Laurent Fabius et le silence du PS sur l’Europe

par Sylvain Reboul
lundi 29 mai 2006

Laurent Fabius ne manque pas d’air : après avoir contribué à mettre la construction européenne en panne et à affaiblir la position de la France dans l’Europe, il se présente en donneur de leçon, et prétend maintenant sauver la mise en se déclarant pour un nouveau traité, concocté par ses soins, en vue, n’en doutons pas, de renforcer ses chances de présidentiable dans -et hors de- son parti. Qu’en dit-il, qui bouleverserait la donne ?

Il faut retenir de ces prétendues nouvelles propositions, en vue d’un prétendu plan B pour l’Europe, encore dans les nimbes de son imagination (alors qu’il nous avait affirmé qu’il existait, ce qui faisait de ses propos, venant de quelqu’un qui connaissait la situation, non pas une simple illusion mais un mensonge caractérisé), qu’il voudrait :

1) reprendre la partie 1 et 2 du TCE assortie d’une charte sociale négociée avec Angela Merkel et éliminer la partie 3 pour mieux la conserver dans les traités existants.

2) forger une économie libérale européenne plus intégrée et une défense commune. Il n’est pas question de (re)nationalisation, mais de l’exportation dans l’ensemble de l’Union de la définition d’un service public, monopole d’Etat, dont on exigerait des autres qu’il soit de type français, et dont on sait les brillantes performances chez nous. Il ne lui vient même pas à l’idée que de nombreuses entreprises d’Etat comme EDF, la SNCF, la RATP sont, sur le plan européen, des entreprises concurrentielles libérales comme les autres ; sauf qu’elles se protègent contre la concurrence étrangère sur le territoire national pour mieux attaquer ses concurrents à l’extérieur ; ce qui ne peut faire l’affaire de nos partenaires. Laurent Fabius voudrait-il élargir le monopole franco-français de ces entreprises à l’ensemble de l’espace européen, ou a-t-il l’intention de rapatrier sur le seul territoire national les activités et les capitaux, en partie publics, de ces entreprises ? Nul ne sait, et pour cause...

3) renforcer l’Eurogroupe en lui donnant pouvoir décisionnaire sur la Banque centrale sans se poser la question de savoir si l’Allemagne et d’autres partenaires seraient d’accord.

4) n’admettre les nouveaux membres qu’à la condition qu’ils aient atteint nos standards économiques, politiques et surtout sociaux, comme s’ils pouvaient le faire en quelques années en dehors de l’Union, tout en condescendant généreusement à les aider, en attendant, de l’extérieur, alors qu’ils sont déjà, de fait, totalement intégrés au marché commun.

Ce qui peut nous rassurer, c’est que le mensonge politique dans le cas de Fabius semble ne pas payer ; ce qui peut nous inquiéter, c’est le vide total de propositions du PS sur la question européenne, qui paraît faire le jeu des démagogues socio-nationalistes, voire souverainistes de tous poils.

Prétendre dépasser le clivage entre les partisans, au sein du PS, du oui et du non (dit de gauche) au TCE qui a déjà été ratifié (et continue de l’être) par la majorité des Etats de l’UE représentant la majorité des populations, est une absurdité manifeste qui masque mal une tactique qui consiste à ne pas décider pour préserver une éventuelle victoire électorale, sans savoir et que sans que l’on puisse savoir sur quel programme européen, lequel est indissociable de la politique économique et sociale chez nous.

Le TCE est devant nous, et non derrière ; le PS le sait mieux que quiconque. Prétendre le contraire c’est, à l’échelon du PS tout entier et non plus seulement de Laurent Fabius, faire acte de mensonge politique électoraliste. Laurent Fabius essaie de se fabriquer une ultime virginité en exploitant ce mensonge à son profit. Comme quoi un mensonge politicien peut toujours en générer un autre.


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