Avec les tripes, avec le coeur

par Olivier Bonnet
mercredi 24 mai 2006

Hier matin, vers 3 h, je mettais en ligne un papier sur les frégates de Taïwan. J’aimerais pour une fois vous parler de l’envers du décor de mon blog, du contexte psychologique qui oriente cette publication. Car le sujet n’a pas été choisi au hasard, il s’est pour ainsi dire imposé de lui-même, comme c’est du reste souvent le cas - inestimable luxe de pouvoir choisir !

A la genèse donc, un faisceau d’éléments. Des discussions sur différents blogs, portant sur le rôle des médias, comment certains pratiquent la désinformation ou, plus pernicieux, noient le poisson. Des voix qui s’élèvent pour accuser les journalistes d’être "tous pourris", tous aux ordres. La mort de deux grands confrères, qui n’ont jamais cessé de dénoncer scandales et compromissions. En la mémoire desquels on a envie de se battre. Et puis un sondage affligeant : pour 64% des Français, Villepin doit rester à Matignon malgré Clearstream, 59% estimant que l’affaire n’est "pas si importante que ça". On sait la valeur relative des sondages, mais tout de même. Le mensonge pratiqué avec cynisme au sommet de l’Etat, la Ve république qui agonise, et tout ça qui menace de faire "pschiiit"... Puisqu’il paraît que ça n’intéresse plus les Français, qu’ils en ont ras-le-bol. Mais de quoi ? Du feuilleton quotidien de la publication de bribes de dépositions ou d’extraits de notes d’un agent secret finalement très bavard, ou des confessions d’un corbeau distillées elles aussi d’un jour sur l’autre, peut-être. Mais de la vraie affaire ? Des vraies affaires ? De la machine à blanchir l’argent sale, utilisée par les plus grandes banques du monde et maniant la Justice d’un Etat membre de l’Union (le Luxembourg) comme on tire sur les fils d’un pantin ? Des sommes vertigineuses évaporées en commissions et rétro-commissions, avec le "secret défense" comme garde-fou pour qu’on ne puisse atteindre les coupables ? D’une épidémie de morts suspectes pour empêcher les témoins de parler ?

Et si l’on parlait plutôt de ça, les gens ne seraient toujours pas intéressés ? Chiche ! Alors je l’écris ce papier. Il est publié en "une" d’AgoraVox et de la rubrique Blogs/Editos de Yahoo Actualités. Et tout devient très clair : bien sûr que ça intéresse les gens, si seulement on les amène à appréhender les vrais enjeux, à se poser les bonnes questions. En une seule journée, 670 visiteurs poussent la porte virtuelle de Plume de presse (1391 pages vues !), record absolu, de très loin.

Un chiffre qui ne prend bien sûr pas en compte ceux qui auront lu l’article sur Agora ou Yahoo sans cliquer sur l’un de ses liens conduisant ici. Quand un journaliste écrit, c’est pour être lu. Surtout quand il a (parfois) la prétention d’informer et de réveiller les consciences. En attendant, de mon point de vue de pigiste, la satisfaction de cette audience ne m’aidera pas à payer mon loyer. Et c’est là que l’affaire est exemplaire jusqu’au bout : un rédacteur en chef m’a commandé hier neuf feuillets sur le sujet. Quand on fait les choses avec ses tripes, avec son coeur, quand on y croit, ça marche ! Je referme là cette parenthèse personnelle, pour reprendre le cours de mon suivi de l’actualité. Vous l’aurez compris, plus motivé que jamais.


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