Dieudonné... un politicien comme un autre

par Patrick Adam
mardi 9 mai 2006

Déclaration relevée dans une dépêche de l’AFP relatant un déplacement de M. Dieudonné au congrès de l’UOIF samedi 6 mai, au Bourget. (A noter que l’UOIF - Union des organisations islamiques de France - ne doit pas être confondue avec le CFCM - Conseil français du culte musulman. Il n’en est qu’une des composantes les plus radicales).

 

 

"Je suis athée, né chrétien, mais je suis avec ces gens en particulier de l’UOIF qui m’ont soutenu dans mes épreuves, dans un combat commun pour l’égalité."

 

 

Oyez ! Oyez, braves gens ! Un brave apostat chrétien vient rendre une visite d’amour courtois et de solidarité à des religieux islamistes qui condamnent toujours de la façon la plus rigoureuse qui soit toute possibilité d’apostasie de l’islam (officiellement "à mort" - mais chut, là aussi, on a peut-être déclaré en catimini un « moratoire », comme pour l’adultère). Décidément, la cohérence idéologique ne semble toujours pas être le premier souci de M. Dieudonné. A suivre ses jugements à l’emporte-pièce, ses vindictes ciblées, ses fréquents dérapages suivis de rectificatifs emberlificotés, on se perdrait un peu, mais si on comprend le sens du message subliminal délivré lors de cette visite et si on lit entre les lignes, quand il rend un hommage aussi appuyé à l’UOIF, c’est pour remercier ses amis barbus d’éminents services rendus. Bel aveu de connivence. L’amitié politique se noue souvent sur le dos d’un ennemi commun. Suivez mon regard... On appelle ça le rapport des forces en présence. M. Dieudonné semble être déjà un bon politicien.

 

 

Pour ce qui est du programme... on verra plus tard, mais à travers cette visite, on peut imaginer qu’il soutient sans trop barguigner le long travail de sape de ses nouveaux camarades de jeu pour imposer le port du voile à l’école et la viande hallal dans toutes les cantines de l’hexagone, pour l’implantation de salles de prières à l’usine et dans les supermarchés, pour la non mixité dans les piscines ou dans les cours de gymnastique, pour la mise en place de « filières » médicales féminisées dans les hôpitaux, pour la révision des livres d’histoire qui évoquent Charles Martel et les Croisades et pour l’interdiction formelle du blasphème envers tous les prophètes et consorts. La dépêche de l’AFP ne précise pas si, lors de cette visite, M. Dieudonné a fait allusion à quelques-uns de ces « délicats » sujets qui, ouvertement ou pas, sont pourtant au cœur du combat que mène l’UOIF au sein de sa propre communauté, avant de l’imposer au reste du pays, bien plus que « la discrimination à l’embauche et au logement », comme il semble vouloir nous le faire accroire. Parce que pour ce qui est de la « discrimination », c’est quand même un concept que les barbus de tous poils affectionnent particulièrement, et sous toutes les latitudes. Ils y sont même plutôt accros, vu qu’ils ne vivent que de ça.

 

 

Il n’est pas si lointain le temps où tous les observateurs occidentaux guettaient le moindre déplacement d’un homme politique dans l’ex-URSS ou dans les pays de l’Est pour tester son courage et son engagement démocratique à l’aune des allusions qu’il allait avoir le courage de faire sous les ors du Kremlin à propos du goulag, des refuzniks ou des droits de l’homme. Ceux qui se déplacent aujourd’hui en Chine sont soumis à un « régime » identique, quoique nettement plus light, mais le rituel est toujours là. Et quoi de plus normal ? La démocratie doit s’afficher et elle se doit d’interroger en face ses interlocuteurs qui signent des deux mains des tas de conventions internationales et qui s’empressent de s’asseoir dessus avant que l’avion de leur invité n’ait atteint le bout de la piste de décollage. Mitterrand à Moscou, et à son retour, bien plus que de questions sur les contrats gaziers ou sur les vente d’avions, c’était : « A-t-il parlé de Sakharov ? A-t-il dit une phrase, deux phrases ? Est-ce que le ton y était ? » Aujourd’hui on reçoit en Europe des personnalités de confession musulmane qui refusent de serrer la main de leur hôte sous prétexte que c’est une femme... Et, veau d’or et CAC 40 aidant, l’Europe entière se tait devant l’ignominie.

 

 

M. Dieudonné préfère aller faire les yeux doux à ses nouveaux amis sans rien leur demander de ce qui pourrait les fâcher car, s’il est candidat à la présidentielle l’an prochain, c’est une partie non négligeable de cet auditoire intégriste qui lui permettra peut-être d’atteindre le remboursement de ses frais de campagne. Alors il oublie soigneusement de les questionner sur des problèmes de société qui les intéressent au premier chef et qui agitent l’ensemble de la société française. Dès sa première sortie de « présidentiable », M. Dieudonné s’avère n’être qu’un politicien comme un autre. Qu’il cesse donc de donner des leçons de civisme et de moralité à une classe politique dont il adopte, non sans un certain talent on doit le reconnaître, les pires comportements.

 

 

En dernier ressort, on peut se demander si, dans le cœur des Français non musulmans, l’UOIF va beaucoup profiter de cette visite qui a toute les allures d’une provocation à des fins électoralistes. Il serait alors malaisé aux nouveaux censeurs qui tentent d’occuper par tous les moyens l’espace médiatique - et pour ne pas dire crapuleusement injuste - de reprocher à M. Sarkozy (qu’on apprécie le personnage ou pas n’a rien à voir ici) de s’exprimer ou d’agir selon une ambition politique affichée, en justifiant, voire en cautionnant cette même attitude chez M. Dieudonné.

 


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