Le Front Royal national
par LM
mardi 6 juin 2006
Cette fois-ci, ça y est : la muleta Royal a fini par énerver le taureau socialiste. Mais celui-ci ne sait pas encore s’il doit se contenter de taper du pied en tirant la Lang, ou de demander à Hollande de sortir le blanc mouchoir.
Plus royaliste que Sarkozy, Ségolène a passé la vitesse supérieure dans sa course à la présidentielle. Le doigt sur la couture du pantalon et le timbre plus neutre que celui de MAM quand elle inspecte le fût d’un canon, elle a récemment parlé sécurité avec l’accent de Neuilly bien imité. Elle a notamment évoqué sa volonté d’arrêter la « production massive de délinquants ».
Comment ?
Avec « plus de fermeté ». Mais une fermeté « juste et bien ciblée ».
Sévère mais juste, une dialectique militaire bien connue.
Comment « traiter » cette délinquance ?
Avec un « encadrement militaire ». Toujours. Mais un encadrement militaire doublé de velours, avec des « actions humanitaires, la possibilité de passer son permis de conduire, de réapprendre la citoyenneté. » Que faire des parents de délinquants ?
Il faut les aider.
Une fois qu’on a dit cela, on n’a pas dit grand-chose, mais bon. Comment les aider ?
En les encadrant, là aussi. Ségolène encadre beaucoup. Elle aime les bords, sans doute.
« Il faut épauler les familles, ne pas les disqualifier et quand les incivilités se multiplient, avoir un système d’obligation pour les parents de faire des stages dans des écoles de parents, avoir des systèmes de mise sous tutelle des allocations familiales, comme c’est le cas aujourd’hui, mais dans des logiques éducatives de réinsertion des parents. »
Les parents dans les écoles de parents ; les délinquants dans des écoles de délinquants ; des allocations parfois en retenue ; et des délinquants invités à marcher au pas.
C’est beau, c’est chantant, c’est le programme de celle qu’on annonce partout comme un « renouveau » politique. Un « air frais » qui nous sorte des « habituels discours ».
C’est sûr. Ce n’est jusque-là que le copier-coller du discours de Sarkozy, voire de de Villiers, voire d’une droite un peu plus écartée encore.
On a souvent reproché à Sarkozy de faire du Le Pen « soft ». Royal fait aujourd’hui du Sarkozy « rose ». Royal ferait-elle donc du Le Pen rose soft ?
Dans les classes, en tout cas, elle veut deux adultes. Un qui apprend, l’autre qui veille au bon respect de la discipline. A droite, toujours.
Mais à droite, il n’y a pas que l’insécurité qui titille, il y a aussi les 35 heures, œuvre d’une amie de trente ans de Ségolène. Amie de trente ans, bien sûr, suivez mon regard...
Qu’à cela ne tienne, deux jours après "ma recette pour rétablir l’ordre", la Dame de Poitou-Charente s’en prend à ces fameuses 35 heures qui hérissent le poil de la majorité depuis tant de jours de RTT. Pour elle, les 35 heures ont abouti à une « dégradation de la situation des plus faibles ». Autrement dit, l’exact contraire de l’objectif avoué de Martine Aubry avec son projet de loi qui avait pour but, ni plus ni moins, d’endiguer le chômage. Avec les 35 heures, selon la fille de Jacques Delors, on libèrerait du temps de travail pour ceux qui n’en ont pas, et on permettrait à ceux qui en ont de gagner du temps de loisir.
Youkaidi, youkaida.
Aujourd’hui, bien sûr, le tableau n’est pas aussi idyllique, l’application de cette loi a été relativement anarchique, assortie d’un tas de conditions, de passe-droit, de négociations en veux-tu en voilà, d’accords de branche, pour aboutir à l’accroissement de la flexibilité dans le temps de travail. Et la flexibilité, bien sûr, foi de Ségolène, ne profite pas aux plus modestes : « La flexibilité s’est traduite par un empiètement accru sur leur vie personnelle et familiale, alors que les femmes cadres y ont trouvé, elles, des jours de respiration bienvenus. »
Eh oui, patatras. La loi de gauche, du gouvernement Jospin, qui devait lui permettre d’être élu dans un fauteuil en 2002, se révèle un fiasco pas complet mais pas loin. Ségolène réalise aujourd’hui que le plus important dans le travail, c’est le salaire, et que pour gagner plus, il faut travailler plus.
Elle découvre l’eau tiède.
Jack Lang, lui, ne goûte pas de ce breuvage.
L’expérimenté candidat à la candidature entend bien faire redescendre Ségolène de son piédestal made in Ipsos. Les Français l’adorent peut-être, mais Jack entend bien lui marteler que ces idées fortes sur l’éducation, il les avait eues avant, qu’aucun d’entre les socialistes n’a « le monopole du respect de l’ordre républicain ». Concernant l’encadrement militaire, il parle de « dérapage malencontreux. », estimant que tout ne se règle pas « à coups de règle et de menton. »
Evoquant le bureau du PS de ce mardi, il déclare : « Nous sommes asphyxiés par les querelles picrocholines entre les divas du parti. » C’est du Jack dans le texte, ça, de convoquer Rabelais au banquet des socialistes. « Depuis deux ans, les luttes internes au sein du PS accaparent notre énergie au détriment du travail collectif et de l’esprit d’équipe. La fantasia des ego bat son plein ! Certains consacrent 80 % de leur activité à leur propagande personnelle. Ce n’est guère acceptable. »
Alors que faire ?
Jack demande à Hollande de « siffler la fin de la récréation ».
Trop c’est trop.
La maîtresse de maison est plus ou moins directement priée de retourner à ses fourneaux. Sinon « le parti volera en éclats », assure le docteur Jack. « Croire qu’il existe des solutions simplistes pour redonner l’autorité morale et la volonté d’agir, c’est s’illusionner. »
Et pan, dans le tailleur de Ségolène !
« Le socialisme contemporain aurait eu besoin d’une refondation idéologique profonde, solide et audacieuse, d’une nouvelle vision du monde. A ce stade, notre texte manque de Weltanschauung, d’une vision du monde. »
Toujours le même reproche qu’on fait au lièvre des instituts de sondage, à la favorite de l’opinion, de ne pas avoir de vision du monde. Juste de son monde à elle, monté comme un meuble Ikea, rangé comme une cuisine Mobalpa et aussi séduisant qu’un surgelé Picard.
En tout cas, du côté du petit Nicolas, jusqu’à présent plutôt à l’aise dans un univers divisé entre ceux qui le détestent et ceux qui ne le supportent pas, le voilà soudain flanqué d’une petite sœur, plus séduisante, plus avenante, moins nerveuse (pour l’instant) que lui, et qui n’a pas, en plus (superbe luxe), à se préoccuper dans l’immédiat de l’exercice du pouvoir.
Une sorte de Dame de fer à la française, qui rend rouge de colère Arlette, et ne va sans doute pas tarder à faire descendre de son vélo Olivier le postier.
Ca sent la division à des kilomètres à gauche. C’est déjà le souk à droite. Ségolène peut profiter de ces décombres.
Mais elle n’est pas la seule.