Débats sur le 11 septembre : la nécessaire évolution

par Busherie
jeudi 7 décembre 2006

Alors que les débats sur le 11 septembre sortent du ghetto dans lequel on cherche souvent à les enfermer, les participants doivent être plus exigeants, notamment en matière de sources.

Les débats autour des évènements du 11 septembre prennent une ampleur inattendueen France. Sur Internet, les discussions font rage sur de nombreux sites et blogs. Le site reopen911.online.fr, pour ne citer que celui-là, a acquis une certaine renommée. L’un de ses membres a même été invité à un débat dans la web-émission de Karl Zéro. Sur Agoravox, chaque publication donne lieu à une longue série de commentaires souvent passionnés.

Quoiqu’on en pense, et comme le précise un article d’Alexander Cockburn dans l’édition de décembre du Monde Diplomatique, « l’idée que les attentats du 11-Septembre auraient été manigancés par la Maison Blanche a fait son chemin ».

C’est là un sujet sérieux. Il ne s’agit pas de revenir ici sur les détails de la controverse, très bien résumée dans de nombreux articles sur Internet. Pour faire court, il existe trois théories :


Il revient à chacun de se forger progressivement sa propre opinion sur le sujet.

C’est bien un sujet sérieux, car il n’est pas abusif de dire que le monde dans lequel nous vivons a profondément changé depuis le 11 septembre. Chacun, qu’il soit un fervent défenseur ou un pourfendeur de ces théories, sent bien que ce monde est plus dangereux, plus chaotique qu’en 2001.

Les enjeux des débats qui ont lieu aujourd’hui dépassent bien entendu la seule journée du 11 septembre. Ce dont il est question, c’est évidemment de géopolitique, de morale et de politique. Si on ne reconnaît pas que la portée des attentats dépasse les seuls Etats-Unis, quelle légitimité auraient des citoyens français à donner leur opinion ?

Or, il est important d’en appeler à la responsabilité de chacun. Il revient à chaque citoyen de consulter les sources, de fouiller les sites, de visionner les vidéos, les films, de lire les articles etc. Le problème, c’est que la montagne de documents est si haute qu’on est parfois tenté de prendre le télésiège... c’est-à-dire de prendre au sérieux des documents douteux, parcequ’ils semblent souligner des évidences, relever du bon sens, ou simplement parcequ’ils sont convaincants.

C’est un lieu commun de dire qu’on trouve de tout sur Internet, le pire comme le meilleur. Ceux qui défendent des théories alternatives sont souvent des gens honnêtes et sérieux qui, face aux évenements actuels, cherchent à comprendre, tant il est vrai que le 11 septembre est un évènement fondateur.

Et pourtant, au moment où ces efforts commencent à payer, ces derniers font face à deux menaces grandissantes. La première est l’effet « big tent ». La nébuleuse des théories alternatives, au moment où elle prend de l’ampleur, risque d’accueillir en son sein (« sous la tente ») des éléments dangereux : négationnistes, révisionnistes, à l’image par exemple du site American free press, connu pour être lié à des groupuscules d’extrême droite. Ce dernier est néanmoins parfois cité dans les milieux des « truthseekers », comme on les appelle parfois.

Le deuxième risque est bien sûr d’être dénoncé non plus seulement comme des « complotistes », mais comme des alliés objectifs des négationnistes. Ces deux menaces sont en train d’émerger. Si les débats sur le 11 septembre devaient un jour plus faire surface dans la presse traditionnelle, ces « armes » seraient utilisées. Elles sont potentiellement dévastatrices.

Pour éviter le phénomène de « Big Tent » et les procès en négationnisme, les cyber-citoyens qui s’intéressent à ce sujet doivent être plus vigilants qu’ils ne le sont aujourd’hui. Les critiques ont raison de dire que les méthodes d’investigation sur Internet laissent à désirer. Il est évident qu’une opinion d’expert ou un témoignage dissonant ne constituent pas des preuves. Plus grave, même une information recoupée dans plusieurs journaux n’est pas fiable à 100% : une dépêche AP, AFP ou Reuters ne suffit pas.

Faute de faire ce travail, le risque est grand de subir le sort de Denis Robert, auteur de plusieurs livres sur l’affaire Clearstream 1. Son premier livre sur le sujet, Révélations, a été taxé de « peu sérieux » par certains à la suite d’une erreur somme toute mineure : avoir confondu le sigle DGSE (direction générale des services étrangers) avec la direction générale des services extérieurs du ministère de la défense.

Par manque de moyens concrets (dont seule une véritable enquête indépendante pourrait disposer), les cyber-citoyens n’ont souvent que des doutes (même bien étayés) à opposer à la version officielle qui, il faut l’avouer, dispose à l’inverse de bien peu de preuves.

Pour ce qui est de la méthode, la confrontation directe entre avocats et détracteurs des théories officielles et alternatives reste la plus efficace. Trop souvent, les deux camps se sous-estiment, s’insultent, se soupçonnent de manipulations, ou pire, s’ignorent. Par exemple, Mike Williams (du site 911myths.com) a analysé et mis en doute nombre de « preuves » mises en avant par les défenseurs des théories alternatives. Il n’en discrédite pas pour autant les théories LIHOP ou MIHOP, mais permet de faire le tri et donc de renforcer les éléments les plus crédibles de ces dernières.

C’est seulement d’une confrontation honnête, sereine, et « à froid » de ces deux types d’arguments que la « vérité » pourra emerger. Les « truthseekers » n’ont pas seulement l’obligation morale d’être irréprochables dans leur démarche : c’est fondamentalement le seul moyen d’arriver un jour à des résultats.

Quoiqu’il en soit, force est de reconnaître que ce sont d’abord les citoyens américains qui devront faire la lumière sur cette tragédie. En attendant, beaucoup de problèmes méritent d’être résolus ici même, en France. Plusieurs mouvements (logement, immigrés) ont pris forme : on ne peut que s’en féliciter.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les Etats-Unis ne sont pas « l’hyper-puissance » que l’on décrit souvent. Il suffit d’ouvrir un journal pour voir que sur tous les fronts, on assiste à une certaine « normalisation » de la puissance américaine. La baisse du dollar, les échecs flagrants en Irak et en Afghanistan, la « révolution bolivarienne », le pied de nez nord-coréen... Tous ces éléments discréditent l’idée d’une Amérique toute-puissante. Ils soulignent en creux l’incohérence d’une Europe trop désunie.

Alors, que faire ? Être vigilant, d’abord. Pour faire évoluer les mentalités, il faut être irréprochable en ce qui concerne la méthode de constitution d’un dossier à charge contre la théorié officielle : on ne fera pas de cadeaux aux « truthseekers ». Qu’une seule erreur soit commise (si finalement le vol 77 était bien en cause au Pentagone, par exemple), et toutes les chances de démontrer une faute lourde de l’administration Bush risquent d’être balayées. Mieux vaut quelques preuves bien étayées qu’une multitude de doutes.

De manière plus générale, les évolutions en cours de la démocratie (déclin des médias traditionnels, surveillance croissante des populations au nom de la sécurité, etc.) sont préoccupantes. Au-delà de l’enjeu du 11 septembre, il faut rappeler à nouveau que seule une Union européenne prospère et démocratique peut permettre à tous ceux qui sont indignés par le cours des évènements d’essayer de l’infléchir.

Le débat sur les attentats de 2001 n’est en définitive pas un but en soi, même s’il est très important. Il fait partie d’une réflexion plus fondamentale sur la démocratie et sur le monde actuel. Ce débat pourrait devenir, si ses participants sont plus exigeants, la matrice d’une nouvelle forme de débat sur Internet, prémices à la renaissance d’un « quatrième pouvoir » dont on a grand peine à percevoir les contours aujourd’hui.


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