Le Pape a raison de porter le débat au niveau spirituel
par Lucien-Samir Arezki Oulahbib
vendredi 15 septembre 2006
L’idée d’indiquer qu’il est déraisonnable de croire que Dieu exige le recours à la violence pour convaincre autrui, comme il est soutenu en islam, (car « nulle contrainte en religion » ne concerne ce qui se passe au sein de l’islam exclusivement...) doit-elle être dénoncée comme pouvant susciter le courroux de certains musulmans, comme le clame la gentry islamocorrecte allant de Gilles Kepel à divers médias (dont LCI et Le Figaro), en passant par le recteur de la Mosquée de Paris, ou s’agit-il d’une exacte mesure du niveau de débat à atteindre avec l’islam ?
Avant de répondre à la question, faisons une observation préalable : en premier lieu, jamais aucun média n’a organisé un débat entre un islamiste et un musulman disons "classique" pour clarifier la notion de Djihad, (qu’il s’agisse du "grand", ou du "petit"...). Pourquoi ? Et en quoi un islamiste n’aurait-il pas le "droit" d’exposer lui aussi sa vision autrement plus musclée que la moyenne des musulmans ? Parce qu’il a été posé un a priori non justifié par divers spécialistes (dont Gilles Kepel) stipulant qu’il ne sert à rien de discuter avec les islamistes car ils ne représentent pas le "vrai" islam, et qu’en réalité leur prose s’avère pauvre, et qu’au fond ces gens ne sont pas très intelligents, n’ont-ils pas "deux à trois neurones", avait souligné Gilles Kepel à propos de son livre Al Keida dans le texte ?
Qu’a donné cette méthode de non-débat, que l’on a vue dans toute son ampleur lors de l’affaire des caricatures ? Encore plus de violence, d’intolérance, et c’est tout à fait normal, puisque l’on ne fixe plus aucune limite à l’islam en le mettant devant ses propres contradictions, en se confrontant intellectuellement à lui ; on laisse ainsi, à la façon d’un adolescent auquel il serait interdit de dire quoi que ce soit sous peine de le frustrer voire de l’offenser, proliférer la vision la plus "hard" de l’islam. Et l’on atteint le paradoxe effarant : certains courants islamistes se montrent de plus en plus violents pour prouver que... l’islam est une religion de paix !
Le pape Benoît XVI, sans doute nourri de l’histoire tumultueuse de l’Eglise dont la toute-puissance avait été déléguée au politique qui l’avait interprétée de manière musclée (alors que Christ avait nettement distingué César et Dieu...) a posé le débat à hauteur de jeu, c’est-à-dire du point de vue de ce que la vérité religieuse pourrait nous dire qui renforcerait et non infirmerait l’autorité de l’homme sur sa propre destinée. Or, la question de la violence en général a été accaparée par les discours ratiocinants qui la réduisent toujours à un manque, ou à une conséquence d’une situation de misère, alors qu’il se peut fort bien que cette violence se déchaîne en raison d’une interprétation exigeant que tous se soumettent à ce que l’on croit être la parole de Dieu....
On ne peut expliquer les actuelles violences inter-religieuses en Irak, ou encore la multiplication des attentats suicides dans divers endroits du monde, comme l’unique résultat d’une frustration sociale et politique donnée. Il y a là une volonté théologico-politique d’imposer sa vision du monde au nom du Coran, donc de Dieu, et cette volonté a de nombreux défenseurs qui ont pignon sur rue, puisqu’ils ne posent pas, eux, des bombes, tout en les justifiant ; or, il s’agit d’entamer avec eux un débat pour montrer à tous ceux qui refusent de réfléchir que c’est, au contraire, bien le moment, du moins si l’on pense qu’il faut avancer, progresser dans l’évaluation de ses propres interprétations, afin que l’humanité puisse, dans sa diversité, continuer à s’affermir dans la réelle liberté vraie, c’est-à-dire qui nous libère de la violence et de la fascination qu’elle exerce.
Ce n’est pas en étouffant le débat qu’on évolue vers plus de tolérance et de compréhension.