De simples citoyens font campagne
par Thomas Guénolé
samedi 21 avril 2007
Une analyse sur l’appropriation de cette campagne présidentielle par les « simples citoyens » internautes, au détriment des producteurs « normaux » de matériel de campagne. Et la preuve par l’exemple, avec une BD politique faite avec les moyens du bord.
L’ordinaire des campagnes électorales nous avait habitués à l’existence de trois niveaux de comportement politique pendant un grand scrutin national, en particulier l’élection présidentielle :
- les sujets de la campagne, c’est-à-dire, pour la présidentielle, les candidats, au sens où ils étaient les producteurs essentiels des messages politiques ;
- les objets de la campagne, c’est-à-dire nous, électrices et électeurs, au sens où nous subissions les messages électoraux ;
- les intermédiaires, transmettant les messages des sujets vers les objets (médias), ou des objets vers les sujets (associations, lobbies, etc.).
Nous assistons, au fil de la campagne électorale de 2007, à une révolution dans ce fonctionnement. En effet, les cloisons sautent entre ces trois niveaux. Les sujets, les candidats, deviennent aussi objets de la campagne parce qu’ils subissent eux aussi des messages politiques en temps réel (« J’ai une question à vous poser »). Les objets, nous les électeurs, deviennent aussi des intermédiaires en se transformant en agglomérats de blogs et de sites Internet qui organisent des « lobbies citoyens » spontanés. Quant aux intermédiaires, ils deviennent eux-mêmes des objets de la campagne, subissant le message politique et devant y réagir (la critique de Bayrou sur le rôle des médias).
Définir toutes les causes de cette évolution chaotique de la communication en période de campagne électorale serait difficile en un seul article. On peut en revanche définir une cause déterminante, plus importante que toutes les autres : la démocratisation de l’accès à Internet. L’apparition de blogs et de forums de discussion (tels qu’entre autres Agoravox) très faciles d’utilisation a transformé tout utilisateur du Web en éditorialiste potentiel. Parallèlement, l’utilisation de plus en plus facile d’outils basiques tels que Paint ou Photoshop a provoqué l’apparition de simples anonymes capables de produire, sans coût autre que le temps qu’il y passent, du matériel de campagne électorale de qualité comparable au matériel officiel de campagne des partis.
En ce sens, nous sommes passés de l’âge des campagnes électorales centralisées, et sous contrôle des professionnels de la politique, à l’âge des campagnes électorales chaotiques, où les centres de production de messages politiques sont très dispersés.
M’étant fait cette réflexion pendant la campagne référendaire de 2005, et étant par ailleurs sympathisant UDF, j’ai pu tester la validité de cette analyse en essayant avec un ami de créer une BD politique sur François Bayrou. Et ce, sans avoir de compétences particulières en graphisme ou en marketing politique. Le résultat (http://grozbulles.hautetfort.com/planches_bd/), obtenu, donc, par de parfaits amateurs, tend à valider l’hypothèse que j’avance dans le présent article.
Thomas Guénolé