Claude Allègre, hérétique ?

par Véronique Anger-de Friberg
jeudi 5 octobre 2006

Courageux Claude Allègre qui ose élever sa voix contre la pensée dominante... L’hérétique va sans doute être conduit au bûcher par les adeptes du terrorisme intellectuel...

Et si notre comportement d’hyper-consommateur inconscient n’avait qu’un impact minime sur la planète ? Cela changerait-il quelque chose au fait qu’il faut essayer de sortir de notre comportement égoïste et destructeur (l’émission de CO2, la consommation à outrance, les produits chimiques... bref, tout ce qu’on dénonce actuellement et qui est incontestablement source de cancers et autres maladies graves, en plus d’être une insulte aux pays les plus pauvres). Donc, vive « l’éco-citoyen » : tout le monde civilisé ou presque en convient.

Et si on essayait d’échapper à la pensée unique et culpabilisatrice... N’est-ce pas notre égocentrisme qui nous pousse à penser que nous sommes capables d’agir sur notre planète ? Nous nous comportons comme des enfants-rois, et nous ne pouvons accepter que le climat puisse être régi selon des cycles totalement indépendants de notre volonté ? La planète vit sa vie depuis des millions d’années, avec ou sans l’humanité sur son dos... (Après tout, nous ne sommes qu’un « accident » : nous ne devrions même pas être là, si on en croit la théorie du big-bang !).

Ainsi, on peut se comporter en « éco-citoyen » (jouir de la vie et consommer sans pour autant gaspiller outrageusement, mépriser les plus plus pauvres et les générations futures, respecter son prochain, donc), c’est-à-dire adopter une attitude plus respectueuse vis-à-vis l’environnement et des autres (cercle familial ou étrangers), pour des raisons personnelles, par compassion, par humanisme, par devoir ou charité chrétienne, que sais-je... Mais, pour autant, doit-on se soumettre à la dictature de la pensée dominante qui sévit actuellement et qui, véritable religion, a fini par remplacer Dieu -ou les dieux- et s’est imposée aujourd’hui comme unique voie de salut (les cassandre le disent assez : on va tous crever !) ?

Doit-on croire aux explications simplistes comme nos ancêtres ont cru que la vierge Marie avait enfanté Jésus par l’opération du Saint-Esprit ? La foi fervente, sous peine d’être conduits au bûcher ! Inutile de chercher très loin les nouveaux inquisiteurs...

Religion du souci des générations futures, religion hypocrite puisque la plupart des gens s’y conforment ou s’y conformeront bientôt par crainte des représailles (peur de disparaître, du jugement des autres, d’être rejeté du groupe...) plutôt que par réel souci de son prochain.

Ainsi, tout le monde doit répondre amen sans broncher et surtout sans chercher d’autres explications scientifiques au réchauffement climatique et à la probable disparition de la Terre « si on continue comme ça »...

Il suffit de lire les réactions à la chronique de Claude Allègre dans L’Express pour s’en convaincre. Pourquoi une grande partie des experts refusent-ils d’explorer de nouvelles voies (ce n’est pas le cas de toute la communauté scientifique, heureusement) ? Pourquoi ne pas chercher à connaître les causes réelles du réchauffement, si d’autres causes existent ? En quoi cela empêche-t-il les citoyens d’adopter un comportement plus respectueux de la nature et des autres ?

A-t-on encore le droit d’émettre des idées contre-cycliques ? Toute la question est là... Ceux qui refusent la pensée dominante seront désignés comme hérétiques. La théorie du bouc émissaire et du meurtre fondateur, chère à René Girard, a de beaux jours devant elle. Elle se décline et se répète à l’infini, ne cessant de trouver de nouveaux champs d’application dans nos sociétés, paraît-il, éclairées et pseudo modernes.

Si vous jouissez trop de la vie, vous serez puni ! Le plaisir n’est-il pas un péché mortel ? D’accord, plus de doryphores sur les pommes de terre... (faut pas pousser : nous sommes une société évoluée, et l’obscurantisme n’a plus cours chez nous !), mais le sida (punition divine pour avoir « décoincé » la société), et maintenant le réchauffement climatique, pour avoir trop consommé, pollué, fumé, roulé en gros 4x4, et j’en passe... A punition divine, sacrifice obligatoire, puis rédemption. Expions nos péchés par le sacrifice. Depuis le Christ en croix, on est fort pour désigner un bouc émissaire. Et hop, on repart sur des bases « saines », si j’ose dire !

Cette vision de la punition divine est aussi ancrée dans les esprits les plus instruits : n’est-ce pas « l’élite » qui écrit pour se plaindre à l’Académie des sciences que Claude Allègre n’est qu’un provocateur ?

N’est-ce pas à cause de notre tradition judéo-chrétienne que nous nous culpabilisons en permanence, en particulier quand tout va bien depuis trop longtemps... On a trop profité, on a trop joui de la vie et des ressources de la planète. Il est grand temps de faire pénitence...

Autrement dit, on s’est gavé en toute impunité depuis des années (je parle de nos sociétés nanties, évidemment). La guerre est loin... elle touche « les autres », les « infidèles » ou ces pauvres gens, là-bas, au Darfour ou en Tchétchénie, dont l’opinion publique se fiche pas mal, tout en affichant ses grandes et belles idées... Elle touche plus rarement l’Occident (et on ne s’en plaindra pas !).

Décryptage : fatalement, il faudra payer le prix de nos excès... Le bon Dieu ou les dieux nous demanderont des comptes un jour ; ça ne peut être autrement... Ce raisonnement, plus ou moins conscient, est ancré dans l’imaginaire collectif judéo-chrétien.

A qui profite cette religion ? Besoin de contrôler les foules, leurs actes, leurs distractions, leurs plaisirs ? Nous vivons une période de régression : le retour de la crainte d’une « Eglise » de substitution et de la foi obligatoire... Faut-il craindre un retour à l’obscurantisme ? Finalement, depuis l’Inquisition, rien n’a vraiment changé dans l’esprit humain.. Et toutes les avancées scientifiques n’y pourront rien.

Et ça ne risque pas de changer, il suffit de voir dans quel esprit de soumission et de « peur » (on pourrait en parler, de la société de la peur) on éduque les élèves et comme l’esprit critique est peu valorisé, ça, ça fait peur, justement !

Les similitudes avec la tyrannie de la religion sont troublantes. Elles ne pouvaient que sauter aux yeux du libre penseur que je suis... dussé-je finir sur le bûcher !


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