François Bayrou, le discours à l’épreuve des faits

par Nicolas Cadène
mardi 5 décembre 2006

Je tiens à m’inscrire dans la suite de l’intéressant article de Stassin qui s’intitulait  : « Bayrou gifle Chazal, comme un symbole... ».

En effet, il est sans doute exact que François Bayrou a « giflé TF1, les médias et la pensée unique ».

Sa prestation a été assez bonne, et je partage son point de vue sur le rôle et sur l’attitude de certains médias dans le débat politique, notamment TF1, chaîne proche du candidat Nicolas Sarkozy.

Mais comment croire aux belles paroles du président de l’UDF, en ce rassemblement « de toutes les forces républicaines » ?

On sait combien l’UMP est éloigné du Parti socialiste et combien le parti majoritaire actuel, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a tendance à se tourner vers sa droite, au moins dans sa stratégie et dans le langage politique qu’il emploie.

Il n’est pas raisonnable de penser à une quelconque coalition tant les divergences sont grandes, bien plus qu’elles ne le sont, en Allemagne, entre le SPD et la CDU.

Concernant une simple coalition avec l’UDF, l’hypothèse estenvisageable, mais bien loin d’être praticable.

Pourtant, les 28 et 29 janvier 2006, lors du Congrès extraordinaire de Lyon, les adhérents de l’UDF (91,1% des votants) ont apporté leur soutien à la motion du président François Bayrou définissant l’UDF comme un « parti libre », au centre, indépendant des majorités et en opposition à la droite comme à la gauche. Les partisans d’une alliance pré-électorale avec l’UMP, menés par le ministre Gilles de Robien, ont été marginalisés au sein du parti. Gilles de Robien a été suspendu de ses fonctions exécutives au sein du parti après son entrée au gouvernement de Villepin, acte contraire à la décision de non-participation de l’UDF.

Mais tout en soutenant, pour la plupart, la ligne défendue par François Bayrou, un certain nombre d’élus locaux de l’UDF et de parlementaires ont exprimé leurs réserves quant à une application trop radicale.

Rappelons en effet que l’UDF participe à de nombreux exécutifs de collectivités territoriales (communes, départements, région) aux côtés de l’UMP, ce qui la place toujours comme un allié de fait de la droite. Il est d’ailleurs à noter qu’il n’existe aucune collectivité territoriale de taille importante qui soit cogérée par l’UDF et un parti de gauche.

Les députés UDF n’ont voté ni la confiance au gouvernement de Villepin, ni la motion de censure déposée contre ce gouvernement le 21 février 2006 par les députés socialistes.

Le 16 mai 2006, dans le cadre de l’affaire Clearstream 2, François Bayrou et dix autres députés UDF votent la motion de censure déposée par l’opposition (Parti socialiste) contre le gouvernement. C’est la première fois, depuis la création du parti en 1978, qu’un dirigeant centriste se rallie à un texte de cette nature. Toutefois, la position de François Bayrou est restée minoritaire au sein de son propre groupe parlementaire, qui compte trente membres.

En réaction, Gilles de Robien, seul ministre UDF du gouvernement, a lancé, le 21 mai, le cercle Société en mouvement, favorable à l’appartenance de l’UDF à la majorité.

On le voit, l’UDF reste un allié de l’UMP : il y a là une différence entre les discours de François Bayrou et les faits, les actes.

Dans la majorité des cas, les voix de l’UDF s’additionnent aux voix de l’UMP pour l’adoption des lois au Parlement, même si le budget 2007 n’a été voté à l’Assemblée nationale que par les députés UMP (c’est dire d’ailleurs à quel point ce projet de loi de finances est jugé inefficace).

Dernièrement, ce sont les voix centristes qui ont permis au Sénat l’adoption du projet de fusion GDF-Suez (aujourd’hui remise en cause par une décision de Justice qui impose un délai important).

Egalement, Michel Rocard qui a participé à l’Université d’été de l’UDF, a réaffirmé dernièrement l’impossibilité actuelle pour le PS de s’allier à l’UDF, trop à droite sur les questions économiques. Il y a bien une différence entre social-libéralisme (UDF) et sociale-démocratie (majorité du PS).

Le discours de M. Bayrou est agréable. On pourrait le résumer ainsi : enfin, dépassons les clivages et construisons ensemble la France de demain.

M. Bayrou est peut-être sincère, mais son discours n’est pas représentatif d’une volonté générale au sein de son parti, dont les membres sont majoritairement plus proches de Nicolas Sarkozy que de Ségolène Royal.

Peut-être aussi M. Bayrou parle-t-il de « coalition » simplement parce qu’il sait ne pas être en capacité d’obtenir une quelconque majorité au Parlement (actuellement, l’UDF compte vingt-sept membres et trois apparentés, contre cent sept membres et sept apparentés sous la précédente législature, avant la création de l’UMP).

Dans les faits, et c’est malheureux, c’est toujours avec l’UMP que l’UDF vote les lois, c’est toujours avec l’UMP que l’UDF négocie ses investitures.


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