Le Fisc et l’ADN au service de Nicolas Sarkozy

par Laurent Binet
mercredi 7 février 2007

Relisant l’édition du Monde en date du 23 janvier qui traînait à la maison, je m’aperçois que Nicolas Sarkozy explique que sa déclaration de revenus est établie par les services fiscaux eux-mêmes au motif qu’il a été ministre des Finances (en 1993).

Il soutient que c’est le cas pour tous les anciens ministres des Finances. (Le Monde du 31 janvier nous apprend que certains d’entre eux ont publiquement et formellement démenti ce point, d’autres le démentant sous couvert de l’anonymat.)

Je ne sais si c’est le cas, mais si l’usage existe, il est condamnable. Que dire s’il n’existe pas.


Condamnable en effet, car il consiste à permettre à un homme public de disposer des moyens de l’Etat pour des besoins personnels et privés. A mon sens, un ministre, même en fonction, n’est qu’un contribuable comme les autres, soumis au respect de la loi et des procédures fiscales. Savoir que ce sont nos impôts qui servent à rémunérer un fonctionnaire pour qu’il établisse entre autres la déclaration fiscale d’un ministre n’est guère satisfaisant.

On préférerait voir le fonctionnaire en question s’occuper des gens qui n’ont ni les connaissances ni les moyens de remplir eux-mêmes leur déclaration et qui tous les ans se rendent dans leur centre des impôts pour qu’on les aide dans cette démarche. La file d’attente serait peut-être moins longue.

Cela étant, il faut remarquer que cet usage a des avantages indéniables. Les bénéficiaires économisent le coût de l’intervention d’un conseiller fiscal ou d’un expert-comptable. C’est aussi très pratique pour éviter un redressement fiscal. Car soyons franc, l’administration fiscale oserait-elle entreprendre de redresser un contribuable dont elle effectue la déclaration ? Sauf à vouloir redresser des erreurs qui lui sont imputables, ça paraît difficilement concevable. En cas de redressement, l’intéressé n’aura qu’à mettre en cause la responsabilité de l’administration fiscale.

Sans compter qu’au-delà de simples erreurs dans la déclaration, on pourrait facilement imaginer qu’on puisse sous-évaluer le patrimoine du déclarant au regard par exemple de l’ISF.

Qui ira contrôler ?

Alors attention, je ne dis pas que ce soit le cas de Monsieur Sarkozy. Mais la pratique est tout de même critiquable.


Comme quoi, avoir été ou être ministre, ça a du bon. 

Lorsque l’un des fils Sarkozy se fait voler son scooter à Neuilly, les services de Police mettent en oeuvre des moyens exceptionnels pour confondre les trois individus suspectés du vol.



Des tests ADN et des relevés d’empreinte ont été réalisés sur l’engin à fins d’identification des voleurs.



Sur le principe, on ne peut qu’approuver que les services de Police mettent de tels moyens en oeuvre pour appréhender des délinquants (qui au surplus ont reconnu être les auteurs du vol). Dans la pratique, on peut toutefois s’étonner de l’usage de tels moyens dans une affaire de ce type.

Allez donc déposer plainte pour le vol de votre scooter sans avoir aucun élément à fournir aux enquêteurs sur les circonstances du vol, le signalement des voleurs... Au commissariat, on enregistrera votre plainte et on vous conseillera de vous tourner vers votre assureur, pour peu que vous en ayez trouvé un qui assure le vol. Ensuite votre plainte rejoindra celles d’autres motocyclistes.

Loin de moi l’idée de penser que les services de Police négligent ce genre de délinquance, mais il faut bien reconnaître que sans aucun élément concret pour enquêter, ils attendront souvent que votre véhicule refasse surface à l’occasion d’un contrôle routier ou encore de la commission d’une autre infraction.

Pour information, 10% seulement des vols de deux roues déclarés sont élucidés (85166 vols en 2005).

En neuf années de pratique professionnelle, je n’avais encore jamais vu qu’il soit procédé à des tests ADN pour retrouver le "simple" voleur d’un scooter. De tels examens sont généralement réservés, notamment du fait de leur coût, aux procédures criminelles, aux procédures de délinquance organisée et aux infractions à caractère sexuel.

Alors, est-ce un policier particulièrement zélé qui a décidé de solliciter du Parquet la possibilité de réaliser ces tests ? Peut-être, mais j’ai comme un doute. C’est en tout cas ce qu’on affirme du côté des services de Police en indiquant que l’enquête a été menée en usant des moyens habituels (sic).

Pourtant, le 1er août 2001, le Parlement a voté la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) entrée en vigueur en janvier 2006 dont l’objectif est une gestion plus démocratique et plus performante des finances publiques. Dans ce cadre, le ministère de la Justice a pour objectif de réduire le coût de la Justice tout en améliorant sa qualité.

Or cela passe entre autres par une maîtrise de ce qu’on appelle les frais de justice qui regroupent notamment en matière pénale :

A

insi, alors qu’auparavant il était possible de prescrire sans compter ni trop surveiller des investigations payées sur frais de justice, aujourd’hui chaque juridiction (au niveau des cours d’appel) se voit allouer une enveloppe limitée dont elle doit se satisfaire.

Dans ce nouveau cadre, j’ai du mal à concevoir qu’un magistrat du Parquet ait donné de sa propre initiative instructions pour qu’il soit procédé à des tests ADN assez coûteux pour ce type d’affaire.

Sur l’année 2005, les examens génétiques représentaient 6% des frais de justice en matière pénale (le plus gros poste de dépense restant les écoutes téléphoniques avec 19%, soit 95 millions d’euros environ).

Doit-on en déduire que l’identité du propriétaire du scooter n’est pas étrangère à des investigations si poussées ? Doit-on se réjouir de savoir qu’avec Nicolas Sarkozy ministre de l’Intérieur, désormais chaque vol de scooter fera l’objet de la même attention ?



A vous de juger.

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