La belle victoire de Ségolène Royal et la nouvelle force d’un courant strauss-kahnien »

par Nicolas Cadène
lundi 20 novembre 2006

Ségolène Royal a donc remporté la primaire organisée par le Parti socialiste pour désigner son ou sa candidat(e) à l’élection présidentielle 2007.

Vendredi 17 novembre 2006 au matin, certains sociaux-démocrates se sont levés sous le choc, ayant cru la veille en un second tour qui aurait tourné en faveur de leur candidat Dominique Strauss-Kahn.

Certains concitoyens leur ont alors demandé s’ils comptaient soutenir la candidate désignée et ainsi, selon eux, « retourner leur veste ».

Rectifions ce propos : il n’y a, bien entendu, aucun « retournement de veste ».

Dès le départ, les socialistes ont garanti qu’ils soutiendraient le ou la candidat(e) désigné(e).

Chacun connaissait les règles du jeu, et les acceptait ; sinon le débat aurait été inutile. Il faut savoir être « beau joueur » et DSK l’a tout particulièrement été en saluant « ce beau résultat » et en félicitant par téléphone la présidente de la région Poitou-Charentes.

Tous les militants, quelle qu’ait été leur préférence, sont, en premier lieu, socialistes.

Cela signifie que leur base idéologique est la même.

Ségolène Royal n’est pas et n’a jamais été une « adversaire ». Qui plus est, sur le fond, les idées de la compagne du premier secrétaire sont réformistes et de tendance social-démocrate. En revanche, elles se différencient nettement de celles, plus radicales, de Laurent Fabius, nouvellement promu héraut de la vraie gauche.

C’est la stratégie ségoléniste, la méthode, qui été remise en cause par les strauss-kahniens, rocardiens et autres sociaux-démocrates.

Ils continueront à la remettre en cause, et cela avec raison, tant que cela se fera de façon constructive.

Avec raison, parce que cette méthode a effectivement pu, parfois, paraître populiste et démagogique.

Ce sont des caractéristiques insupportables pour les partisans de Dominique Strauss-Kahn, qui préfèrent élever le débat politique par les convictions et les échanges de fond, et non le rabaisser sous prétexte de le rendre plus accessible à tous (quitte à lui enlever de sa substance).

Faire de la politique, ce n’est pas se mettre au niveau de la norme, ce n’est pas penser ce que pense tout le monde. C’est convaincre, c’est choisir.

Et justement, l’ancien ministre de l’Economie a choisi.

Prenant ses concitoyens très au sérieux, peut-être trop, il a fait le choix difficile d’expliquer les problématiques de la façon la plus noble qui soit, la plus sincère et la plus profonde.

Une façon qui suppose un travail de conviction lourd et donc un débat bien plus long.

Certes, DSK a ainsi perdu les primaires, mais il n’a pas encore perdu son combat : ancrer le Parti socialiste et ensuite la France dans la social-démocratie européenne.

Concernant le parti, c’est même une quasi-victoire.

En effet, lui qui, au départ, ne comptait pas devenir une quelconque personnalité politique, a su, petit à petit, s’imposer au PS et par là-même prendre la suite logique de Michel Rocard.

Cette investiture a au moins permis d’enfin compter les troupes de son courant, Socialisme et démocratie. Au Congrès du Mans, en 2005, le choix avait été fait de rejoindre la motion majoritaire.

21 % environ des militants lui ont apporté toute leur confiance.

Mais concrètement, l’on peut aujourd’hui considérer que DSK représente idéologiquement plus de 30 % du parti à lui tout seul, alors que Laurent Fabius a fait le maximum des voix à 18 % et que Ségolène Royal a rassemblé des soutiens extrêmement divers qui ne pourront effectivement s’entendre sur une ligne politique claire.

Ségolène Royal a eu le talent de réunir l’ensemble des tendances du parti, mais ses comités Désir d’avenir ne peuvent imposer de lignes directrices au parti. Finalement, Ségolène Royal est soutenue par 60 % des militants pour représenter le parti à la présidentielle 2007, mais non pour décider de la politique socialiste future.

Un exemple concret le montre : parmi ceux qui ont voté pour Ségolène Royal, on ne compte plus le nombre particulièrement élevé de militants souhaitant voir Dominique Strauss-Kahn obtenir le poste de Premier ministre (ce qui n’est pas forcément son vœu), ou, du moins, un poste clé pour le choix des politiques à conduire.

Cela n’est en rien le cas pour Laurent Fabius.

Egalement, nombreux sont les rocardiens, et même les strauss-kahniens, à avoir rejoint Ségolène Royal et à lui avoir apporté leurs suffrages. Cela peut s’expliquer par l’opportunisme, ou par la croyance sincère en un mouvement de renouveau susceptible de conduire à la victoire en 2007. Ces votants n’ont alors eu cesse de répéter à leur secrétairesde sections, à leurs élus, à leurs camarades, que le choix Royal était plus un choix de circonstance, pour simplement accéder à la présidence.

Quelle qu’en soit la raison, ces militants et politiques restent fidèles, pour la plupart, aux idéaux de la social-démocratie. Or, pour ce qui est du fond et du développement de ces derniers à travers des politiques concrètes, le représentant reste bel et bien Dominique Strauss-Kahn.

C’est pourquoi DSK représente désormais un courant fort et incontournable au PS.

Souvent considéré par ses camarades comme le plus brillant, il peut désormais peser considérablement dans la bataille face à Nicolas Sarkozy et contre la droite en 2007.

C’est à lui et à ses troupes, désormais comptabilisées, d’influer sur la campagne. A eux de s’investir, pour éviter toute dérive démagogique et pour mettre au centre du débat leurs convictions, désormais incontournables et quasi majoritaires.


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