...ils ne savent pas ce qu’ils font...

par Paul ORIOL
samedi 19 avril 2025

Que la justice suive son cours pour Marine Le Pen, François Bayrou, leurs coaccusés et autres.

Le 5 février 2024, dans l’affaire des assistants parlementaires européens du Modem, le tribunal correctionnel de Paris a jugé et relaxé, au bénéfice du doute, François Bayrou et deux coaccusés pour complicité de détournement de fonds publics. Huit autres étaient condamnés ainsi que le Modem.
Le 31 mars 2025, dans l'affaire des assistants parlementaires européens du Front national (FN) devenu Rassemblement national (RN), le tribunal correctionnel de Paris a condamné, Marine Le Pen pour détournement de fonds publics, à quatre ans de prison dont deux ferme sous bracelet, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, avec application immédiate, ce qui signifie qu'elle ne pourrait pas se présenter aux élections présidentielles de 2027. Condamnés aussi coaccusés et RN.

François Bayrou s'est dit troublé. Par la condamnation de Marine Le Pen.
Non par sa relaxe.
Solidarité d’inculpés ? Désintéressée ?

Il faut être expert dans la justice et le droit, ce que ne sont pas la majorité des citoyens qui votent ou non RN, pour comprendre que François Bayrou a été relaxé tandis que ses collaborateurs étaient condamnés. D’ailleurs, le parquet lui-même n’a pas compris.
Il avait requis des peines de 30 mois de prison avec sursis, 70.000 euros d'amende et trois ans d'inéligibilité, pour François Bayrou, Il a donc fait appel de cette relaxe !
Marine Le Pen - et certains de ses coaccusés condamnés - a, aussi, fait appel de sa condamnation. La justice a fait une faveur à Marine Le Pen et à François Bayrou.

Pour Marine Le Pen, la justice a accéléré la procédure, en annonçant que le jugement en appel serait rendu avant l'été 2026, ce qui permettra à Marine Le Pen de participer éventuellement à la présidentielle de 2027 si le jugement est révisé. Ce qui n’aurait pas été possible si le lent cours de la justice avait été respecté : les jugements en appel sont habituellement rendus plusieurs années après la première décision. Au RN, de prendre ses dispositions si la sentence était maintenue.

François Bayrou a pu être nommé, pur et sans tâche, premier ministre le 13 décembre 2024. Le lent cours de la justice étant respecté concernant l’appel déposé le 5 février 2024 par le parquet sur sa relaxe : une éventuelle condamnation n’interviendra que bien plus tard.


Après la bataille...

Pour les emplois fictifs, François Bayrou ne savait pas ce que faisaient ses collaborateurs.
Il ne savait pas ce qu’il se passait à l’école où ses enfants étaient scolarisés et où son épouse enseignait le catéchisme. Ni en tant que père, ni en tant que maire de Pau, ni en tant que président du conseil général des Hautes-Pyrénées, ni en tant que ministre de l’Éducation nationale, ni même quand il a insisté pour être nommé premier ministre. C’est cependant par la nécessité de rester en contact avec ses administrés qu’il justifie le cumul de ses nombreux mandats !

En tant que premier ministre, sait-il ce que font actuellement ses collaborateurs, ?

Quoi qu’il en soit, maintenant, il sait beaucoup de choses sur Betharam, sur les emplois fictifs et demeure premier ministre, troublé certes par la condamnation de Marine Le Pen.
Tout cela est bien bon pour le RN.

Personne ne peut plus nier ce qu’il s’est passé à l’école de Notre-Dame de Bétharram et ailleurs : plus de 200 plaintes pour violences physiques et sexuelles seulement à Bétharram. La question la plus grave n’est pas la perversité des personnes qui ont commis de tels actes. Mais le fait que ces faits se sont produits durant des décennies. François Bayrou ne savait pas, le secrétaire général de l’enseignement catholique ne savait pas. Il affirme même, je rêvais [pourquoi ?] que nos 7.500 établissements soient contrôlés, nous n’avons rien à cacher. Car s’il avait su, il aurait eu l’obligation de signaler les faits. Et donc l’Assemblée des évêques de France qui nomme le secrétaire général de l’enseignement catholique de France ne savait pas non plus. Car si elle avait su… D’ailleurs maintenant qu’elle sait, comme tout le monde, elle n’a pas renouvelé le secrétaire général dans son poste...

Le secrétaire général de l’Enseignement catholique est responsable entre autres de suivre les programmes de l'Éducation nationale tout en intégrant des valeurs et une éducation inspirées par la foi catholique. Comme les méthodes éducatives subies par les plaignants ? Il rejette l’idée d’une responsabilité exclusive des établissements privés sous contrat et insiste sur une prise de conscience plus large : Toute la société est responsable, il n’y a pas que l’école, c’est une responsabilité collective, il faut la tenir.
Il a presque raison. Car en dernier ressort, c’est à l’Éducation nationale de contrôler les établissements sous contrat. Et comme l’Éducation nationale contrôle rarement, elle ne sait rien. Ni les ministres successifs de l’Éducation nationale, même s’ils ont leurs enfants scolarisés dans certains de ces établissements à problème (François Bayrou n’est pas le seul).

Ces établissements scolaires privés sont sous contrat. Comme, maintenant, le premier ministre, la ministre de l’éducation nationale, les préfets (à Lille, c’est le préfet qui a mis fin au contrat du lycée Averroès), tous le monde sait, qui mettra fin aux contrats de l’État avec ces écoles ? Et quand ?

Finalement, c’est une responsabilité collective sous laquelle le secrétaire général veut disparaître. C’est nous qui sommes responsables. Est-ce un appel à se débarrasser des contrats, des institutions ou des gouvernants successifs ? À prendre les choses en main, à l’autogestion ou à voter RN ?

La condamnation de Marine Le Pen, du RN et de ses coaccusés clarifie certaines choses concernant le RN.
Le FN du père est devenu le RN de la fille. Quel que soit le passé politique des fondateurs du Front, que leurs idées soient bien affichées ou en retrait. Marine Le Pen a réussi la dédiabolisation.
Elle a même exclu, en 2015, son père-fondateur et s’humanise aujourd’hui en disant sa tristesse.
Par aveuglement ? Par paresse ? Certains nient l’importance de cette évolution. Pas les électeurs !

Par sa sentence, le tribunal a déclaré délictueuse la pratique des militants, des élus et du parti.

Ils ont été reconnus coupables de détournement de fonds publics, environ 5 millions d’euros, dans le cadre de l'affaire des assistants parlementaires européens sous l’autorité de Marine Le Pen. Les intéressés ne contestent pas le jugement sur leur culpabilité, discrètement reconnue, certains refusent même de suivre Marine Le Pen et de faire appel de leur condamnation. La contestation du jugement ne porte pas tellement sur la condamnation mais sur une modalité de la peine infligée à Marine Le Pen. Non sur la prison, l’amende ou même sur l’inéligibilité.
Mais sur le côté immédiatement exécutoire.
En 2013, Marine Le Pen protestait contre une justice trop faible contre les personnalités politiques défaillantes parce qu’elles n’étaient pas condamnées à l’inéligibilité à vie. Elle s’insurge aujourd‘hui contre une justice trop sévère contre elle, condamnée à une inéligibilité à temps.

Plutôt que d’admettre la faute et de se consacrer à la croissance de son parti montrant que ce n’était qu’une erreur du passé, que le RN avait bien changé et continuait dans sa normalisation, Marine Le Pen et ses soutiens proches ont choisi de crier à une politisation de la justice, à une atteinte à la démocratie. Reprenant les outrances paternelles, ce qui a satisfait certains de ses partisans. Mais est ressenti comme un pas en arrière de la dédiabolisation dans et à l’extérieur du parti.
Après cet égarement calculé. Elle est revenue raisonnablement à l’Assemblée.

Elle a reçu le soutien spectaculaire au nationalisme français de la grande internationale démocrate. Santiago Abascal, dirigeant du parti espagnol Vox, Jair Bolsonaro, ex-président du Brésil, en procès pour tentative de coup d’État, Giorgia Meloni, Elon Musk, Viktor Orban, Dmitri Peskov, pour le Kremlin, Matteo Salvini, dirigeant de la Ligue en Italie, Geert Wilders, le leader néerlandais.
Et Donald Trump qui avait pourtant préféré inviter à son investiture Éric Zemmour et Sarah Knafo,

Les politiques ne peuvent être au dessus des lois. Qui doivent être appliquées par la justice, de façon égale, à tous les citoyens. Même si la plupart des condamnations n’ont pas de graves conséquences au niveau électoral. Malgré ou à cause du tous pourris.

La sentence, quelle qu’elle soit, aura probablement peu d’effets sur les électeurs. Le remplacement éventuel de Marine Le Pen par Jordan Bardella pourrait en avoir plus.
Ce qui fait prospérer le RN et l’abstention, ce sont, surtout, les espoirs déçus, les promesses non tenues, les jeux politiques. Plus que la couleur, variable, de l’étiquette gouvernementale, c’est la nature des mesures qui se ressemblent beaucoup !


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