Il n’y a plus de travail
par Gilles Louïse
vendredi 24 novembre 2006
Je répéterai inlassablement que dans la société moderne, il n’y a plus de travail. Cela signifie qu’il n’y a plus aucune commune mesure entre l’offre et la demande.
Le travail de masse est appelé à disparaître. D’ailleurs, il est facile de voir que beaucoup de gratte-papier dans les bureaux n’ont socialement aucune utilité : on ne les garde que pour ne pas les mettre au chômage alors qu’ils ne servent strictement à rien, même s’il leur est impossible de le reconnaître.
Il faut désacraliser le travail, indemniser les personnes qui en sont privées (ce qui a été fait dans l’urgence avec cette invention récente qu’est le RMI) et valoriser le travail incompressible restant. Si le travail a été jusqu’à présent indispensable du fait d’une faible productivité, il n’est plus nécessaire au troisième millénaire où la vie doit être pensée autrement.
La mauvaise conscience qu’on insinue dans l’âme du chômeur est également un frein à sa créativité. Les chômeurs ne sont pas chômeurs, ils sont « disponibles », et ça changerait déjà tout de les appeler ainsi.
C’est la définition du travail qui est vicieuse : activité rémunérée. Or, un chômeur travaille d’une manière ou d’une autre, dans l’impossibilité où il est de rester totalement inactif des journées entières, mais ses activités ne sont pas rémunérées. Et l’on ose régulièrement inciter au bénévolat alors que le bénévolat est aussi une cause de paupérisation.
L’équation « travail=argent=pain » n’a plus de sens aujourd’hui, « gagner sa vie » non plus, et l’idée d’un dividende universel, c’est-à-dire de rendre la vie définitivement gratuite, émerge et commence à convaincre.
Il faut cesser de croire à la valeur universelle du travail et accepter de diviser le monde en deux : ceux qui travaillent, soit parce qu’ils peuvent s’intégrer dans ce processus, soit parce qu’ils sont en situation de créer leurs propres activités, et ceux qui ne travaillent pas au sens classique du terme mais qui participent à la société par leur présence et leur disponibilité.
Le chômage de masse va très durement s’intensifier au cours des décennies à venir. S’il a été utilisé et volontairement amplifié par une politique d’immigration pour créer une concurrence à bas coûts et à grande échelle, imposer la baisse des salaires et augmenter le profit, il est devenu irréversible et n’est maîtrisé que par le calcul biaisé des statistiques officielles.
C’est tellement simple de comprendre que tout a été automatisé tous azimuts et que ça continue, qu’un ordinateur-robot est plus efficace et plus fiable qu’un humain sur des tâches répétitives (même l’ANPE appelle désormais les candidats par synthèse vocale !), qu’il peut travailler 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, qu’il n’a besoin que d’électricité et d’un peu d’entretien de temps en temps, qu’il n’a aucune revendication d’aucune sorte, sans congé maternité ni vacances, et qu’on peut en construire dix mille, cent mille... Même si ça ne supprime pas mécaniquement dix mille ni cent mille emplois, ça en supprime énormément au bout du compte et ça n’en crée jamais aucun numériquement, c’est mathématique.
Selon les spécialistes, le suicide sera dans une dizaine d’années la première cause de mortalité. C’est d’ores et déjà le cas aujourd’hui pour la tranche d’âge des 24-35 ans, mais ce sera vrai, assez prochainement, grosso modo dans quelques milliers de jours, pour tous les âges confondus. Et bien évidemment le déni de vérité sur des évidences de ce genre ne fera qu’accroître ce phénomène, puisque beaucoup d’exclus sont nécessairement habités par cette problématique. Tout a un prix, l’autruche aura le sien.
On a mis près de trente ans à pouvoir prononcer le mot immigration sans se faire traiter de fasciste, mettra-t-on trente ans à reconnaître qu’il n’y a plus de travail ?