Hezbollah-Israël : pourquoi cela risque de durer
par Lucien-Samir Arezki Oulahbib
mercredi 26 juillet 2006
La nouvelle est pratiquement passée inaperçue alors qu’elle a fait la une des journeaux en Italie : un observateur italien de l’ONU a été gravement blessé dimanche dernier par des tirs du Hezbollah dans le sud du Liban, il s’agit du capitaine Roberto Punzo. Cette information n’est pas quelconque et se distingue des derniers erreurs de tirs effectuées par l’armée israélienne sur un autre poste onusien en ce que le Hezbollah ne veut pas de force d’interposition dans le sud-Liban alors qu’Israël vient d’en faire la requête.
La nouvelle est pratiquement passée inaperçue alors qu’elle a fait la une des journaux en Italie : un observateur italien de l’ONU a été gravement blessé dimanche dernier par des tirs du Hezbollah dans le sud du Liban, il s’agit du capitaine Roberto Punzo. Cette information n’est pas quelconque et se distingue des dernières erreurs de tirs effectuées par l’armée israélienne sur un autre poste onusien en ce que le Hezbollah ne veut pas de force d’interposition dans le sud-Liban alors qu’Israël vient d’en faire la requête.
L’intérêt du Hezbollah ne semble pas, en effet, aller dans ce sens parce que cela irait à l’encontre de son attaque délibérée envers Israël, et ce en vue d’une stratégie bien plus vaste qu’une demande d’échanges de prisonniers -qui ont par ailleurs du sang sur les mains- (si ce n’est pas le cas le Hezbollah pourrait demander leur transfert devant la Cour internationale de Justice...).
Le Hezbollah n’est pas un parti "nationaliste" au sens occidental du terme ( défendant un sentiment patriotique ), puisque sa seule nation, c’est l’islam, et le code de lecture se trouve à Téhéran. Même un commentateur aussi critique d’Israël et des USA comme Olivier Roy est obligé de convenir (dans le Monde daté du 21 juillet) que l’Iran est derrière la crise actuelle. Son président a déjà annoncé, il y a quelques mois, se préparer à la guerre totale avec Israël, en menaçant d’utiliser l’arme atomique si nécessaire. Mais avant cela, il faudrait que "la rue musulmane" se soulève et permette qu’un vaste courant pan-islamiste se constitue autour de son offensive. En un mot, les sunnites devraient accepter que les chiites mènent l’offensive contre Israël en particulier, et l’Occident en général. Pour l’instant ce n’est pas gagné, même si des pays comme l’Algérie et l’Arabie Saoudite accusent de plus en plus Israël, utilisant en fait l’évènement pour faire taire leur opposition interne.
La rue musulmane ne se soulève pas, (elle est même excédée par la volonté des djihadistes toutes tendances confondues de l’entraîner vers l’enfer de la guerre, hormis quelques excités et leurs homologues assis bien tranquillement devant leur TV à Paris et à Londres...), le bras armé de l’Iran, le Hezbollah, cherche à tout prix à créer ce soulèvement, espérant réussir là où les Palestiniens ont échoué. Il fait donc pression sur les opinions musulmanes et internationales par la médiatisation des dégâts quotidiens causés par les guerres (mais les populations occidentales l’ont oublié...), utilisant ici la même tactique que les organisations palestiniennes toutes tendances confondues. Il espère cependant que cela marchera mieux parce que cette fois l’enjeu est religieux : l’islam doit triompher, autrement cela voudrait dire que le Coran, c’est-à-dire la Parole de Dieu, s’est trompé sur la question de ce triomphe, ce qui est non seulement impossible, mais impensable, dans ce cas cela implique de choisir à terme son camp, soit celui de Dieu soit celui des infidèles, incroyants et autres américano-sionistes.
Pour réussir un tel ralliement, il est clair qu’il faut du temps, et des alliés, même occasionnels. Ceux-ci sont tout trouvés avec le nombre de politiciens et de médias occidentaux qui n’ont de cesse de mettre en avant les victimes civiles pour des raisons soit électoralistes, soit pacifistes, appelant par exemple au cesser le feu, sans considérer que celui-ci permettrait au Hezbollah de retrouver des forces avant de contre-attaquer.
Une radio comme RFI a par exemple téléphoné dernièrement au responsable de la sécurité de l’ambassade de France à Beyrouth pour lui demander s’il pouvait observer les conséquences de cette "catastrophe humanitaire". Celui-ci a répondu sur un ton neutre de militaire en activité que la situation était semblable à celle qui existe en situation de conflit, avec une flambée des prix et un afflux de réfugiés, décevant le journaliste qui s’attendait sans aucun doute à la description d’un vrai génocide libanais.
Si le Hezbollah arrive à susciter l’émotion -et il y arrive de plus en plus lorsque l’on observe les médias et les blogs, même la majorité silencieuse, elle, semble lassée par cette guerre sans fin-, il semble probable qu’une force d’interposition soit utilisée ; aussi il est dans son intérêt d’empêcher un tel déploiement en intimidant les pays qui, comme l’Italie veulent être à la pointe de cette proposition, d’où l’incident du dimanche 23 juillet. En même temps, si ce déploiement a quand même lieu, il sera toujours possible de faire comme en Afghanistan (et à...Beyrouth il y a vingt ans) en envoyant des camions piégés sur les "forces d’occupation", le Hezbollah se redorant ainsi le blason, puisque la force d’interposition apparaîtra plutôt comme une force protégeant "l’ennemi sioniste" du feu islamique.
Téhéran attend donc le résultat de son investissement médiatique accompagnant la seconde étape (la première étape étant ses déclarations de l’automne dernier sur la nécessité de continuer une guerre qui dure depuis des centaines d’années) : les régimes sunnites seront à terme débordés par leur rue, à force de voir des morts affichés en gros plan dans les médias, occidentaux y compris ; mais ce n’est pas évident que "la" rue, surtout urbaine, (c’est-à-dire aspirant à un certain confort, une quiétude...) se soulève ainsi... d’autant que la saison estivale commençait à battre son plein à Beyrouth et que les habitants du Golfe s’apprêtaient à y déverser leurs pétrodollars dans des nightclubs ayant de nouveau pignon sur rue. Sur ce point d’ailleurs le Hezbollah fait d’une pierre deux coups : il voyait évidemment d’un très mauvais oeil ce mode vie non islamique proliférer voire prospérer d’une part, d’autre part, l’énergie ainsi non dissipée, et frustrée, peut être un excellent carburant pour la guerre à venir.
Mais comme ce scénario a donc encore du mal à prendre, il s’agit pour Téhéran, du moins semble-il, soit d’attendre que le nombre de victimes civiles permette le ralliement de la rue sunnite, soit de créer un évènement majeur dont l’impact psychologique serait tel qu’il ne pourrait que rallier les indécis et définitivement déclencher la "guerre totale" comme le clame le Hezbollah, porte-parole de Téhéran...
L’Iran a en effet encore besoin de deux à trois ans pour mettre au point sa bombe atomique, ces années ne seront pas de trop pour faire monter la mayonnaise qui s’effectue sous nos yeux... incrédules, tant il est courant de penser dans nos contrées que le Mal ne peut qu’être qu’occidental, qu’il vient uniquement du Nord, tandis qu’au Sud, en particulier en Orient, il n’existerait que gentillesses, poésie, religion de paix, loukoums et danse du ventre... Il s’avère de plus en plus qu’il n’en est rien, mais n’en parlons pas puisque la faute en reviendrait évidemment à.. Israël... C’est à cause de ce pays qu’un tel paradis aurait été perdu, avant lui, la région, voire le monde entier, en particulier en Europe, par exemple en 1914 et en 1939, baignaient dans de tels délices...
Il serait peut-être temps de se réveiller d’un tel ensorcellement...