L’eau lourde iranienne va-t-elle rouiller la diplomatie occidentale ?

par Renaud Delaporte
mercredi 30 août 2006

L’annonce d’une unité de production d’eau lourde par l’Iran pourrait bouleverser quelques idées reçues concernant son programme nucléaire militaire. Les premiers à sentir le vent tourner seraient alors les Indonésiens qui viennent d’annoncer leur volonté de coopérer avec le diable. Y a-t-il quelque chose que l’on ne nous aurait pas dit ?

Bon, tout allait bien. L’Iran continue à enrichir son uranium, prouvant son intention d’en faire une bombe atomique. Les sanctions ne manqueront pas de pleuvoir contre l’Etat-voyou jusqu’à ce qu’il accepte de brader ses hydrocarbures à une compagnie occidentale imprégnée des valeurs des droits de l’homme, de la démocratie et de toutes ces sortes de choses.

Et puis boum ! Ahmadinejad sort de son turban une usine de fabrication d’eau lourde, sise à Khondab, près d’Arak où se contruit une centrale nucléaire expérimentale, sites amplement photographiés par tous les satellites espions de la planète. L’AIEA avait aimablement demandé à l’Iran qu’elle en cesse la construction, ce que l’Iran a gentiment refusé. À quoi sert l’eau lourde ? Notre vaillant porte-parole des mollahs affirme sans rire à son peuple ébahi qu’elle contribuera à lutter contre le sida, le cancer du sein, celui de la prostate, et, si on cherche par là, aboutira à l’éradication de l’osteochondrite disséquante du chien, ce dont nos compagnons canins pourront bientôt se réjouir.

Nos scientifiques occidentaux imaginent perfidement quant à eux qu’une fois introduite dans la centrale expérimentale située à proximité, l’eau lourde contribuera à la fabrication du plutonium et, par ce fait, de bombes nucléaires parfaitement efficaces.

Reste qu’une fois engagé dans la filière du plutonium, l’Iran n’a plus besoin d’enrichir son uranium au-delà de 5% pour en faire un combustible militaire, conformément à ce qu’ont toujours affirmé les mollahs. Ça pètera au plutonium.

Seulement, il y a un bémol. Pourquoi tant d’agitation en Occident autour des centrifugeuses, et ce silence sur le programme d’eau lourde lié à la construction de la centrale d’Arak ? Parce qu’elle est protégée par des batteries anti-aériennes ? Parce qu’elle ne sera pas terminée avant 2009, c’est-à-dire après les élections américaines ? Ou parce qu’un programme de destruction du Moyen-Orient ne souffrirait pas d’un pareil retard ? Curieux comportement, quand on sait que l’enrichissement peut ne pas créer d’uranium à usage militaire, mais que le plutonium ne peut avoir d’autre destination qu’une bombe nucléaire. Et la centrale d’Arak produira beaucoup de plutonium, malgré sa faible taille.


C’est là qu’intervient l’Indonésie.

L’agence Xinhua révèle que l’Indonésie " pourrait coopérer avec l’Iran en matière d’enrichissement d’uranium à des fins pacifiques ". Très benoîtement, M. Lakseno, président de la Chambre des représentants indonésienne, affirme en outre : "Je pense que nous pouvons établir une coopération avec le gouvernement iranien dans la poursuite des projets d’enrichissement nucléaire, tant qu’ils sont conçus pour des objectifs pacifiques." Pour faire bon poids, il ajoute : " Le gouvernement indonésien cherche à défendre l’Iran contre la pression exercée par les pays occidentaux sur ses projets d’enrichissement nucléaire. "

S’il est vrai que l’Iran poursuit le développement d’une bombe au plutonium et n’entend pas développer la filière uranium à des fins militaires, on comprend mieux pourquoi ses dirigeants jouent la montre. Ils attendent de prouver que l’enrichissement de l’uranium restera dévolu à des fins civiles malgré tous les remous diplomatiques créés autour de ce développement. L’urgence d’interrompre cet enrichissement perd alors toute crédibilité. Eau lourde ou pas, nombreux seront les occidentaux qui cesseront définitivement de croire aux avertissements de Washington.

Fines mouches, les Indonésiens ? Le plus important pays musulman d’Asie entendrait alors être le premier à se dégager du discrédit qui tomberait inéluctablement sur la diplomatie occidentale.

Et plus rien n’empêchera Téhéran d’avoir sa bombe au plutonium.


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