L’Appel du Net (ADN), lettre ouverte aux candidats

par Charles André
jeudi 1er mars 2007

Un groupe de blogueurs a décidé d’interpeller les trois principaux candidats à la présidentielle, pour que l’éthique de responsabilité soit au coeur du débat crucial qui s’engage ; nous voulons avoir à choisir entre des projets de société et que les véritables enjeux soient traités...

Lettre ouverte à Ségolène Royal, François Bayrou et Nicolas Sarkozy.

Parmi les différents candidats qui se sont déclarés prêts à concourir la prochaine élection présidentielle, vous êtes les plus crédibles pour accéder à la magistrature suprême en raison de votre expérience, de votre crédibilité ou des intentions de vote. Dans quelques mois, l’un ou l’une d’entre vous s’inscrira dans une longue lignée de dirigeants qui prend sa source avec Clovis.

Nous sommes des blogueurs anonymes, des citoyens intéressés par le monde et la politique, soucieux de l’état de leur pays. Nous nous efforçons, par nos analyses et nos commentaires, d’éclairer les enjeux, d’apprécier vos propositions et de dégager le sens de cette campagne. Si la plupart d’entre nous ne sont pas engagés dans un parti politique, nous sommes en revanche tous des observateurs attentifs et exigeants du débat public. Votre début de campagne, où chacun d’entre vous promettait, qui le changement, qui la rupture, nous a donné l’occasion de parler réellement de politique.

Hélas, nous constatons que cette campagne perd chaque jour un peu plus en substance et nous craignons qu’elle ne finisse par s’enliser dans la tourbe qui a perdu tant de précédents rendez-vous électoraux. Le débat se résume de plus à plus à des petites phrases, des dénigrement sectaires et systématiques de vos adversaires, et à une multiplication de discours catégoriels destinés à flatter vos clientèles supposées, tout en faisant l’impasse sur les grands enjeux de ce début de siècle.

Vous être en train de vous laissez aller à une « starcadémisation » de la compétition électorale, soigneusement entretenue par des médias, plus soucieux de stimuler leur audimat que de contribuer à la formation du jugement du citoyen.

Certes, vous pourrez probablement gagner en 2007 comme d’autres avant vous ont gagné, au terme d’une campagne d’image et centrée sur votre personne ou le rejet de l’adversaire. Ce ne serait cependant pas un service qui vous rendrez à notre Pays. 2007 n’est, en effet, pas une campagne comme les autres. En ce début de siècle, la France se trouve confrontée à d’immenses défis qui conditionneront son avenir, auxquels le nouveau Président devra faire face et qu’il ne pourra pas traiter dans le dos du peuple qui l’a élu.

En 2007, la France fait face à une mondialisation qui transfère inexorablement le travail -y compris désormais le travail qualifié- dans les pays à bas salaires et organise l’évasion de nos capitaux. Notre modèle social est menacé par le libre-échange qui fait pression sur les salaires et la concurrence fiscale et sociale qui paupérise l’Etat.

En 2007, l’Europe est en panne depuis le non au référendum sur le projet de traité constitutionnel, sans qu’aucun dirigeant français ait jusqu’ici traduit l’expression populaire et la en projet alternatif.

En 2007, la France aborde le défi du vieillissement sans disposer des marges de manœuvre nécessaires au financement des retraites du papy boom ou à la prise en charge de la dépendance
- et ce dans le contexte d’une dette faramineuse.

En 2007, l’école n’est plus le creuset républicain d’autrefois. Elle fabrique chaque année une armée de jeunes sans qualification ayant pour seule perspective de vivre toute leur vie de revenus d’assistance. Elle est l’école de la désintégration sociale, de la violence, et du repli identitaire. L’Enseignement supérieur délivre des diplômes dévalorisés qui ne permettent plus aux jeunes de s’insérer comme leurs aînés sur le marché du travail. L’Université n’est pas armée pour faire face à la course mondiale à l’innovation.

En 2007, la France voit sa petite agriculture péricliter, son industrie agoniser, ses villes moyennes et ses zones rurales se vider de leurs forces vives, ses banlieues s’enfermer dans une culture de la révolte, de la violence et de la haine de l’autre.

>En 2007 la société française, tétanisée par l’angoisse et l’absence de perspective collective, se fragmente en une somme d’individus, de corporations et de communautés, chacun repliés sur leurs problèmes. Les classes populaires n’ont plus que le choix entre l’assistanat et la précarité. Les classes moyennes se sentent paupérisées par la pression fiscale et la hausse des loyers. Les cadres sont écoeurés et épuisés par les nouvelles règles du capitalisme financier qui exige d’eux toujours plus d’efforts au profit exclusifs d’actionnaires anonymes et apatrides. Les classes aisées font sécession et ne voient plus d’avenir que dans l’exil professionnel ou fiscal hors de nos frontières.

En 2007, la France n’est plus seulement soumise à une fracture sociale entre ceux qui sont inclus dans le système économique et ceux qui en sont exclus ou en marge, elle est désormais aussi atteinte d’une fracture générationnelle qui concentre le patrimoine, les hauts salaires et les revenus du capital dans les mains des seniors, pour réserver aux jeunes l’intégralité des coûts de l’adaptation au nouvel ordre économique, les maigres salaires, les loyers élevés, les diplômes dévalorisés, et la précarité de l’emploi.

En 2007, les fonctionnaires se sentent détestés, les professions libérales déclassées, les chômeurs stigmatisés, les populations d’origine immigrées discriminées, les chefs d’entreprises incompris, les ouvriers sacrifiés.

En 2007, l’Etat est à la fois obèse et impotent. Nos institutions ne parviennent plus à créer de la légitimité suffisante pour engager la moindre réforme de structure. La décentralisation est devenu un mille feuilles, opaque et dépensier où nul n’est responsable de rien. L’Etat-providence n’a jamais été aussi généreux pour des résultats jamais aussi faibles, quand ils ne sont pas contre-productifs.

.En 2007, la France cherche s’interroge sur son avenir. Son salut se trouve t-il dans l’économie de la connaissance, dans l’accroissement des inégalités entre des emplois à haute valeur ajoutée et ceux qui survivront par la redistribution ? Entre quelques métropoles fortement tertiarisées et des territoires laissés à l’abandon ? Va-t-elle se contenter d’être une nouvelle Floride de l’Europe qui accueillera les retraités de tout le continent ? La France pourra-t-elle maintenir ses solidarités et son idéal égalitaire ?

La campagne électorale de 2007 exige un débat public sur la situation de la France, ce qui fait ses atouts et ce qui la menace. Elle exige un vrai débat sur le modèle de société auquel nous aspirons et celui auquel nous pouvons encore prétendre. Elle exige un débat sur les efforts que nous devrons faire, collectivement et individuellement, pour recréer un chemin vers l’avenir.

En tant que candidat à la magistrature suprême, il vous appartient d’affronter ces questions avec courage et lucidité ; votre responsabilité est de proposer un nouveau pacte pour la France, afin que l’élection présidentielle puisse engager le pays sur la voie d’un nouvel horizon collectif et traduire un nouveau départ dans le 21ème siècle.

Nous vous invitons donc à prendre quatre engagements :


Soyez à la hauteur de l’enjeu.

Soyez dignes de la charge à laquelle vous aspirez.

Faites vivre la République !

Faites vivre la France !


Premiers signataires de l’ADN :


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