La vache-noël squatte le SDF
par Ben Ouar y Villón
lundi 8 janvier 2007
Je regarde TF1 et je me dis : c’est vrai, je fais partie des 40 % de Français qui n’ont pas les moyens de partir. Pour pallier cet inconvénient qui m’emplit de honte vis-à-vis de mes enfants, je vais donc emmener ma première fille au Stade de France, au "rêve de neige".
J’arrive à midi, une queue énorme, d’une demi-heure au moins. Est-ce que j’insiste ?
Juste à l’arrivée, devant le gardien qui tient les grilles de la porte H : il nous indique qu’il ne laisse plus entrer quiconque avant nouvel ordre. Flûte, juste quand c’est à nous ! Puis, après dix minutes, il nous libère. Nous nous ruons alors sur la boutique de sport où il faut acheter le sésame pour 19 euros. Ma fille de six ans a une réduction d’un euro ! Une demi-heure à nouveau de file d’attente pour payer les billets. Est-ce que j’insiste ?... Oui : dès lors qu’on est entré, on ne peut pas faire demi-tour... Et puis c’est l’entrée dans le stade magique. On nous offre un café chaud et un carré de chocolat. Il faut dire que l’événement est sponsorisé par un industriel de la vache-à-lait.
Du haut des escaliers d’où l’on pénètre dans l’enceinte du stade, c’est magnifique. C’est tout comme dans le reportage de Jean-Pierre Pernaut : une patinoire ! Une piste de ski ! Une tyrolienne !
Et puis, las, on voit la file d’attente immense qui nous attend au bas des escaliers... On s’y glisse. On se dit que ça doit avancer vite. Cinq minutes plus tard, une gentille employée de la fête vient nous rappeler que les enfants de moins de 1 mètre 40 ne peuvent pas monter et glisser ainsi le long de câble, tendu tout au travers du beau Stade de France. Même accompagné d’un parent ? Même.
Alors on quitte la queue pour en retrouver une autre près de la vache et entrer au chaud dans la tente immense d’où s’échappent des odeurs d’animaux. Mais on fait la queue de la vache ! Est-ce que j’insiste ? Oui, c’est toujours moins long que pour la tyrolienne...
Vingt minutes plus tard on arrive en tête, et on découvre le hall d’exposition avec des parcours rikiki, des odeurs de pins cachés dans les trous des arbres, qu’on montre à nous autres, animaux de la ville qui n’avons jamais approché une pomme de pin sans nous dire que c’était un essaim d’abeilles. On y voit deux tuyaux en bois censés représenter une usine de chocolat. On reste sur sa faim. D’autant qu’il est midi, qu’on est pris dans l’avalanche, et qu’on mangera bien le carré de chocolat qu’on nous avait donné à l’entrée ! A la sortie on me propose de poser devant une vache en plastique mauve, et j’aurai alors la photo qui nous figera dans cet instant magique de Noël au Stade de France. On me donne la photo en me disant que c’est gratuit.
Alors, une charmante exposante, toute de mamelles nourricières, me vante les mérites des cures de thalassothérapie en Autriche. Mais je fais partie des 40 % de Français qui n’ont pas les moyens de partir, réponds-je ulcéré. Sourire de la laitière.
A l’air libre, on passe devant les pistes de ski qui nous attendent. Non pour lesquelles il faudra attendre. Là, la file d’attente est impressionnante, au moins une heure et demie. On se replie sur les passages de ponts en échelles de cordes. Ah non ! un écriteau nous prévient que les enfants de moins de quinze ans ne sont pas acceptés. Heureusement que les moins de quatre ans ne paient pas l’entrée ! Ma fille a six ans et je ne peux pas la laisser là au milieu de cette horde de sauvages pendant que papa s’échine à grimper au rideau ! Il nous reste quoi, quand on n’a pas quinze ans et qu’on ne mesure pas 1 m 40 ? La patinoire. Ok, on y va, mais chemin faisant, on voit que le stand de la gendarmerie ne fait pas recette malgré des gendarmes accortes. Une demi-heure d’attente seulement.
rêve à la neige en attendant
Vidéo envoyée par AgoraBrisefer
Que nenni, très cher ! Ne voyez-vous point que la file est triple, et qu’il y a, au bas-mot, trois cents jeunes personnes qui attendent de pouvoir chausser les patins de la délivrance ? Un mot au gardien aux pieds gelés : est-ce que le temps de patinage est limité ? Non, illimité ! répond le pingouin avec la satisfaction béate de qui va pouvoir se payer une paire de baskets neuves avec son salaire. Voilà pourquoi la queue devant la patinoire est immobile. Ceux qui patinent se moquent pas mal de ceux qui attendent de patiner.
Rêve de neige 4 1 2007
Vidéo envoyée par AgoraBrisefer
Viens, petite, on va au cinéma. J’ai compris : les vaches à lait, c’est nous, et la neige, un rêve qui doit bien être accessible.