Assassinat de Gemayel, et si c’était le régime khomeyniste ?

par Lucien-Samir Arezki Oulahbib
jeudi 23 novembre 2006

La Syrie dément avec force, montrant du doigt plutôt Israël (comme d’habitude, et notons que nombre d’ « experts » français font de même, du moins plus implicitement... ), mais admettons que, pour une fois, ce ne soit en effet pas elle. Pourquoi ? Si l’on écarte Israël, parce que ce pays n’a aucun intérêt à éliminer des éléments antisyriens ; reste l’Iran, dont la stratégie est au moins double.

D’une part, accentuer sa prégnance sur l’enjeu israélo-palestinien afin de compenser l’origine shiite de son panislamisme ; d’autre part, brouiller les pistes en Irak en acceptant de retenir les milices qu’il influence et en tentant de négocier avec les benladenistes et autres islamo-baathistes afin de soulager ce front de la présence de 160 000 soldats occidentaux qui pourraient être une menace non négligeable lorsque le conflit avec Israël prendra la dimension programmée depuis l’arrivée au pouvoir, et cette fois apparente, des Gardiens de la Révolution.

Ainsi, tuer Gemayel, c’est une provocation qui sert à exciter les chrétiens libanais pour qu’ils reprennent les armes et entrent dans le cycle sans fin de la vendetta. Puis, au lieu que cela soit la Syrie, le Hezbollah serait appelé pour assurer la "paix civile" via un gouvernement croupion, celui du coup d’Etat rampant déjà à l’oeuvre de toute façon.

Les chrétiens matés ou défaits, cette situation permettrait de provoquer les Israéliens en accentuant le trafic d’armes et les connexions de plus en plus évidentes avec les groupes totalitaires palestiniens en passe de transformer Gaza en tête de pont du djihadisme international (comme il était prévu... D’où, peut-être, l’accident vasculaire de Sharon, semblable par certains biais à celui de Lénine lorsqu’en 1919 il vit que la seule issue était la fuite en avant dans l’hypertyrannie...).

Deux options, au moins, sont alors possibles à ce stade : soit la provocation du trafic d’armes exacerbe les Israéliens qui tentent de l’empêcher sans passer par le cycle long du Conseil de sécurité, mais ceci au risque d’un incident militaire avec l’armée française, de toute façon recherché, de son côté, par le président de la République française pour susciter une union nationale, séduire le vote "musulman", et ainsi se représenter en 2007 en bien meilleure position.

Soit le Hezbollah, en liaison avec les groupes palestiniens à Gaza, décide de passer à nouveau à l’attaque sous un prétexte divers et, en même temps, s’en prend implicitement à la Finul via des attentats non signés, et ceci au fur et à mesure que son engagement contre Israël prendrait de l’ampleur.

Celui-ci réagissant, son attitude inciterait de son côté la Finul à choisir entre deux positions : soit se retirer à terme, comme cela a été fait il y a vingt ans avec les deux attentats sanglants organisés par le Hezbollah contre les militaires français et les marines américains ; soit engager ses forces contre le Hezbollah, mais, dans ce cas, ce serait un prétexte rêvé pour que le régime khomeyniste entre dans la danse. Du moins en faisant en sorte que les Américains se soient repliés ou partis d’Irak avant, ce qui veut dire, en manipulant bien les démocrates et l’opinion américaine, (via des attentats bien ciblés), au moins six mois à un an...

A ce stade, les deux scénarios fusionnent et le régime khomeyniste se trouve en première ligne contre l’Occident et Israël, ce qui ne peut pas ne pas être un élément décisif pour rallier tout le courant djihadiste international, puisqu’Al-Kheida a désormais donné son feu vert en août pour soutenir le Hezbollah dans son effort contre Israël.

Israël en proie au doute stratégique, les USA fragilisés par leur opinion, la France en soutien de fait, jamais la situation n’aura été aussi favorable pour accentuer la pression, poursuivre la guerre qui a débuté "il y a plusieurs centaines d’années", avait dit le chef khomeyniste en novembre 2005. Que de chemin parcouru depuis ! L’assassinat de Gemayel sonne comme le second des trois coups nécessaires pour le lever de rideau, le premier a été le test grandeur nature du mois d’août pour créer ce front panislamiste désormais bien ancré dans le paysage, même si, pour des raisons strictement locales, il n’a pas encore fait la décision en Irak. Observons néanmoins que la prochaine rencontre à trois, entre la Syrie, l’Irak et l’Iran, aura lieu à... Téhéran. Précisément pour aplanir le chemin, avant le retentissement du troisième coup...

En même temps, j’espère totalement me tromper...


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