des Verts au Parlement européen, dans un entretien accordé au quotidien Le Monde dans son édition du 6 juin : "Si on ne dit pas clairement les choses sur les banlieues et l’immigration, on laisse un boulevard à Le Pen".
De la précarité, de la promiscuité, du chômage de masse, de la violence, rien n’est jamais sorti de bon dans le choix des peuples, comme l’a montré l’histoire, en particulier au siècle dernier. Que les politiques et même chacun d’entre nous, se le tienne pour dit.
Ségolène Royal a bien fait. Voilà des décennies que la gauche passe son temps à qualifier l’électorat du Front national de "xénophobe" et de "raciste". De la stigmatisation systématique. Avec l’efficacité que l’on sait : le FN ne s’est jamais aussi bien porté depuis vingt ans. Une stratégie d’exclusion, de culpabilisation perdante, qui nous a fatalement conduits au premier tour catastrophique des présidentielles de 2002. Or tous les experts sont d’accord sur un point : l’électorat du FN n’est pas d’essence xénophobe, comme on ou le répète à l’envi. Excepté une ultra minorité.
C’est un électorat, avant tout, en colère, confronté à des problèmes qui ne cessent d’empirer depuis trente ans. C’est un vote de contestation, et non de conviction. En prenant en compte les préoccupations de ces milliers de Français, Ségolène Royal agit avec justesse. Un abcès est crevé qui, depuis vingt ans, parce que non traité, gangrenait la politique française.
Enfin, ces propos montrent bien que sur certains sujets, la césure gauche/droite, est, de nos jours, caduque. Le curseur et les références ne sont plus les mêmes aujourd’hui qu’au début du XXe siècle !
Que Ségolène Royal chasse sur les terres de Nicolas Sarkozy, qu’elle fasse du sarkozysme, peu importe, là n’est pas l’essentiel. En effet, il faudrait être suicidaire désormais pour encore se voiler la face, faire "comme si", ne pas reconnaître l’ampleur du problème et son urgente nécessité à le résoudre avant que le baril des banlieues n’explose à nouveau à grande échelle. Et que la situation devienne définitivement incontrôlable.
Puissent ces déclarations faire bouger ces lignes désespérément figées, créer un appel d’air dans ce débat saturé d’idées mâchées et remâchées, délivrer la classe politique de tabous. Et par conséquent, encourager nos leaders à aborder frontalement et, non plus latéralement, ces problèmes qui, à force d’être négligés, ont conduit la France au 21 avril 2002. Soit au bord du gouffre démocratique.
Puissent les propos de Ségolène Royal éviter à l’histoire de repasser les plats et permettre que, cette fois-ci, la gauche nous serve un plat nouveau, d’une meilleure saveur. Donc qu’elle regarde la société en face et ne pratique pas la lâche politique de l’autruche comme en 2002 en osant réfuter toute existence d’un problème d’insécurité, pourtant bien tangible !
Faire de l’insécurité un argument de campagne électorale, ce n’est ni du populisme, ni de la démagogie, comme l’assènent les leaders de la gauche, mais du pragmatisme. Ségolène l’a compris. Et reconnu, désormais, officiellement. Peut-être maladroitement, mais le plus dur est fait !
Ségolène Royal - en espérant que ses propos soient sincères, le fruit donc d’une véritable prise de conscience et non calculés, autrement dit démagogiques - comme Nicolas Sarkozy sont les seuls à avoir retenu les leçons du 21 avril 2002. Autrement dit, à situation exceptionnelle, politique exceptionnelle !