La crise de la démocratie et l’élection présidentielle
par PHILIP
jeudi 11 janvier 2007
La plupart des Français pensent que les promesses électorales des candidats ne seront pas tenues et que l’opposition gauche-droite, présentée comme essentielle, est artificielle. Les partis exclusivement contestataires, sans projet vraiment crédible, représentent plus de 55% de l’électorat. Selon un récent sondage, près de 80% des jeunes de 18 à 25 ans ont une mauvaise image de la classe politique, la majorité d’entre eux pensent que les choses ne changeront pas, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle.
Cette question ne devrait-elle pas être au centre du débat politique ?
Ce n’est pas le cas. Les principaux candidats multiplient les promesses électorales dans tous les domaines, sans préciser par quel miracle elles pourront être financées, et en expliquant que leur projet est fondamentalement différent de celui de leurs concurrents.
Il est assez facile de dénoncer ce comportement démagogique et irresponsable, mais il faudrait aussi s’interroger pour savoir s’il peut en aller autrement. Tout le monde reconnaît que le rôle d’un futur chef de l’État devrait être de faire prévaloir l’intérêt commun en réalisant les réformes indispensables qui demandent du temps pour être mises en œuvre. Or que demande le peuple, et donc les électeurs ? Essentiellement la satisfaction immédiate d’intérêts catégoriels.
Il n’est pas aisé de concilier ces deux exigences et l’on ne peut pas reprocher aux candidats leur manque de sincérité. Les hommes politiques qui ont voulu dire la vérité ont tous été battus, ou marginalisés.
L’idée dominante actuellement pour lutter contre la désaffection politique est d’être plus proche des gens, de les écouter davantage afin de mieux satisfaire leurs revendications. Cela se traduit chez Ségolène Royal par les jurys citoyens, mais le comportement de Nicolas Sarkozy n’est pas très différent. Cette attitude est certes généreuse, mais elle est discutable, car elle peut s’avérer stérile et même dangereuse. Consulter le peuple pour savoir quelles doivent être les grandes orientations d’un pays risque de conduire aux pires solutions, contrairement à ce que l’on pense. On se bornera à quelques exemples : les Français, dans leur grande majorité, ont été successivement favorables aux Accords de Munich en 1939, au maréchal Pétain de 1940 à 1944, au maintien de la présence française en Indochine au début de la IVe République, à l’Algérie française jusqu’au début des années 1960, à la peine de mort jusqu’en 1981, etc.
Le renouveau de la démocratie ne peut reposer sur la promesse de satisfaire les revendications du peuple, lesquelles sont trop diverses et contradictoires, mais il pourrait être favorisé par des mesures concrètes permettant aux Français de retrouver estime et confiance en leurs représentants. Cet objectif devrait être commun à tous les candidats responsables et pourrait faire l’objet d’un véritable consensus. Pourquoi ne s’entendraient-ils pas sur un certain nombre de mesures précises ? Par exemple, sur l’interdiction du cumul des mandats et sur la limitation de leur durée. Une autre mesure destinée à limiter les dérives démagogiques pourrait être l’institution d’une autorité politique indépendante chargée d’évaluer la crédibilité des principaux candidats et de leurs programmes.
S’il est parfaitement légitime que chaque candidat présente des voies différentes pour résoudre les grands problème du pays, il existe aussi sur de nombreux points des solutions qui peuvent être communes. L’exemple de la réforme budgétaire de 2001 avec le vote de la LOLF, qui constitue sans doute l’une des plus grandes réformes de ces vingt dernières années et qui a été adoptée par la majorité comme par l’opposition de l’époque, montre que beaucoup de problèmes pourraient faire l’objet d’un consensus de cette nature.
C’est probablement la seule voie qui permettrait qu’une majorité de Français retrouvent confiance en la politique.
Loïc Philip