Electricité : augmentation des tarifs et dégradation de la qualité en perspective pour 2007

par Henry Moreigne
jeudi 28 décembre 2006

2007 annus horribilis. Pour les consommateurs français, l’ouverture à la concurrence du secteur électrique devrait laisser de mauvais souvenirs. La marchandisation du secteur énergétique voulue par Bruxelles et imposée par l’Etat français à EDF s’annonce électrique. L’Union européenne, tous comme les gouvernements français qui se sont succédé depuis 1996, ont sous-estimé les particularités du marché de l’électricité.

Selon Marcel Boiteux, l’ancien président d’EDF, "La productivité et les tarifs d’EDF font envie à beaucoup de nos voisins. Mieux vaut en rester à la solution du monopole nationalisé investi d’une mission d’intérêt général." Rien n’y fait. Le dogme du libéralisme à tout crin l’emporte sur la raison. EDF est depuis la loi du 9 août 2004 une société anonyme. L’ouverture totale du marché électrique est programmée pour juillet 2007. Contrairement pourtant à certaines affirmations, les Français ne payaient pas deux fois leur facture d’électricité, une fois avec EDF, l’autre avec l’impôt. EDF était une entreprise rentable, seulement coupable d’investissements hasardeux à l’international, qui reversait des excédents au budget de l’Etat.

A la question : qu’ont à gagner les Français dans la dérégulation, la réponse est simple. Rien. Et beaucoup à perdre. Rien en effet, s’ils ne font pas partie des privilégiés susceptibles de devenir actionnaires d’EDF ou des opérateurs privés émergents.

La Commission européenne s’intéresse en fait à l’énergie depuis le tout début des années 1990, dans la foulée de l’acte unique et surtout de la mise en place du grand marché intérieur. Elle considère "que l’ouverture totale du marché de l’énergie est un facteur clé de l’amélioration de la compétitivité de l’Europe et du bien être de ses habitants". Les différences de prix, notamment pour les industriels, selon le pays membre, sont directement visées. Dans cette logique, un prix harmonisé de l’électricité doit permettre de gommer les différences qui altèrent la concurrence entre entreprises européennes.

Mais, les choses ne sont pas aussi simples. Au-delà du fait que l’harmonisation des prix se fera par le haut et que la facture sera donc acquittée par les ménages et entreprises qui bénéficiaient des tarifs les plus bas (les Français), les dérégulations menées à l’étranger sont souvent synonymes de pagaille et de services peu fiables. Comme l’indique François Soult dans son ouvrage EDF, chronique d’un désastre inéluctable : "En Suède, les prix durant les hivers rudes flambent de 250 %. En Californie entre 2001 et 2002, la facture électrique a explosé et les Californiens ont été soumis à des coupures sauvages." Ces exemples ne sont pas, hélas, uniques.

Il est évident que la logique du marché n’est pas celle du service public. Elle vise à réaliser en premier des bénéfices, pas à fournir un service au public. Fort du principe que tout ce qui est rare est cher, le meilleur moyen, le plus simple aussi, de garantir la rentabilité, c’est d’organiser la pénurie et de la rendre structurelle. La très grande particularité de l’électricité, c’est que c’est une énergie non stockable dont le niveau de production doit rester collé à la courbe de la demande. Or, outre les pics de consommation liés aux conditions climatiques, nous consommons toujours plus d’électricité.

La contrainte peut être utilisée de façon positive ou négative. La façon vertueuse, c’était quand EDF pratiquait des tarifs incitant à un étalement de la consommation. Les fameux EJP par exemple. La façon déviante, c’est de laisser faire et d’augmenter fortement les tarifs lorsque la consommation explose. Et c’est là qu’on touche l’autre spécificité de l’électricité. C’est qu’elle correspond à un besoin essentiel, vital, qui rend le consommateur captif. Qui va couper son chauffage par moins 15° parce que les tarifs ont quadruplé dans le même temps ? Personne, hormis le mauvais payeur qui sera automatiquement déconnecté.

Il serait plus rationnel d’améliorer le réseau de distribution, d’accroître les capacités de production et de mener une politique tarifaire et fiscale qui incite le consommateur à faire des économies, sans pour autant le pénaliser financièrement. La complexité et l’ampleur d’un tel programme nécessitent des moyens dont seuls disposent un Etat national ou supranational. Mieux vaut en tout état de cause des prix réglementés qu’une prétendue libre concurrence qui finit toujours par être faussée par des ententes illégales mais difficilement démontrables, à l’image, entre autres, de ce qui se pratique dans le secteur des télécommunications.

EDF aurait pu être un modèle dans la construction européenne. On a choisi de donner la préférence au marché plutôt qu’à l’homme, quitte à s’en mordre les doigts. Et ceux qui ont fait ce choix s’étonneront demain du rejet d’une certaine Europe.

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